Agriculteurs et aval de la filière ont-ils bénéficié de la hausse des prix alimentaires ?


TNC le 09/07/2025 à 17:28
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Sophie Devienne, présidente de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, le 9 juillet. (© TNC)

De la période de forte inflation récente, l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) des produits alimentaires dresse un bilan nuancé, soulignant l’importance d’analyser les évolutions sur plusieurs années. L’aval tend ainsi à amortir les chocs pour limiter la hausse des prix au consommateur, et reconstitue sa marge les années suivantes.

Si 2024 marque le retour d’une augmentation modérée des prix des produits alimentaires, 2022 et 2023 ont connu des taux d’inflation particulièrement élevés. Le quatorzième rapport de l’OFPM, présenté le 9 juillet par sa présidente Sophie Devienne, montre que les chocs ont été amortis par l’aval pour limiter la hausse des prix au consommateur, au détriment des marges.

La grande distribution commence à reconstituer ses marges

S’il faudra attendre le rapport sur l’année 2025 pour voir si l’on revient à la situation d’avant la forte inflation, plusieurs enseignements peuvent être tirés des années 2022-2024. Sur cette période, la hausse des prix des produits alimentaires est autant due à l’augmentation du coût de la matière première agricole qu’à celle des marges brutes de l’aval, avec toutefois, des évolutions décalées dans le temps, explique Sophie Devienne.

En 2022, la part du coût de la matière première agricole a progressé, mais l’inflation a également eu un impact sur les biens et les services, ainsi que sur les salaires : l’aval a donc eu à affronter des augmentations des prix de ses charges dans un contexte où l’augmentation des prix agricoles l’oblige à amortir, indique la présidente de l’OFPM. On observe donc une diminution de ses marges nettes.

En 2023, l’augmentation des prix agricoles s’est poursuivie, sauf sur les céréales, et les charges ont continué à augmenter, en parallèle d’une nouvelle progression du coût de la matière première agricole.  A l’aval, les secteurs de la distribution vont tout de même commencer à reconstituer leurs marges, ce qui explique la poursuite de l’inflation des prix alimentaires.  ​​​​​

Une évolution contrastée des marges brutes en 2024

Sur l’année 2024, les prix agricoles diminuent, avec quelques exceptions comme les fruits et légumes, la viande ovine (en lien avec la FCO) et vitelline, ou la matière première pomme de terre.

Concernant l’aval, les évolutions s’avèrent plus contrastées selon les filières, avec une baisse des marges brutes en charcuterie, mais une augmentation pour l’industrie laitière, et la meunerie. Les différences d’évolution sont en partie liées à « des péréquations de marges entre produits » : la distribution prend plus de marge sur des produits qui risquent moins une baisse de consommation, comme le jambon, mais écrase ses marges pour des produits plus sensibles. On constate aussi des stratégies d’échelle, avec le maintien d’un certain volume de transformation, quitte à diminuer ses marges, pour diluer les charges fixes, explique Sophie Devienne.

En 2023, des marges nettes en baisse dans tous les secteurs agricoles

Les marges nettes, qui sont étudiées à partir des comptes consolidés d’entreprise et ne sont donc disponibles que pour l’année N-2, montrent également que l’inflation a aussi pesé sur le niveau des marges nettes. Du côté de la production agricole, on observe des résultats nets le plus souvent en baisse en 2023, « même lorsque le coût de la matière première dans la décomposition du prix au détail avait progressé », précise Sophie Devienne.

Dans tous les secteurs, on observe une diminution du revenu, moins marquée pour les exploitations en bovin laitier et viande que dans les exploitations céréalières. L’Observatoire met également en avant une forte dispersion des résultats, avec des disparités de revenus très importantes. On constate notamment une part importante de revenus négatifs pour les céréaliers.

On constate par ailleurs que dans la plupart des filières, les marges nettes de l’aval restent inférieures à ce qu’elles étaient avant la période d’inflation, malgré la reconstitution progressive de leurs marges brutes, indique l’OFPM.