Origine florale, provenance : dans les coulisses de l’analyse des miels
AFP le 26/07/2025 à 09:33
Sur de petits flacons empilés à côté de microscopes, on peut lire « miel d'acacia » ou « de bruyère ». Critiqué pour ses pratiques commerciales et ses importations, le leader européen Famille Michaud Apiculteurs vante ses efforts de traçabilité et plaide pour leur généralisation à la filière.
L’entreprise connue pour sa marque phare Lune de Miel a ouvert à la presse les portes de son laboratoire AB-Labo à Gan, près de Pau.
A l’intérieur, des techniciens étudient la caractérisation de ses miels, l’analyse de leur authenticité et la détection de « contaminants environnementaux comme les pesticides ou le glyphosate », explique Laurence Thomazo, sa responsable.
« Notre combat, c’est l’analyse, insiste Romain Le Nouaille, directeur marketing du groupe, parce que le miel fait partie des cinq produits les plus fraudés au monde ».
A partir de la mi-2026, une nouvelle directive européenne imposera d’ailleurs la mention des pays producteurs sur les bocaux, avec la part en pourcentage de chaque origine. « C’est très bien, cela va dans le sens de la transparence, mais ces pourcentages ne sont pas détectables sur le produit fini, il faut que les analyses soient faites en amont », estime Romain Le Nouaille.
Explosion de la fraude
Entre 2021 et 2022, 46% des 320 lots testés dans 18 Etats de l’Union européenne lors de leur importation étaient potentiellement falsifiés, des analyses révélant notamment l’adjonction non étiquetée de sucre. Le chiffre n’était que de 14% entre 2015 et 2017.
Plusieurs types de fraudes sont scrutés: celle à l’origine géographique, soit qualifier de français un miel qui ne l’est pas, celle à l’origine florale – un miel d’acacia n’est pas un miel toutes fleurs – et l’adultération par ajout de sirop.
En mai 2024, l’UFC Que-Choisir a déposé plainte contre Famille Michaud pour « pratique commerciale trompeuse », dénonçant un marketing estampillé « français », alors que seuls 30% des miels mis en pot par l’entreprise le sont.
Le parquet de Pau a toutefois classé sans suite cette procédure en mai dernier, une décision accueillie « avec satisfaction par Famille Michaud qui a toujours contesté toute infraction à l’égard du consommateur », selon son avocat Me Olivier Leroy.
Le groupe, qui revendique produire plus de 16.000 tonnes de miel avec 600 apiculteurs « partenaires » dans l’Hexagone, a déposé plainte à son tour pour « dénonciation calomnieuse ».
En avril, Famille Michaud Apiculteurs a accepté de régler un redressement fiscal, marquant la fin du conflit qui l’opposait aux Douanes depuis 2013 après un contrôle sur du miel importé de Chine, tout en invoquant toujours un « désaccord technique » sur les méthodes d’analyses.
Récemment, un laboratoire autrichien a utilisé l’ADN pour démasquer le faux miel importé dans l’UE.
Cette nouvelle méthode, « encore trop fraîche et pas assez aboutie », « mérite d’être confrontée à la même analyse dans d’autres laboratoires pour pouvoir prouver sa fiabilité », juge Laurence Thomazo.
Production française insuffisante
Pour Chistophe Vossier, membre de la Fédération française des apiculteurs professionnels (FFAP) exerçant dans la Drôme, Famille Michaud ne « fait pas vivre » la filière française.
Il aimerait que « les miels importés viennent en complément et pas en remplacement », rappelant que sa fédération demande depuis longtemps que « la provenance soit écrite sur la façade du pot, de façon claire, pas seulement en petit sur un coin ».
« Cette année, on va exploser tous les chiffres de récolte et on aura du stock sur les bras parce qu’ils (Famille Michaud) n’en prendront pas plus, ou alors à des prix dérisoires. » Face à « un kilo de miel d’Ukraine à 1,70 euros, on est trois à quatre fois plus cher, on ne peut pas rivaliser », ajoute-t-il.
Selon France Agrimer, depuis 2022, la France a importé plus de 30.000 tonnes de miel par an, principalement de Chine (20 %), d’Espagne (17 %), d’Ukraine (16 %) et d’Allemagne (8 %).
« En France, on consomme entre 45 et 50.000 tonnes de miel par an, et on en produit environ 20.000, donc on est en déficit », précise Romain Le Nouaille.
Selon l’industriel, le manque de structuration de la filière – 60.000 apiculteurs recensés mais seulement 4% de professionnels – induit « un manque de visibilité sur les volumes produits », problématique au moment des négociations commerciales avec la grande distribution.