Diversité des productions de volailles de chair, en France
Michel DUCLOS et Pascale MAGDELAINE, membres de l’Académie d’Agriculture de France le 11/09/2025 à 10:00
La volaille est la première viande produite et consommée dans le monde, et la première viande consommée en France depuis 2024. La production française est marquée par une grande diversité d'espèces en élevage, alors que ses concurrents européens se limitent en général au poulet et à la dinde. La production française couvre aussi un large choix de modes de production et de produits. Cependant la part du poulet dans la production française augmente régulièrement et atteint 75 % en 2023. Concernant le poulet, la demande de produits de plus en plus découpés et transformés est actuellement servie par l'importation en provenance de concurrents intracommunautaires, même si les filières de production de poulets standards lourds se développent pour prendre leur part de cette demande croissante. Par ailleurs un nouveau standard européen, créé à l’initiative d’ONG défendant une meilleure prise en compte du bien-être animal se développe peu à peu. Les filières sous signes de qualité sont plutôt en régression sur les dernières années ; elles répondent surtout à la demande de volailles en carcasses entières. La production en Agriculture Biologique reste pour l'instant minoritaire (1 à 2 %).
La viande de volaille est la viande la plus consommée au monde et, depuis 2024, également en France.
Comparativement à celle des autres pays et notamment de ses partenaires de l’Union Européenne, la principale caractéristique de la production avicole française est la diversité d’espèces élevées, de produits mis en marché, et de signes officiels de qualité. Elle repose sur une large diversité des modes et des structures de production. Cette note décrit l’organisation de la filière volailles de chair en France, et fait état de ses particularités par rapport à celle de ses voisins européens.
Structuration et particularités de filière volailles de chair en France
En productions avicoles, trois filières sont identifiées auprès du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation : volailles de chair, pondeuses et palmipèdes à foie-gras.
En amont de celles-ci se trouvent des métiers communs : sélection/reproduction/accouvage d’une part, et alimentation animale d’autre part, répondant aux besoins spécifiques et diversifiés de chacune. Cette fiche traite des filières volailles de chair, qui vont de la production d’œufs à couver jusqu’au maillon final (abattage – découpe – transformation), préalable à la distribution.
Cette diversité s’inscrit cependant dans la dominance d’un modèle de production standard (principalement en poulet, et secondairement en dinde), qui prévaut au plan mondial. Son développement a été permis par la rationalisation des formules et de la fabrication de l’aliment, à partir de matières premières (céréales, protéagineux) dont les approvisionnements se sont mondialisés, en particulier pour le soja. Cette production
s’est souvent développée en France via la création d’ateliers secondaires dans des exploitations agricoles de polyculture-élevage.
Diversité des espèces et des produits
La diversité d’espèces est historiquement une particularité forte de l’aviculture française, alors qu’à l’étranger la production de poulet domine très largement avec plus de 80 % de la production de volaille. Les autres espèces élevées en France, sont, par ordre d’importance décroissante, la dinde, le canard de Barbarie, la pintade, la caille de chair, que ce soit sous forme standard ou de volailles festives (chapon, poularde, chapon de pintade, dinde de Noël et oie à rôtir). On peut y joindre les palmipèdes gras : le mulard (hybride canard de Barbarie & Canard de Pékin) et l’oie, pour lesquels la viande est un coproduit du foie-gras.
Cependant, la tendance récente est à une part croissante du poulet dans le total de la production de volailles (55 % de la production de volailles françaises en 2000, 75 % en 2023).
Une consommation de volaille dynamique, tirée par les produits transformés et la Restauration Hors Domicile
La consommation de volailles reste dynamique (+1,8 % par an depuis 10 ans), et celle de poulet encore plus (+3,6 % par an). Cependant, seule la consommation hors domicile progresse (elle représente aujourd’hui environ 35 % de la consommation totale), les achats des ménages pour leur consommation à domicile étant en légère diminution depuis 10 ans.
Le mode de commercialisation de la volaille de chair s’est diversifié ; la découpe s’est développée, surtout pour la dinde et le poulet. Depuis le début des années 2000, le marché répond aussi à la demande en produits transformés via des opérateurs qui peuvent également être ceux de la charcuterie classique. La restauration hors domicile, comme l’industrie de transformation, est une grande consommatrice de viandes de volailles, et fait appel à de gros volumes de produits importés.
En complément de ces produits de consommation courante, les produits haut-de-gamme bénéficiant de signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO) complètent la gamme de produits avicoles, mais sont peu présents dans les secteurs en forte croissance (restauration et industrie de transformation).
Diversité des signes de qualité officiels et non officiels
Les signes de qualité, officiels et non officiels, sont : le Label Rouge (LR), les volailles biologiques répondant à la règlementation européenne (et la certification AB en France), l’Appellation d’Origine Protégée (AOP, limitée aux volailles de Bresse), l’Indication Géographique Protégée (IGP).
De manière complémentaire, la certification de conformité des produits (CCP) est assurée par des organismes indépendants de certification accrédités. Elle garantit un âge minimum et une composition de l’alimentation des volailles. Elle est cependant en forte diminution sur les dernières années au profit d’un nouveau standard européen, (EEC ou European Chicken Commitment) mis en œuvre à l’initiative d’ONG défendant une meilleure prise en compte du bien-être animal, avec une densité maximale de 30 kg vif/m² et une souche de croissance intermédiaire.
