L’Europe continue d’exporter des phytos interdits dans l’UE, dénoncent des ONG


AFP le 23/09/2025 à 18:12

L'Union européenne a exporté près de 122 000 tonnes de produits phytosanitaires interdits sur le territoire européen en 2024, des volumes « en hausse » alors que « la Commission s'était engagée à faire cesser cette pratique », ont dénoncé les ONG Public Eye et Unearthed dans un rapport publié mardi.

« La majorité de ces volumes est destinée à des pays à revenus faibles ou intermédiaires », affirme le rapport. Selon les données obtenues par les ONG auprès de l’agence européenne des produits chimiques (Echa), « en 2024, les pays membres de l’UE ont approuvé l’exportation de près de 122 000 tonnes de pesticides dont l’utilisation est bannie sur leurs propres sols en raison de risques inacceptables pour la santé ou l’environnement ». Ce qui représente « une hausse de 50 % par rapport aux quelque 81 000 tonnes annoncées en 2018 », soulignent-elles.

Le rapport précise qu’en tenant compte du fait que le Royaume-Uni était alors le principal exportateur, « responsable à lui seul de 40 % des volumes », les exportations de l’UE (en prenant en compte le Brexit) « ont plus que doublé en six ans ».

« Au total, 75 produits phytosanitaires interdits dans l’UE ont été annoncés à l’exportation en 2024 – contre 41 en 2018 », avec « en tête de liste » le dichloropropène, utilisé en maraîchage, « classé cancérogène probable aux États-Unis et interdit dans l’UE depuis 2007 en raison de risques de contamination des eaux souterraines et pour la biodiversité ».

Les ONG expliquent « la croissance spectaculaire des exportations européennes » « principalement par l’interdiction d’une centaine de nouveaux pesticides depuis 2018, et leur ajout subséquent à la liste des substances soumises à la législation sur l’exportation de produits chimiques dangereux ».

Elles rappellent l’ambition de la Commission européenne, qui défendait en 2020 la durabilité de son agriculture et de ses industries au travers du « Pacte vert », promettait de « montrer l’exemple » en mettant fin à l’exportation de pesticides interdits dans l’UE.

En 2023, Virginijus Sinkevicius, alors commissaire européen à l’Environnement, affirmait que « l’UE ne serait pas cohérente dans son ambition d’un environnement sans produits toxiques si des produits chimiques dangereux dont l’utilisation n’est pas autorisée dans l’UE pouvaient encore y être produits puis exportés ».

Depuis, la position de la Commission européenne est inchangée : elle attend les résultats d’une étude d’impact lancée en 2023 et souhaite également lutter contre les exportations européennes de produits phytosanitaires dangereux et déjà interdits à l’intérieur de l’UE.

Plusieurs associations de défense de l’environnement et de consommateurs, dont Générations Futures, Foodwatch et CCFD-Terre Solidaire, ont dénoncé mardi dans un communiqué commun une « politique du double standard » européen, qui « consiste à interdire certains pesticides chez nous tout en continuant à les exporter ailleurs », fustigeant « un commerce cynique et amoral ».

Selon les ONG, en Europe, les plus importants exportateurs de phytos interdits dans l’UE sont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas, la Bulgarie et la France. En France, des ONG ont saisi le Conseil d’Etat en 2024 pour faire cesser ces exportations, déplorant « une faille » dans la loi interdisant pourtant l’exportation de certains produits.