En crise, la filière viticole de nouveau reçue par la ministre de l’agriculture
AFP le 07/11/2025 à 12:00
En crise en France comme à l'exportation, la filière viticole a été une nouvelle fois reçue jeudi au ministère de l'agriculture, obtenant notamment dans l'immédiat la prorogation d'un guichet sécheresse et appelant à la modération fiscale dans le contexte des discussions budgétaires.
« Le moral des professionnels est au plus bas et de nombreux signaux de détresse remontent du terrain », ont signalé ses représentants, au terme d’une vendange à nouveau réduite après un été caniculaire dans certaines régions.
Pour certains, confrontés à des difficultés économiques « aiguës », les viticulteurs demandent « des décisions fortes » (possibilité d’irrigation…) face aux aléas climatiques, mais aussi plus structurellement.
Dans l’immédiat, selon leurs représentants, la ministre Annie Genevard, « à l’écoute » pendant ces 2h30 d’échanges, a annoncé jeudi la prorogation du guichet sécheresse, avec une enveloppe de 10 millions d’euros pour accompagner l’adaptation des exploitations.
Elle s’est engagée à réactiver un dispositif de consolidation bancaire, destiné à faire face aux crises de trésorerie, ont aussi indiqué ces organisations dont la CNAOC (Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à Appellations d’origine contrôlée), Vignerons coopérateurs, Vignerons indépendants de France, la FNSEA et l’Institut français de la vigne et du vin (IFV).
Plus structurellement, le secteur attend la mise en place d’un plan de filière visant à l’adapter aux besoins nouveaux, dans un contexte de changement des habitudes de consommation.
Mme Genevard, « pleinement mobilisée à Bruxelles et à Paris », « s’est engagée à revenir vers (les viticulteurs) avec des propositions concrètes d’ici la fin du mois », a indiqué son ministère.
« Chiffon rouge »
A cette nouvelle rentrée difficile s’ajoutent des discussions budgétaires, en cours au Parlement, qui inquiètent la filière.
« Les démarches budgétaires sont alarmantes, surtout dans une période de crise et d’incertitudes », a déclaré jeudi à la presse Jean-Pierre Cointreau, président de la Maison des Vins & Spiritueux. « Nous voulons un statu quo, parce que quelquefois trop c’est trop, et l’impact des décisions n’a pas été bien calibré », a-t-il ajouté.
Plusieurs dizaines de propositions émises dans le cadre des débats au Parlement concernent la filière : instaurer un prix minimum pour les alcools, taxer la publicité, étendre les cotisations sociales aux alcools à moins de 18°, déplafonner la hausse fiscale annuelle liée à l’inflation…
Le secteur alerte aussi sur le projet de taxe visant les géants de la tech. « Ce sujet est dans le radar des Etats-Unis, c’est un chiffon rouge absolu côté américain. La seule chose qui va se passer est que la France va être ciblée par des mesures de rétorsion. Et qui va être ciblé ? Le secteur des vins et spiritueux », a averti Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS).
Fin 2024, les eaux-de-vie de vin européennes, en premier lieu le cognac et l’armagnac, s’étaient vu imposer par Pékin des cautions douanières en rétorsion à des mesures de Bruxelles sur ses voitures électriques.
Début 2026 compliqué
Le secteur des vins et spiritueux, qui compte 600 000 emplois en France, représente 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont la moitié à l’exportation.
Fin août, ses exportations étaient en repli de 3 % en volume et 5 % en valeur sur un an, selon la FEVS, qui prévoit une aggravation de la situation dans les mois à venir, les importateurs américains ayant constitué des stocks en début d’année.
« Ca n’est que le début. Les commandes sont mauvaises sur la fin de l’année et surtout le début 2026 », a indiqué M. Picard.
Depuis août l’administration Trump impose des droits de douane de 15 % aux vins et spiritueux européens (contre respectivement 0 % et des droits très limités précédemment).
Alors que le secteur espérait une poursuite des échanges entre Washington et Bruxelles, « le canal de discussion existe, mais à ce stade il n’y a pas d’intensité dans la discussion », résume M. Picard.
En Chine, à fin septembre, le chiffre d’affaires reculait de 700 millions d’euros sur un an, selon la FEVS. Les entreprises françaises de spiritueux ont soldé le conflit avec Pékin, mais le marché chinois reste en berne.
Le secteur souligne aussi ses difficultés en France, où la consommation de boissons alcoolisés recule également, d’environ 4 à 5 % par an désormais.