Par ailleurs, certaines stratégies de différentiation de marques s’appuient sur des allégations supplémentaires comme : « élevé sans traitement antibiotique », « sans OGM », etc.
La production sous signes de qualité (LR, Bio et autres dont IGP) qui représente des élevages avec accès à un parcours extérieur est en légère diminution, avec 17 % de la production en 2023 et 14 % estimés en 2024. Le rendement de transformation de l’aliment en viande, mesuré par l’indice de consommation (IC), est le premier déterminant de la performance économique et des impacts environnementaux des élevages. Les
poulets standards, à croissance rapide, sont meilleurs transformateurs que les poulets alternatifs à croissance lente, avec un moindre prix de revient et un moindre impact environnemental par kilogramme de viande produite.
La commercialisation au stade du détail en carcasses entières prêtes à cuire (PAC) diminue au profit des produits de découpe et des produits élaborés (nuggets, cordons bleus et charcuterie de volailles) : 15 % des poulets ont été commercialisés entiers en 2024 contre environ 50 % en 2000. Cela freine la consommation de produits plus qualitatifs comme le poulet LR, encore majoritairement vendu entier.
Diversité des structures des exploitations avicoles et concentration régionale
En 2020, 15 000 exploitations agricoles disposent d’un atelier de volaille de chair. Seuls 44 % d’entre-elles sont des exploitations spécialisées et représentent 70 % du cheptel. L’adjonction d’un atelier volaille à une exploitation familiale de polyculture-élevage, constitue une diversification. Cet atelier peut comprendre un à plusieurs bâtiments dont la taille varie avec le mode de production : entre 1 000 et 1 500 m2 par bâtiment, et 2 ou 3 bâtiments en moyenne par exploitation, en volaille standard ; 4 bâtiments de 400 m2 maximum par site, en volaille Label Rouge. L’élevage du canard de chair se fait dans des bâtiments spécialisés, alors que les bâtiments pour les autres espèces sont polyvalents ; au prix d’une adaptation marginale du matériel d’alimentation et d’abreuvement, ils peuvent cependant servir à un élevage de poulets, de dindes ou de pintades.
La France possède presque 10 fois plus d’élevages professionnels que la Grande Bretagne ou l’Allemagne, mais en moyenne plus petits, ce qui traduit le poids des élevages de volailles différenciées notamment sous Label rouge. En France, la capacité moyenne des ateliers spécialisés de volailles de chair était de 20 800 têtes en 2020 tandis que les capacités moyennes étaient de 31 000 têtes en Belgique, 61 000 têtes en Allemagne, 70 000 têtes aux Pays-Bas ou encore 93 000 têtes au Royaume-Uni.
La production avicole tend progressivement à se concentrer dans des ateliers de plus grande taille, dans des exploitations qui présentent une spécialisation croissante. Les dynamiques régionales sont cependant assez différentes
Les régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Nouvelle-Aquitaine concentrent la grande majorité des élevages (57 %), des cheptels (68 %) et des unités d’abattage (60 %).
Diversité des secteurs amont et aval
Les circuits courts de production de volailles de chair sont difficilement traçables, et les volumes traités sont mal connus. Hormis la production de volailles sous cahier des charges LR, la dénomination fermier s’applique à des productions de volailles à petite échelle, qui doivent être abattues dans des conditions réglementées sur l’exploitation même, être écoulées en vente directe ou locale (moins de 80 km) pour un volume d’animaux abattus limité à 500 par semaine ou 25 000 par an dans le cas du poulet, et respecter des exigences réglementaires relatives aux conditions d’élevage.
Dans le circuit long, appuyé sur des contrats de production (95 % des volumes), l’éleveur met ses bâtiments, éventuellement les parcours attachés, et son travail, au service d’un organisme de production (OP) de volailles. L’OP détermine les approvisionnements en poussins provenant du couvoir (choix de la souche, et planning de mise en place), en aliments (usine d’aliments fournisseur, programme d’aliments) et planifie l’abattage, avec les abattoirs qu’il détient ou ceux avec lesquels il est en relation. Les OP sont associées aux Fabricants d’Aliments du Bétail (FAB).
La contractualisation est un élément positif de résilience pour les exploitations, car elle régularise et sécurise le revenu de l’éleveur ; cependant, l’éleveur quoiqu’investisseur, n’est pas maitre des orientations décidées par son OP, mais il y participe s’il est adhérent d’une coopérative.
Filières Bio vs. Conventionnelle
En volailles de chair, le secteur Agriculture Biologique est très limité (entre 1 et 2 %) et concerne quasi exclusivement le poulet. L’application du règlement européen a conduit à une diversité des modes de production de poulet Bio en Europe, en fonction d’exigences nationales supplémentaires.
Ainsi, le poulet Agriculture Biologique français se caractérise par un âge d’abattage parmi les plus élevés, et une vitesse de croissance faible, conformes au cahier des charges Label Rouge.

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