Verdict constitutionnel ce jeudi après-midi pour la loi Duplomb
AFP le 07/08/2025 à 11:45
La loi Duplomb passera-t-elle le crible du Conseil constitutionnel ? Les Sages doivent rendre jeudi leurs conclusions très attendues sur la réintroduction sous conditions de l'acétamipride, interdit en France depuis fin 2020.
La décision du Conseil constitutionnel concernant la loi Duplomb-Ménonville, très attendue tant par le secteur agricole que par l’opinion publique, devrait tomber autour de 18 heures ce jeudi 7 août. Elle enverra un signal tant sur le débat environnemental et sanitaire provoqué par le texte, que sur le droit parlementaire lié aux conditions de son examen.
Présentée comme une réponse aux grandes manifestations agricoles de 2024, la loi Duplomb a été l’objet d’un fort mouvement de contestation malgré l’été, poussé par les défenseurs de l’environnement. Une pétition réclamant son abrogation a réuni plus de 2,1 millions de signatures. En cause notamment : la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, phytosanitaire de la famille des néonicotinoïdes. Considéré nocif pour la biodiversité, mais toujours autorisé ailleurs en Europe jusqu’en 2033, le retour de l’acétamipride est réclamé par certains producteurs de betteraves et de noisettes.
Pour les parlementaires de gauche, qui ont saisi les Sages, le texte est contraire à la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle.
Notamment son principe de précaution, ainsi que le « droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
La gauche condamne également la procédure utilisée à l’Assemblée pour faire adopter le texte. Ses défenseurs l’avaient rejeté d’emblée pour contourner les quelque 3.500 amendements déposés – dont beaucoup par les écologistes et les Insoumis – empêchant leur examen dans l’hémicycle.
Mais difficile, même pour les experts en droit, de deviner quelles interprétations le Conseil constitutionnel, présidé par Richard Ferrand, privilégiera. La jurisprudence n’est à première vue pas favorable aux requérants. L’institution s’est déjà prononcée par le passé sur l’utilisation au Sénat d’une procédure de rejet équivalente – sans censurer.
« Mais les échanges internes » des membres de l’institution de l’époque « révèlent une gêne constante face à ces manoeuvres procédurales », a relevé dans une tribune l’ancien ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, appelant à protéger le droit d’amendement, affirmé dans la Constitution.
Sur le fond, les Sages avaient aussi validé en 2020 une dérogation à l’utilisation des néonicotinoïdes – mais temporaire, et tout en reconnaissant leurs « incidences sur la biodiversité » et « risques pour la santé humaine ».
Dans la loi Duplomb, la dérogation est prévue en cas de « menace grave compromettant la production agricole », mais sans limite de temps – seule une clause de revoyure est prévue après trois ans.
« Débat sociétal »
La FNSEA, syndicat dont est issu le sénateur LR Laurent Duplomb, n’a pas voulu s’exprimer avant la décision.
Pour Véronique Le Floc’h, présidente du deuxième syndicat Coordination rurale, une censure sur l’acétamipride serait hypocrite : « Il aurait fallu que l’Etat donne des vrais moyens pour trouver des alternatives » face aux ravageurs.
Mais pour la Confédération paysanne, troisième syndicat, la loi Duplomb répond « à des intérêts très particuliers d’une filière », et non à la « colère agricole » de 2024 et aux problématiques de revenu des agriculteurs.
De nombreuses sociétés savantes ont appelé le Conseil constitutionnel à censurer la loi, rappelant la « présomption forte de lien entre l’exposition aux pesticides » et « certains cancers » ou autres pathologies.
Les parlementaires requérants visent aussi d’autres mesures du texte, adopté début juillet avec les voix de la coalition gouvernementale et de l’extrême droite. Entre autres: la facilitation des procédures d’autorisation de construction pour certains ouvrages de stockage d’eau.
En cas de validation de la loi jeudi, les regards se tourneront vers Emmanuel Macron, qui aura quinze jours pour la promulguer ou demander une deuxième délibération au Parlement, comme le pressent les contempteurs de la loi.
Pour Lorine Azoulai, co-présidente du collectif Nourrir rassemblant plusieurs ONG, le combat se poursuivra au-delà : « ces dernières semaines ont montré la nécessité d’un débat sociétal », estime-t-elle.