Changement climatique : serre « coffre-fort » pour protéger la racine des vignes


AFP le 20/06/2025 à 09:54

Une cathédrale de verre au cœur du vignoble champenois : une serre bioclimatique est inaugurée vendredi à Blancs-Coteaux (Marne) afin de préserver le matériel végétal de la vigne de plusieurs régions viticoles françaises de plus en plus menacé par les effets du changement climatique.

Avant d’être planté dans les vignes, un pied de vigne passe par plusieurs étapes de sélection, dont la pré-multiplication : une phase cruciale où sont cultivées des « vignes mères », élevées dans un environnement très contrôlé pour garantir leur parfaite santé sanitaire.

Ces vignes mères fournissent les porte-greffes (la partie racinaire) et les greffons (la partie qui portera les raisins), maillon essentiel du vignoble, qui seront ensuite assemblés par des pépiniéristes avant d’être vendus aux viticulteurs. Jusqu’à présent, cette phase de pré-multiplication se faisait en plein champ, notamment à Gionges pour la Champagne, où Sébastien Debuisson et son équipe veillent sur ces plants sensibles.

« Ces vignes sont conservées à l’écart des autres parcelles pour éviter toute contamination par des parasites, insectes, virus ou champignons. Elles sont contrôlées chaque année, mais restent exposées au milieu naturel et donc aux maladies et virus », explique Sébastien Debuisson, directeur qualité et développement durable au Comité Champagne.

« Préserver un patrimoine végétal »

« Ces vignes sont exposées à des aléas climatiques et aux nouveaux bio-agresseurs liées au réchauffement climatique », poursuit l’ingénieur. La nécessité de préserver ce patrimoine végétal dans des conditions de sécurité optimales, qui s’est imposée au 19e siècle quand le parasite phylloxéra a ravagé les vignes françaises, devient encore plus pressante face aux menaces climatiques.

La Champagne, le Beaujolais, et la Bourgogne se sont alliés pour concrétiser ce projet d’un coût de plus de 8 millions d’euros, financé en grande partie par des fonds publics, afin de pérenniser l’avenir de ces vignobles. Les plants les plus stratégiques sont peu à peu transférés en milieu confiné et hors-sol, dans un « coffre-fort » : une serre ultra-sécurisée, baptisée Qanopée. Une serre similaire mais plus petite a été lancée dans le Bordelais, et d’autres sont en projet.

Variétés inédites

La serre très lumineuse, d’une surface de 4 500 m2, se distingue par sa haute structure métallique blanche et ses vastes baies vitrées. Entièrement hermétique aux insectes, elle offre un environnement totalement contrôlé : température, humidité, irrigation, fertilisation.

Elle a déjà reçu ses premiers plants, qui sont cultivés dans des pots hors-sol et connectés à un système d’irrigation par goutte-à-goutte automatisé. La serre dispose d’un système de régulation climatique, alimenté par les eaux de drainage et de pluie.

Ici, « nous pouvons réguler le climat et nous ne sommes pas dépendants des sécheresses, des vents violents ou des grêles liés au changement climatique », souligne Célia Borrégo, responsable du site. Aussi, « si des plants produisent peu ou pas, ou s’ils sont malades, on peut les évacuer très vite et les remplacer, nous pouvons être très agiles ».

Un Sas de décontamination pour entrer

Outre la météo, la serre protège « de tous les insectes vecteurs de maladies, qu’il s’agisse les nématodes, de cicadelles » et permet de « prévenir la propagation de virus graves comme le court-noué, la flavescence dorée ou le GPGV », détaille Mme Borrégo.

L’accès à la serre est strictement contrôlé : pour y pénétrer, il faut passer un sas de décontamination et porter des protections individuelles – blouses, surchaussures et charlottes. Les premiers plants issus de cette serre devraient être disponibles pour les pépiniéristes en 2027.

Cet outil permet également « d’accélérer la production et la diffusion des variétés sélectionnées, qu’il s’agisse de cépages emblématiques comme le gamay, le pinot noir ou le chardonnay » ou encore « de nouvelles variétés résistantes » aux maladies, explique Bertrand Châtelet, responsable technique Inter Beaujolais.

Les recherches sur des variétés inédites dans le vignoble traditionnel pour s’adapter au changement climatique en sont encore à leurs débuts, et la serre permettra d’expérimenter plus rapidement, explique-t-il.