Grippe aviaire : une situation « préoccupante » en Europe
AFP le 13/11/2025 à 10:30
La multiplication des cas d'influenza aviaire parmi les oiseaux sauvages et par conséquent dans les élevages de volaille européens, est « très préoccupante », affirme Jean-Luc Guérin, professeur à l'École nationale vétérinaire de Toulouse et chercheur à l'Inrae. Il souligne toutefois les « apports » de la vaccination des canards en France pour limiter les dégâts, lors d'un entretien avec l'AFP.
Quelle est la situation parmi les oiseaux sauvages ?
« On est dans une situation qui, au niveau européen, est très préoccupante dans l’avifaune sauvage. On parle beaucoup des grues cendrées, avec des mortalités de plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’oiseaux, sur tout le couloir de migration. Mais c’est un révélateur d’une contamination beaucoup plus large », explique le chercheur.
Entre le 1er août et le 9 novembre, 1 173 foyers d’influenza ont été recensés chez l’avifaune sauvage dans 26 pays en Europe, selon le dernier bilan de la plateforme de surveillance ESA publié mercredi. Dont 444 sur la seule dernière semaine. L’Allemagne (578), le Royaume-Uni (182) et la France (116) forment le trio de tête. Pour le chercheur, ces chiffres sont très sous-estimés car il est impossible de repérer tous les foyers.
Le virus est par ailleurs considéré comme endémique depuis plusieurs années, c’est-à-dire également installé chez des espèces non migratrices, ce qui accroît le risque de diffusion dans les élevages.
Et dans les élevages ?
« Chez les volailles, les détections des virus de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) étaient sporadiques jusqu’à la mi-octobre et sont maintenant à un niveau élevé, notamment dans les pays limitrophes de la France », affirme l’ESA dans son bilan.
La situation continue de se dégrader fortement en Allemagne (97 foyers d’infection, environ 1,5 million d’animaux morts de la grippe aviaire ou abattus, selon les derniers chiffres nationaux). Plusieurs pays comme l’Angleterre, l’Espagne et la France ont confiné les volailles de plein air.
Au total en Europe, 168 foyers ont été recensés dans les élevages de volailles (+ 30 sur la dernière semaine jusqu’au 9 novembre) et 42 dans des basses-cours ou parmi des oiseaux captifs (+ 15), surtout en Allemagne, au Royaume-Uni, en Pologne, en Italie, en France et en Espagne.
En France, Jean-Luc Guérin souligne l’existence de « zones à grand risque de diffusion (ZRD), dans lesquelles il y a notamment une densité élevée d’élevages de canards ».
« On observe depuis maintenant un peu plus d’une semaine une dégradation de la situation, notamment en Vendée », avec une dizaine de foyers détectés en moins d’un mois, surtout chez des canards, ajoute-t-il.
Cette situation est toutefois loin d’être aussi catastrophique qu’en 2022, dernier pic de l’épizootie avec des dizaines de millions de volailles abattues et plusieurs milliers de foyers. En France, 12 élevages et 7 basses-cours sont touchés mais ces chiffres de l’ESA n’intègrent pas les dernières détections en Vendée.
« On sait d’expérience, malheureusement, que lorsqu’il y a une introduction par la faune sauvage, le risque de faire des chaînes de transmission, de ferme à ferme par les voies aérosol ou de proximité, est très élevé. C’est pour ça d’ailleurs que la vaccination a été mise en oeuvre spécifiquement sur les canards », particulièrement sensibles au virus, explique le chercheur.
La vaccination des canards est-elle efficace ?
Les cas détectés chez des canards vaccinés ne « remettent pas en cause l’apport de la vaccination », que seule la France applique dans l’Union européenne, ajoute-t-il. « La vaccination n’a pas une efficacité absolue, chez toutes les espèces. (…) Il y a aussi des périodes où les canards sont plus protégés que d’autres. En fin d’élevage, on sait que la protection est un peu moins bonne. »
Le chercheur rappelle que le but de la stratégie vaccinale est de freiner la maladie à l’échelle du territoire et, depuis octobre 2023, début de la première campagne de vaccination, « on a plutôt observé une remarquable stabilité de la situation et un blocage très efficace des chaînes de transmission ».
Ce qui n’empêche pas la récente multiplication d’être un « sujet de préoccupation pour les vétérinaires, les équipes de recherche, les services de l’Etat et tous les professionnels ».