Viser des systèmes bénéfiques aux finances, animaux et éleveurs


TNC le 21/07/2025 à 08:35
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« Si mes animaux sont bien, je suis bien, et inversement ! » (© Terres Innovantes)

Tel est l’objectif des quatre jeunes éleveuses de bovins, finalistes du concours Graines d’agriculteurs 2025. Elles ont adopté un « système simple et naturel » en maximisant le pâturage et en recherchant l’autonomie alimentaire.

Les finalistes de Graines d’agriculteurs 2025 sont désormais connus. Pour cette 15e édition, ils sont 15 et non 10 comme habituellement. Depuis cette année en effet, le concours organisé par Terres Innovantes comporte cinq catégories (« agriculture durable », « biodiversité », « territoire », « diversification » et « installation »), avec trois candidat(e) s en lice dans chaque.

Le vote du public, du 11 juillet au 8 septembre sur le site www.graines-agriculteurs.fr, permettra d’élire un gagnant pour chacune, soit cinq au total (et non plus trois comme auparavant). Ils recevront aux Terres de Jim, les 12, 13 et 14 septembre à Vieux-Manoir (Seine-Maritime), une dotation de 3 000 € pour les aider dans leurs projets.. 

Concourent, dans cette phase finale, quatre jeunes éleveuses de bovins : Angeline Michelot (« agriculture durable »), Amélie Teixeira (« biodiversité »), Aude Geiger et Laura Behotas (« installation »). Autonomie alimentaire, entretien des paysages, adaptation au changement climatique, préservation de la biodiversité font partie de leurs priorités. Après des études dans le tourisme et le patrimoine, et salariée une dizaine d’années dans des musées et des offices de tourisme, Angéline Michelot passe, à 33 ans, un BPREA et décide de s’installer en élevage.

« Moins de coûts de production et plus de trésorerie »

Depuis 2020 à Faverolles (Haute-Marne), elle élève avec sa mère 40 vaches laitières – des Prim’holsteins et quelques Jersiaises – sur 100 ha d’herbe et 45 ha de céréales. « Tout est pour le troupeau, précise-t-elle. J’achète juste quelques minéraux et pierres à sel. » Son objectif : être totalement autonome sur le poste alimentation. À son installation sur l’élevage, elle s’est convertie en bio et a simplifié le système, deux préalables essentiels pour la future éleveuse. L’exploitation, herbagère, repose sur un maximum de pâturage. L’agricultrice de 39 ans a semé près de 14 ha de prairies pour y pratiquer le pâturage tournant dynamique.

Les vaches disposent de 13 parcs et sont dehors à partir d’avril. « Grâce à cette technique, elles ont plus d’herbe. C’est bon pour les finances – on économise des fourrages et du carburant – pour le bien-être animal et celui de l’éleveur », deux raisons pour lesquelles elle participe à Graines d’agriculteurs dans la catégorie « agriculture durable ». Angéline projette de planter des arbres et des haies pour que les animaux soient au mieux dans chaque parcelle, et puissent avoir de l’ombre et de la fraîcheur. Le but est « d’accroître aussi la biodiversité ».

L’exploitante produit 200 000 l de lait par an, livrés à la coopérative. « Les vaches sont moins poussées, ce qui limite les frais véto. D’année en année, j’arrive à limiter les coûts de production et à améliorer la trésorerie. » Au global : moins de factures et un rythme de travail allégé. Elle enchaîne : « Nous, les petites structures, on ne peut pas rembourser des outils de production coûteux. Nous devons trouver d’autres façons de travailler. »

Avec plusieurs producteurs et la chambre d’agriculture, elle s’est formée à l’utilisation des huiles essentielles, à l’homéopathie et bientôt à l’ostéopathie. « Un système le plus simple et naturel possible » : voilà ce qu’elle vise. « Si les vaches sont bien, je suis bien, et inversement », conclut-elle. EARL Naturelle : l’exploitation porte bien son nom.

« Créer quelque chose et donner du sens »

Amélie Teixeira a, elle aussi, rejoint sa mère mais à la tête d’un cheptel allaitant en Charente-Maritime : 65 Blondes d’Aquitaine et Normandes pour la production de veaux sous la mère (45 à 50 veaux/an vendus à une coop locale puis à des boucheries traditionnelles). « Des mères blondes et de l’Inra 95 pour la viande, des tantes normandes pour le lait », résume-t-elle. Elle, non plus, n’a pas de formation en agriculture. Titulaire d’un bac littéraire, elle passe sa capacité agricole pour s’installer en 2021.

Le Gaec Charon exploite 120 ha de marais, à 500 m de l’estuaire de la Gironde, propriété du Conseil départemental. « Nous fonctionnons en cogestion, en partenariat étroit : chacun expose ses idées et nous trouvons des compromis qui conviennent à tout le monde », explique-t-elle. Le Conseil départemental tenait à réintroduire l’élevage dans cette zone. Amélie et les autres exploitants du territoire entretiennent les canaux – qui amènent ou enlèvent l’eau en fonction des conditions climatiques – certaines mares et les prairies qui sont resemées si besoin en multi-espèces, parfois à la place de céréales.

