Qu’est-ce que c’est qu’une LMR ?


Bernard AMBOLET, Jean-Louis BERNARD, Franck GARNIER, Dominique PARENT-MASSIN, membres de l’Académie d’Agriculture de France le 12/06/2025 à 10:00
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L'utilisation de produits phytopharmaceutiques, pour protéger les productions végétales contre les bioagresseurs, peut induire la présence de résidus de pesticides sur ou dans les denrées récoltées. Afin de protéger la santé des consommateurs humains ou animaux contre des effets indésirables, les autorités fixent – pour chaque substance active et pour chaque denrée – une limite maximale de résidus (LMR). Ces LMR sont donc des limites administratives maximales, définies en fonction des bonnes pratiques agricoles. Elles garantissent que si l'on ingère dans son régime alimentaire toutes les denrées issues de cultures ayant potentiellement été traitées avec une substance donnée, la somme des résidus ingérés est inférieure à la dose journalière admissible (DJA). Cette dernière étant la valeur de référence toxicologique qui protège les consommateurs d'un risque à moyen ou long terme.

Les produits phytopharmaceutiques sont destinés à protéger les végétaux contre les bioagresseurs que sont les ravageurs, les agents de maladies des plantes ou les végétaux indésirables (mauvaises herbes) pouvant affecter quantitativement ou qualitativement les productions végétales.

Ces produits sont sélectionnés en raison de leur activité biologique sur des cibles précises, et ne sont jamais considérés comme anodins. C’est pourquoi ils sont strictement réglementés, en particulier pour protéger les consommateurs (humains et animaux) et l’environnement.

Parmi les mesures d’encadrement, la LMR (limite maximale de résidus) est l’une des pierres angulaires qui accompagne la mise en marché de chaque substance active.

L’utilisation de produits phytopharmaceutiques par les producteurs agricoles peut laisser des traces de substances actives, même infimes, sur ou dans les denrées récoltées. Afin de protéger les consommateurs (humain et animaux), les agences de sécurité sanitaire réalisent une évaluation du risque pour le consommateur, et ce :

  • pour chaque substance active qui servira de base à la définition de la valeur des limites maximales de
    résidus (LMR),
  • et pour chaque denrée provenant des cultures traitées avec cette substance.

Comment ces évaluations sont-elles établies ?

Identification des dangers et fixation de la DJA

Pour identifier les dangers, c’est-à-dire les effets toxiques potentiels, une batterie de tests toxicologiques par voie orale chez l’animal doit être réalisée, incluant des études de toxicité subchronique (1/10 de la durée de vie de l’animal), de toxicité chronique (long terme), de cancérogénicité et mutagénécité, et des études de toxicité sur la reproduction, incluant la gestation.

Ces tests ont pour objet d’étude non seulement la substance active elle-même mais également tous ses métabolites pertinents. Les métabolites sont issus de la dégradation de la substance active mère, lors de sa métabolisation sur et dans les végétaux, ou dans l’organisme des animaux qui l’auraient ingérée ; la nature de ces métabolites est déterminée grâce à des études spécifiques de métabolisme chez le végétal et chez les mammifères. Parmi tous les métabolites identifiés, on retient tous ceux qui ont une pertinence toxicologique, et qui seraient susceptibles, à ce titre, d’interférer avec la santé de l’homme ou des animaux.

Toutes ces études – à la charge du demandeur de l’autorisation de mise sur le marché – doivent obligatoirement être réalisées :

  • dans des centres de toxicologie expérimentale accrédités et régulièrement inspectés (en France, par le Cofrac) ;
  • selon les règlements des bonnes pratiques de laboratoire (BPL) ;
  • selon des protocoles expérimentaux stricts, reconnus sur le plan international et publiés par l’OCDE, régulièrement complétés et amendés pour tenir compte de l’avancée des connaissances scientifiques et techniques ; ces protocoles – dénommés lignes directrices – sont élaborés par des experts internationaux réunis en groupes de travail

Les études doivent être transmises in extenso (protocoles et résultats) aux agences de sécurité sanitaire.

L’objectif de ces études est d’identifier toutes les anomalies de développement, de fonctionnement des organes, de modification des concentrations des liquides biologiques physiologiques (sang, urine…) ou de comportement.

