Les marchés des céréales dans l’inconnue de la guerre commerciale américaine
AFP le 30/07/2025 à 18:55
Pas de trêve estivale cette année pour les marchés des céréales, confrontés des deux côtés de l'Atlantique aux incertitudes liées notamment à la guerre commerciale engagée par Donald Trump.
A la Bourse de Chicago comme à Paris, les cours se sont repliés cette semaine, mais sur Euronext en particulier ils restaient encore soutenus. Alors que les moissons progressent, les premiers bilans sont positifs, des Etats-Unis à l’Europe.
Le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a revu lundi à la hausse l’état du soja, bon ou excellent pour 70 % des cultures. C’est même 73 % pour le maïs, avec des conditions au plus haut depuis près de 40 ans dans l’Iowa, Etat producteur-clé.
« Les perspectives de rendement sont assez intéressantes pour l’instant, et cela empêche en quelque sorte toute reprise » des cours, résume Alan Brugler, de Brugler Marketing and Management. Mardi à Chicago, le blé a clôturé au plus bas depuis un mois, quand le maïs connaissait une petite baisse sur la semaine, à un niveau plus vu depuis l’automne 2024.
« Les récoltes de maïs de l’hémisphère Sud et de blé de l’hémisphère Nord affluent » désormais, souligne Sébastien Poncelet, courtier chez Argus Média à Paris, qui relève aussi qu’après de fortes pluies « les volumes russes, bien qu’en retard, convergent un peu plus vers les ports ».
Lueur tunisienne pour la France
Malgré tout, les cours restent globalement soutenus, quand la fin du mois de juillet les voit souvent se détendre avec la fin des récoltes, note l’analyste qui qualifie l’été d’« atypique »: « le fait qu’il ne se passe rien, que le temps soit en suspension, c’est plutôt atypique. Sinon, les tendances sont plus marquées ».
Une des raisons en est que les producteurs du monde entier retiennent leurs volumes, en attente de prix plus rémunérateurs, tandis qu’au même moment la demande internationale se fait encore attendre.
Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage, signale une « petite lueur » pour le blé français: la Tunisie a importé cette semaine un bateau de 30 000 tonnes, ce qui n’avait pas été vu « depuis belle lurette ».
« Ca fait longtemps qu’on avait perdu la Tunisie au profit (des blés) de la mer Noire. Aujourd’hui, si elle achète du blé français, c’est que ce blé a une certaine compétitivité », avec « une qualité plutôt très bonne, et un prix qui a certes monté mais moins vite que (celui) de la mer Noire » (Ukraine, Russie), explique l’analyste.
« On va voir si ça continue et si cela peut déboucher sur d’autres destinations » à même de remplacer les clients Algérie ou Chine, ajoute-t-il.
Inconnue chinoise
Suspendus, les marchés le sont en outre à l’issue des tractations sur les taxes douanières engagées par Washington. L’accord annoncé dimanche avec Bruxelles devrait être « neutre » globalement pour les céréales, l’Europe exportant peu aux Etats-Unis, jugent les analystes.
Pour autant cet accord a aussi ramené l’euro en 48 heures à son niveau de fin juin par rapport au dollar. « Cela apporte un soutien aux prix des grains européens », note M. Poncelet.
Aux Etats-Unis, les opérateurs scrutent pour leur part avec inquiétude l’issue des négociations sino-américaines, alors que de nouveaux pourparlers se sont terminés mardi sans accord.
« Les craintes persistantes concernant les accords commerciaux sur les produits agricoles » pèsent sur les prix, et l’absence d’accord avec la Chine inquiète particulièrement les acteurs du marché, constate Michael Zuzolo, du cabinet Global Commodity Analytics and Consulting.
Pékin se tourne vers l’Argentine notamment pour le soja ou le maïs. « C’est la première fois depuis de nombreuses années », dit l’analyste, pour qui « cela remet en question la volonté réelle de la Chine de conclure un accord commercial avec les États-Unis concernant les produits agricoles ». Pour lui, « le seul substitut à la Chine (pour les exportations américaines, NDLR) serait l’Inde ».
Jack Scoville, de Price Futures Group, prévoit une autre conséquence de cette guerre commerciale: « Même après la fin des négociations, des droits de douane importants continueront à être imposés aux importateurs américains » sur les produits venus de l’étranger. Avec à la clef, moins d’importations, « c’est évidemment ce que souhaite le gouvernement » américain, et le risque qu’en retour les produits américains deviennent moins désirables à l’export, redoute-t-il.