La Bourgogne fête les « Climats », l’âme de ses vins


AFP le 02/07/2025 à 15:15

La Bourgogne célèbre vendredi le dixième anniversaire de l'inscription au Patrimoine de l'Humanité des « Climats », des parcelles de vignes à l'identité unique définie par leurs sols, ensoleillement, précipitations... qui font l'esprit et l'âme de la prestigieuse région viticole.

« En Bourgogne, quand on parle de Climats, on ne lève pas les yeux au ciel mais on les baisse sur la terre », disait le critique littéraire Bernard Pivot, grand amateur de bourgognes.

Loin de la météo, les « Climats » sont des parcelles de vignes qui s’étirent sur une soixantaine de kilomètres au sud de Dijon, le long de collines aux couleurs flamboyantes l’automne venu, d’où le nom de « Côte d’Or » du département.

Le 4 juillet 2015, l’Unesco les inscrivait au patrimoine mondial dans la catégorie « paysages culturels », reconnaissant dans la Bourgogne « le berceau et l’archétype des vignobles de terroir ».

« L’identification du vin au lieu sur lequel il est produit a été poussée au plus haut degré, donnant naissance à un parcellaire d’une exceptionnelle minutie », avait souligné l’organisation des Nations unies, évoquant « une mosaïque » de vignes à « l’extrême diversité », malgré l’existence de seulement deux cépages (pinot noir et chardonnay).

Précisément, 1 247 « Climats » ont été reconnus : le « Clos des Mouches », les « Amoureuses » ou le « Murger des dents de chien » y côtoient des crus à plusieurs centaines ou milliers d’euros la bouteille, comme la Romanée, le Bâtard-Montrachet ou le Clos de Bèze.

Ce dernier « est le premier vin référencé en Climat, en 1676, sous le règne de Louis XIV », indique à l’AFP Jean-Pierre Garcia, professeur à l’Université de Bourgogne spécialisé en archéologie des paysages.

Alors que les vins du Moyen-Âge étaient un assemblage de multiples parcelles d’une large région, les Bourguignons veulent différencier des vignes qui ont « des caractéristiques particulières justifiant de faire des vins de meilleure qualité » et de ne plus les mélanger à des jus de moindre valeur.

« L’ultra-terroir »

« La grande nouveauté est de désigner les vins non plus par leur propriétaire, mais de respecter le lieu qui va s’exprimer dans le vin. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui un terroir », explique M. Garcia. « Mais, à l’époque où les climats sont apparus, le mot terroir avait une valeur péjorative : des produits de terroir étaient des produits paysans, grossiers ». Le mot climat s’est donc imposé.

Très vite, l’appellation trouve son succès. « On voit les courbes de prix se décupler à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, où on a des facteurs de un à cinq facilement, et de un à dix parfois, entre un vin commun – le vin du village ou le vin de la ville, et le vin de climat », souligne M. Garcia.

« Les vins du climat sont demandés à Paris, à la Cour, à Versailles. Même à Londres », rappelle l’historien.

Les Climats, c’est « l’esprit de la Bourgogne », résume Gilles de Larouzière, président de l’Association des Climats de Bourgogne et PDG des champagnes Henriot, également propriétaires de la maison bourguignonne Bouchard Père & Fils.

Debout entre deux rangs de Montrachet, un des plus grands vins blancs au monde, M. de Larouzière n’a qu’à se retourner pour pointer du doigt une autre parcelle, et donc un autre Climat, quelques mètres plus haut seulement, relevant les différences malgré la faible distance. « La pente est plus raide ici, et elle est plus douce », là, note-t-il.

« Cette espèce d’éboulis en sous-sol qui donne ce sol marneux, a une incidence directe sur l’expression aromatique du raisin, de même que l’exposition et l’altitude ont une incidence directe sur l’expression des raisins. C’est l’ensemble de ces facteurs qui fait la particularité d’un vin en Bourgogne ».

Véritable carte d’identité de la vigne, le Climat regroupe toutes ces données : sols, inclinaison, ensoleillement… et dévoile le génie du vigneron qui « essaie d’exprimer le mieux possible » les conditions que la nature lui offre, parfois dans une parcelle de la taille d’un jardin, explique le président. « C’est l’ultra-terroir, le micro-terroir », résume M. de Larouzière.