Le croûtage naturel de fosse, une solution simple et peu coûteuse pour limiter l’ammoniac
TNC le 18/08/2025 à 04:47
Pour limiter les émissions d’ammoniac en élevage bovin, l’un des leviers est de couvrir sa fosse. En plus de la couverture artificielle rigide ou souple, il est possible de miser sur le croûtage naturel. Xavier Vergé de l’Idele nous présente cette option.
La France doit diminuer ses émissions d’ammoniac (NH3) de 13 % à horizon 2030 (par rapport aux émissions de 2005). Or, 94 % de ses émissions proviennent de l’agriculture et notamment de l’élevage. En élevage bovin, plusieurs leviers peuvent être activés pour parvenir à cette baisse comme l’a rappelé Xavier Vergé de l’Idele lors d’un webinaire fin juin :
- ajuster l’alimentation protéique des vaches laitières ;
- diminuer le temps de présence des déjections en bâtiments en adaptant la fréquence de raclage de l’aire d’exercice ;
- miser sur la séparation de phase : urine/fèces ;
- utiliser des matériels d’épandage avec enfouissement et pendillards ;
- limiter les engrais azotés en introduisant des légumineuses ;
- augmenter la durée de pâturage des bovins ;
- couvrir les fosses à lisier.
Favoriser la création d’une croûte épaisse
Il s’est notamment attardé sur la couverture des fosses et plus particulièrement le croûtage naturel.
Pour couvrir les fosses et limiter la volatilisation de l’ammoniac, les couvertures rigides (toit, couvercle) ou souples (toile PVC) sont largement utilisées mais représentent un coût initial estimé entre 30 à 70 € par mètre carré couvert. La croûte naturelle ne nécessite aucun investissement de départ et permet de réduire en moyenne de 50 % les émissions de NH3.
Il faut en moyenne entre 10 à 20 jours pour qu’une croûte naturelle se forme : ce sont les matières organiques légères, liées aux fibres non digérées et aux résidus raclés, qui vont rester à la surface du lisier et former la croûte. En dessous vont se trouver une zone liquide intermédiaire (avec ammoniaque, urée, potassium) puis au fond, un dépôt dense constitué de sédiments (phosphore et l’azote organique).
Plusieurs éléments vont favoriser la formation d’une croûte épaisse indique Xavier Vergé :
- la croûte se formera plus vite en cas de temps sec et de températures élevées. La pluie en revanche ralentit le processus, et vient aussi augmenter la quantité dans la fosse : veillez à conserver une garde de 50 cm ;
- préférer une fosse profonde : une même quantité de matière se répartira sur une surface réduite, ce qui favorisera la formation d’une croûte plus épaisse ;
- un système de remplissage de la fosse par le fond est préférable pour conserver une croûte homogène ;
- une ration très fibreuse, riche en ensilage d’herbe par exemple, est plus favorable ;
- la teneur en matière sèche des lisiers doit être au minimum de 2 % et de manière optimale autour de 5 %.
Attention particulière au broyage
Si le croûtage naturel des fosses est simple et peu coûteux à mettre en place, il nécessite cependant l’utilisation d’un système de broyage performant de la croûte afin que le lisier puisse passer dans les matériels d’épandage les moins émissifs sans boucher les tuyaux.
Xavier Vergé recommande un broyage en deux temps : une semaine avant l’épandage pour disloquer et humidifier la croûte, puis quelques heures avant l’épandage, pour broyer et homogénéiser le lisier. « Oui, il va y avoir des émissions d’ammoniac lors du mixage, concède le chef de projets à l’Idele, mais ce sera ponctuel, sur quelques heures. Ce n’est pas comparable aux quantités d’ammoniac préservées sur plusieurs mois du fait de la présence de la croûte. »
Au moment de l’épandage, alors que le lisier se trouvera plus riche en azote, il faudra veiller à limiter les risques de volatilisation en utilisant des systèmes d’épandage les moins émissifs comme les pendillards, les rampes à patins ou enfouisseurs. Les conditions climatiques limitant la volatilisation étant l’absence de vent, des températures basses et une humidité élevée. Enfin, il est recommandé d’enfouir les lisiers rapidement, dans les 4 h qui suivent l’épandage.
En résumé, la croûte naturelle n’implique pas d’investissement initial, mais nécessite l’utilisation d’un broyeur performant qui peut être coûteux et du temps pour effectuer cette opération.
En plus de limiter les émissions d’ammoniac, le croûtage naturel des fosses diminue les émissions de méthane de 40 % et améliore la valeur fertilisante du lisier, conclut Xavier Vergé. Des co-bénéfices à ne pas négliger !