Le but, là encore, est de favoriser la biodiversité dans les parcelles et l’écosystème des marais. Et cela passe par l’implantation de haies en concertation avec le Conseil départemental, notamment pour le choix des espèces. En plus d’apporter de l’ombre aux animaux, elles facilitent l’organisation du patûrage tournant dynamique. La jeune femme de 25 ans détaille : « Elles servent de couloirs et chemins d’accès au pâturage. Un gros travail à l’implantation mais ensuite, c’est plus simple que les clôtures ! » Elle poursuit : « J’aime créer quelque chose, façonner le paysage, donner du sens, du beau, à ce que les promeneurs de l’estuaire regardent. »

« Un équilibre économique et de travail »

À Viols-en-Laval dans l’Hérault, ce sont 1 500 ha de parcours qu’Aude Geiger valorise, à côté de ses 90 ha de cultures et 10 ha de vignes, grâce à 50 vaches allaitantes Aubracs et ses brebis. Parisienne, elle n’est pas du milieu agricole et est venue dans la région pour intégrer l’école d’ingénieur agronome de Montpellier. Un stage lui a donné l’envie de devenir éleveuse, en système pastoral, transhumant, diversifié.

« Les bêtes sont en plein air, en quasi liberté. Elles entretiennent le territoire, les paysages, des endroits où l’on ne peut rien faire d’autre que de faire pâturer des animaux » – comme les terres de garrigue, séchantes et non mécanisables – et contribuent à la gestion de la biodiversité. Ainsi, « le milieu reste ouvert, ce qui réduit les risques d’incendies ». Mais le pastoralisme, même si c’est une technique traditionnelle, « demande une grande technicité », insiste Aude qui s’efforce, par ailleurs, de faire de la pédagogie.

« Nous partageons ces espaces avec des touristes, des randonneurs. Il est important de leur expliquer comment se comporter vis-à-vis des troupeaux et, plus largement, de les informer sur notre profession, nos décisions. » La jeune femme de 36 ans propose même des réunions d’information en mairie et accueille les nouveaux habitants de sa commune. Elle a commencé par aider son conjoint sur sa structure, avant d’y être salariée et de s’associer avec lui et son père en 2022. Le Gaec de Cambous commercialise deux tiers de la production bovine en direct, le reste aux abattoirs et négoces locaux.

« Tout faire de A à Z me plaît, de la naissance des animaux jusqu’au contact avec les clients », précise la jeune productrice. Ici aussi, le maximum d’autonomie est recherché, les céréales et le foin produits sur la ferme sont consommés par le cheptel. Aude est fière de son parcours d’autant que sa famille mettait, au départ, un peu en doute son choix d’être éleveuse. Le défi d’ici quelques années : trouver un nouvel associé pour remplacer son beau-père, qui partira à la retraite, afin de « maintenir les trois ateliers, complémentaires, qui fonctionnent bien et assurent équilibre économique et de travail ».

« Nous faisons moins, mais mieux »

Quant à Laura Behotas, 31 ans, elle a pu reprendre l’élevage familial, en 2023, à Saint-Philbert-sur-Risle dans l’Eure, aux côtés de son père, et à la suite de ses grands-parents et arrière-grands-parents. À la suite d’un bac en transformation alimentaire et d’un BTS technico-commercial, elle a été embauchée dans une exploitation laitière avec transformation fromagère jusqu’en 2015, où elle prend le statut d’aide familial. La ferme du Vièvre compte 96 ha, dont 46 ha de prairies, un troupeau de 130 Limousines et Charolaises, élevées en plein air, plus des porcs et des vergers.

Laura y développe la vente directe : en colis, sur les marchés et depuis mars dernier, en distributeurs automatiques, un mode de commercialisation amené à progresser selon elle. Double active lorsqu’elle était aide familiale, comme son père depuis 12 ans, ce rythme n’était « plus vivable » surtout à l’arrivée de son deuxième enfant. Que faire : réduire la charge de travail en diminuant le cheptel au profit des cultures ou augmenter l’activité pour s’installer à titre principal ? Laura choisit la seconde option et crée l’atelier porcin.

Au bout de deux ans, elle est contente de ses résultats – elle a atteint les objectifs de son prévisionnel – et de l’équilibre vie pro et perso qu’elle a réussi à instaurer. Elle peut s’organiser pour emmener et aller chercher ses enfants à l’école, et « être là pour eux si besoin ». Elle envisage de renforcer encore la vente directe et d’agrandir la boutique à la ferme. Ainsi, « nous pouvons choisir nos prix et vivre de notre travail ». « Nous faisons moins mais mieux. » En faisant venir les clients sur l’exploitation, « je peux leur montrer la qualité de mon travail et comment je prends soin de mes animaux ».