Loi Duplomb : les Sages renvoient partisans et opposants à leurs batailles


TNC le 08/08/2025 à 14:35
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Tour à tour ces derniers mois, la Confédération paysanne d'un côté, la FNSEA et JA de l'autre, avaient manifesté contre ou en faveur de la loi Duplomb. (© Confédération paysanne / FNSEA (comptes X))

En validant l’essentiel des mesures de la loi Duplomb, mais en censurant celle permettant un usage dérogatoire de certains néonicotinoïdes, le Conseil constitutionnel ne satisfait ni les défenseurs, ni les opposants au texte. Le sénateur LR à l’initiative du texte envisage d’en préparer un nouveau tenant compte des critères imposés par les Sages. Les opposants au texte veulent encore se mobiliser pour obtenir son abrogation totale.

Dans sa décision rendue jeudi 7 août concernant la loi Duplomb, le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel du texte sur le fond, ainsi que le processus parlementaire avec lequel il a été voté. Mais il a censuré la possibilité d’un usage de néonicotinoïdes, dont l’acétamipride, l’une de ses mesures les plus attendues par certaines filières comme la betterave.

Une décision qui ne satisfait finalement personne. « La réalité de l’agriculture française est ignorée au profit de l’idéologie verte, estime ainsi la Coordination rurale. Peu importe que les produits importés demain en France ne respectent aucun standard sanitaire, social ou environnemental. Peu importe que notre souveraineté alimentaire soit en jeu. Les grands mots ne masquent plus les petits renoncements. »

La FNSEA s’affiche plutôt satisfaite de la validation de l’essentiel du texte. « Cette censure partielle ne remet pas en cause le cœur du texte et ses objectifs, réagit le syndicat. Cette loi pose des bases essentielles et attendues sur des sujets clés tels que le stockage de l’eau, le développement des élevages, l’allègement administratif, un meilleur encadrement des contrôles. »

« Abandon pur et simple de certaines filières »

Mais, comme la CR, la FNSEA fustige la censure partielle des Sages. « Cette décision marque l’abandon pur et simple de certaines filières de l’agriculture française, estime Arnaud Rousseau, le président du syndicat, qui prévient l’Executif. Les articles censurés, devront être retravaillés pour que les engagements politiques de l’hiver 2024 soient enfin tenus et que des filières entières, comme la betterave sucrière, la noisette ou les pommes et les poires, ne soient pas purement et simplement abandonnées et vouées à disparaître. »

Message bien reçu par Annie Genevard, qui promet de ne pas laisser les filières menacées « de disparition » sans « solution ». « Cette décision maintient une divergence entre le droit français et le droit européen » et les « conditions d’une concurrence inéquitable faisant courir un risque de disparition de certaines filières », considère la ministre.

« L’Inrae réalise à ma demande un travail pour identifier les filières placées en situation d’impasse: elles trouveront le gouvernement à leurs côtés pour ne pas les laisser sans solution », a ajouté sur X la ministre.

Le ministre de la Santé Yannick Neuder plaide pour une harmonisation des législations françaises et européennes au sujet de l’acétamipride, mais en appelant les autorités européennes « à réévaluer sans délai son impact sur la santé » en vue, potentiellement, de son interdiction dans toute l’Europe.

La Confédération paysanne veut « renforcer la mobilisation »

La décision de censurer cette réintroduction de néonicotinoïdes est, en revanche, saluée à gauche de l’échiquier politique. « Cette décision n’est qu’une victoire en demi-teinte, réagit pour sa part la Confédération paysanne. Bien qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle pour notre santé, pour la filière apicole et pour la biodiversité de manière générale, cela n’enlève en rien l’intention première de ce texte : accélérer la fuite en avant de l’agriculture vers un modèle toujours plus productiviste, permettre la compétitivité de la Ferme France, en favorisant la restructuration des fermes par leur concentration. Les articles restants annoncent la fin d’une agriculture indépendante, familiale et transmissible. Cette loi s’oppose à la possibilité d’assurer une vraie souveraineté alimentaire, qui préserve la santé des citoyens et de notre environnement. Nous appelons les paysans et les citoyens à amplifier la mobilisation et à la renforcer, dès la rentrée. »

Deux textes opposés en vue au Parlement

Dans la même ligne que la Confédération paysanne, le groupe écologiste à l’Assemblée a fait part de son intention de déposer une proposition de loi pour tenter d’obtenir « une abrogation totale » de la loi. Un texte qui viendra s’opposer à la poursuite du travail envisagé par le sénateur Duplomb, qui se dit prêt à travailler un nouveau texte.

Le Conseil constitutionnel dit que la réintroduction, sous conditions, de l’acétamipride, interdit en France depuis 2018, « n’était pas encore assez encadré sur la durée, (que) ce n’était pas encore assez encadré sur la liste des filières, dans le texte que j’ai présenté, a commenté le sénateur Laurent Duplomb, à l’origine du texte, au micro de nos confrères de RMC. En fait, il nous donne les éléments qui pourraient permettre, avec un nouveau texte, de trouver des solutions pour pouvoir peut-être le réintroduire. »