Le lait français veut rester dans la course à l’export malgré les vents contraires
TNC le 10/09/2025 à 05:09
Dans un contexte mondial marqué par la hausse des droits de douane et la fragilisation de ses marchés traditionnels à l’export, la filière laitière française veut diversifier ses débouchés en misant sur sa compétitivité.
« Notre ambition est de faire du lait français un modèle de qualité, de résilience et de compétitivité dans le monde ». Pascal Le Brun, président du Cniel, donne le ton lors de la conférence de presse donnée par l’interprofession, mardi 9 septembre : dans un contexte international instable et incertain, la filière française entend rester offensive sur les marchés mondiaux.
Avec près de 9 milliards d’euros de produits laitiers exportés chaque année vers plus de 180 pays, soit quatre litres de lait sur dix écoulés à l’étranger, la France est pour l’heure un acteur majeur du commerce mondial.
Jean-Marc Chaumet, directeur du service économie du Cniel, rappelle que l’UE absorbe près de 60 % de ces exportations, principalement la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie. Et que le solde commercial avec nos voisins reste « légèrement déficitaire », de l’ordre de 200 à 300 millions d’euros, notamment du fait d’importations de beurre et de fromages industriels.
L’excédent global de la balance laitière française – plus de 3,3 milliards d’euros – repose surtout sur le commerce avec les pays tiers, qui a fortement progressé ces dernières années. En tête de nos clients : le Royaume-Uni, la Chine, les États-Unis, l’Algérie et la Corée du Sud.
Mais au sein de ce peloton de tête, trois marchés se retrouvent aujourd’hui sous pression. D’abord, les États-Unis. Après plusieurs mois d’une guerre commerciale faite d’annonces et de revirements, l’administration américaine impose depuis août des droits de douane d’au moins 15 % sur les produits laitiers européens.
Pour la France, ce marché représente 300 à 350 millions d’euros par an, dont 70 % de fromages. Le brie est particulièrement concerné : les USA sont la troisième destination pour ce produit, avec 11 % des volumes exportés.
Enquête antisubventions de la Chine
« L’accord entre l’UE et les États-Unis tel qu’il a été signé est un mauvais accord qui ne nous satisfait pas, et c’est un peu un signe de faiblesse de l’Union européenne », estime Pascal Le Brun, pour qui la question sera de voir « comment va réagir le consommateur américain », et quelle place « cela va donner à d’autres pays exportateurs comme la Nouvelle-Zélande ».
Second marché à surveiller : la Chine. En représailles à une enquête de l’UE sur les véhicules électriques, Pékin a de fait ouvrir une enquête antisubventions sur les produits européens, dont les conclusions sont attendues en février 2026.
Or, l’Empire du Milieu représente 7 % des exportations français de produits laitiers et c’est le premier débouché de notre crème, avec 32 % des volumes. « On a perdu 30 à 35 % des volumes exportés, le commerce de poudre avec la Chine est beaucoup moins dynamique », regrette Pascal Le Brun.
Dernier pays source d’inquiétude : l’Algérie, troisième destination de la poudre de lait écrémé française (11 % de nos exportations). La situation diplomatique tendue entre les deux pays a conduit à un arrêt de ses achats de produits français.
Au total, près de 12 % des exportations françaises de produits laitiers pourraient être affectées par ces trois zones.
Vers une demande mondiale dynamique
« Le monde change, et l’interprofession se mobilise auprès des pouvoirs publics pour rester vigilants autour de ces échanges et alerter sur ce contexte géopolitique », insiste Pascal Le Brun. Il souligne la polarisation des marchés mondiaux par les géants étasunien, russe et chinois, et la remise en cause du cadre multilatéral de l’OMC au profit d’accords commerciaux bilatéraux.
Dans ce contexte, le Cniel plaide pour une stratégie offensive, avec un argument de poids : la demande mondiale en produits laitiers s’annonce dynamique dans les années qui viennent (+ 18 % pour les produits laitiers frais entre 2024 et 2033, selon l’OCDE), face à un commerce attendu « plus atone ».
La hausse des besoins se concentrera en Asie du Sud-est et en Afrique, où la consommation augmente beaucoup plus vite que la production locale. Et parmi ces nouveaux marchés déficitaires, « il y aura pour la France des opportunités », argue Jean-Marc Chaumet.
« Il nous faut aller chercher ces parts de marché qui doivent créer de la valeur ajoutée, avec une recherche de compétitivité et toute la lucidité que ça nécessite. Car c’est clair, on ne sera pas seuls », ajoute Pascal Le Brun : les grands exportateurs – États-Unis, Nouvelle-Zélande, Argentine ou Inde – affichent eux aussi de fortes ambitions.
Pour conquérir ces nouveaux marchés, le Cniel veut miser sur l’innovation et la modernisation de la filière, et sur les atouts des produits laitiers français : traçabilité, garanties sanitaires, savoir-faire reconnu et image de qualité de l’origine France. Autant de gages de confiance pour les consommateurs étrangers.
Il entend « faciliter l’accès à de nouveaux débouchés à forte valeur ajoutée en accompagnant les négociations commerciales, comme en Asie du Sud-Est », et « soutenir la compétitivité des opérateurs en mobilisant les pouvoirs publics pour défendre les intérêts français ».