Ils refusent l’abattage d’un troupeau de 120 Montbéliardes touchées par la DNC
TNC le 11/07/2025 à 11:47
En Savoie, la tension monte sur une exploitation foyer de dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Un jeune éleveur de 28 ans, soutenu par des manifestants de la Coordination rurale, refuse l’abattage de ses 120 vaches laitières. Les manifestants militent en faveur de solutions plus sélectives, avec la mise en place de tests et de quarantaines pour identifier les bovins infectés.
Avec 15 foyers de dermatose nodulaire contagieuse confirmés en Savoie et Haute-Savoie au 11 juillet, la perspective des abattages sanitaires suscite une vive inquiétude chez les éleveurs. Au 10 juillet, 143 bovins de la région ont déjà été euthanasiés.
À Cessens, en Savoie, des agriculteurs soutenus par la Coordination rurale empêchent l’abattage des 120 Montbéliardes du Gaec Duchêne. Christian Convers, secrétaire général du syndicat, est sur les lieux. « Nous sommes sur une exploitation où il y a un jeune de 28 ans, il faut bien se rendre compte de ce que cela implique », martèle l’élu.
Les manifestants font blocus
Depuis deux semaines, les éleveurs du Gaec vivent au rythme de la maladie. Après avoir confiné les animaux à l’annonce de l’arrivée de la DNC dans l’Hexagone, les exploitants ont constaté un premier cas sur leur élevage jeudi 3 juillet, puis un second vendredi 4 juillet. Les animaux concernés ont été euthanasiés.
Le couperet est tombé mercredi 9 juillet, peu après 21 h, avec l’arrêté d’abattage de l’intégralité du troupeau. Une mesure qui ne passe pas : « c’est une maladie vectorielle impactante, mais nous ne sommes pas dans la même configuration qu’avec des maladies comme la tuberculose qui peuvent passer à l’homme », défend Christian Convers. Dans la nuit, les soutiens ont afflué pour empêcher la venue des services de l’État, prévue jeudi matin à 6 h. Depuis, la situation est en stand-by, alors que les manifestants plaident pour des alternatives à l’euthanasie du troupeau.
« Le temps d’incubation de la maladie peut aller jusqu’à un petit mois. Cela fait déjà 14 jours que les animaux sont au bâtiment et désinsectisés… Ce qu’on voudrait, ce sont des tests sanguins et salivaires pour déterminer le statut des animaux », tranche Christian Convers. « Avant d’abattre, on veut voir si les animaux sont porteurs, tout en évitant qu’ils soient vecteurs grâce à la désinsectisation et en confinant tout le cheptel ».

La préfecture veut « éradiquer au plus vite la maladie »
Mais Vanina Nicoli, préfète de Savoie, le répète : « l’abattage est inéluctable ». C’est la seule manière de freiner la progression de la maladie dont le temps d’incubation peut être long, et qui peut présenter des formes asymptomatiques. D’autant que la dermatose nodulaire contagieuse est une maladie réglementée à l’échelle européenne. Considérée comme de « catégorie A », elle suppose l’abattage total du troupeau en cas de détection de cas sur une structure.
La période d’incubation, qui peut durer jusqu’à un mois, complexifie la détection de la maladie. Les tests PCR quantifient la charge virale présente dans un échantillon. Mais pour la détecter, encore faut-il qu’elle soit présente en quantité suffisante.
Les épisodes de FCO et MHE ont également montré l’intérêt de la désinsectisation, mais également ses limites : elle permet rarement une suppression totale des insectes.
« Les animaux porteurs de la maladie peuvent continuer à la transmettre à d’autres bovins par l’intermédiaire de mouches piqueuses ou de taons », explique la préfecture dans un communiqué. L’abattage – ou la suppression des foyers actifs – est en l’état le moyen de freiner la propagation explosive de la maladie en l’absence de vaccin.
Des vaccins, en provenance d’Afrique du Sud ont été commandés, et sont espérés dans la région sous des délais qui restent encore flous. En leur absence, l’enjeu est d’endiguer la propagation de la DNC pour éviter des pertes économiques importantes pour les filières à l’échelle du territoire. « Depuis l’apparition du premier foyer de dermatose nodulaire contagieuse en Savoie, des mesures strictes ont été prises pour lutter contre la propagation de la maladie. Elles ont permis jusqu’à présent de contenir l’épidémie dans un périmètre très restreint », poursuit la préfecture, dont l’objectif est d’éradiquer au plus vite la maladie, tout en reconnaissant que « l’euthanasie des troupeaux est une épreuve particulièrement difficile pour les éleveurs directement concernés ».
Il y a de gros enjeux humains derrière
Mais ce discours peine à être audible pour les éleveurs concernés. « Il y a de gros enjeux humains derrière », poursuit Christian Convers, alors que les questions d’indemnisation laissent les manifestants perplexes.
« Les animaux ont été expertisés par l’État. C’est correct », estime Christian. « Mais le problème, c’est pour la suite. On ne peut plus avoir le même raisonnement que pendant la vache folle, où c’était plus facile de trouver des têtes. Nous sommes en Savoie. Il y a de la Montbéliarde, de l’Abondance, de la Tarine… Des vaches qui correspondent au cahier des charges AOP et que l’on ne trouve pas si facilement que ça. Indemniser la perte d’exploitation ne suffira pas ».
740 000 € d’encours bancaires
Avec pas moins de 740 000 € d’encours bancaires, la dermatose place l’exploitation dans une situation plus que compliquée. « Ce qu’il faudrait, c’est que les encours soient pris en compte dans l’indemnisation pour permettre aux éleveurs de redémarrer de manière progressive avec les animaux disponibles ».
Mais Christian Convers en convient : « il y a 10 fermes concernées. On ne pourra pas faire ça s’il y en a des centaines… C’est pour cela qu’on demande un meilleur encadrement des abattages ».
Les manifestants restent déterminés à empêcher l’euthanasie complète du troupeau, et attendent dans la journée la venue d’un représentant du ministère de l’agriculture.