Sont ainsi recherchées et notées, les doses toxiques, les organes cibles, mais surtout les doses sans effet toxique. On détermine la dose sans effet (DSE), en identifiant dans chaque étude toxicologique requise la plus forte dose qui n’a pas démontré d’effet toxique, pour chaque sexe de chaque espèce ; celle dont la valeur est la plus basse est retenue, considérant que l’effet, l’animal et le sexe concernés sont les plus protecteurs pour l’extrapolation à l’Homme.

À partir de cette DSE, un coefficient de sécurité est appliqué, afin de tenir compte :

  • d’une part, d’une sensibilité potentiellement accrue entre les espèces (entre les animaux de laboratoire et l’homme : un coefficient minimal de 10 est retenu),
  • d’autre part, d’une sensibilité potentiellement plus grande chez certains individus d’une même espèce (là encore, un nouveau coefficient de sécurité de 10, au minimum, est retenu).

Ainsi la dose sans effet issue des études de laboratoire est divisée au minimum par 100 pour établir la dose journalière admissible (DJA) en mg/kg de poids corporel ; cette DJA multipliée par le poids corporel d’un individu, est la quantité qu’il peut consommer tous les jours de sa vie sans courir de risque pour sa santé ni sur celle de sa descendance.

Résidus de pesticides dans les denrées

Avant toute demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM), il faut mesurer les résidus de pesticide (= substance active + métabolites pertinents) contenus dans les produits récoltés à la suite des traitements des cultures avec une substance phytopharmaceutique : on procède à la mise en place d’essais spécifiques réalisés avec la dose d’emploi maximum envisagée dans des conditions identiques aux bonnes pratiques agricoles (stade de traitement, nombre de traitements maximum, délais avant récolte etc.).

Ces expérimentations permettent de quantifier précisément les résidus en conditions réelles et pour les cas les plus sévères (worst case en
anglais) : traitements à la dose maximale envisagée, nombre maximum d’applications selon le délai avant récolte envisagé. De plus, toujours
pour maximiser les résidus, les denrées analysées sont brutes de récolte, c’est-à-dire non lavées et non épluchées pour les fruits et légumes. Après analyse des résidus de la substance et de ses métabolites – avec des méthodes biochimiques les plus modernes, très précises et très sensibles – il est possible de fixer une limite maximale de résidus (LMR) pour chaque couple « substance active/denrée ».

On doit bien noter qu’avant de fixer une LMR, on vérifie que la somme totale des résidus potentiellement ingérés par un consommateur, au travers de son régime alimentaire, est bien inférieure à la DJA. Pour ce faire, on effectue le calcul suivant :

  • On considère que chaque fruit, légume ou céréale – pour lesquels une autorisation de mise sur le marché du pesticide a été délivrée ou est demandée – contient la teneur maximale autorisée en résidu de pesticides.
  • On fait la somme de ces résidus potentiels, en prenant en compte le régime alimentaire de toutes les catégories de populations, y compris celles les plus sensibles comme les bébés ou jeunes enfants.
  • La quantité totale du pesticide théoriquement ingérée, ainsi calculée, est alors comparée à la dose journalière admissible (DJA), et c’est si et seulement si cette quantité totale est inférieure à la DJA que l’on accorde les usages autorisés pour la substance.

De plus si la LMR dans les produits frais dépasse la valeur de 0,1 mg/kg, des analyses complémentaires sont réalisées dans les denrées transformées (ex : jus de fruit, farine, vin, bière, huile) ou dans des produits d’animaux ayant ingéré des végétaux traités (lait, œufs, viande), afin de fixer une LMR sur ces denrées ; ces valeurs tiennent compte du coefficient de transfert des résidus et de leur éventuelle transformation lors du
process technologique.

La LMR est donc une valeur administrative, qui tient compte des bonnes pratiques agronomiques et du respect de la dose journalière acceptable pour garantir la sécurité des consommateurs. Elle reste donc bien inférieure à un seuil toxicologique.

Pour les substances phytopharmaceutiques autorisées dans l’UE, le règlement (CE) n°396/2005 a harmonisé au niveau communautaire les LMR autorisées dans les produits d’origine animale ou végétale destinés à la consommation humaine ou animale. En dehors de l’UE, la plupart des pays du monde ont également fixé des LMR selon des réglementations nationales.

Dans un souci d’harmonisation, l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a institué au niveau mondial le Codex Alimentarius qui regroupe des experts de tous les pays du monde désirant s’y associer ; ce Codex Alimentarius définit des normes, propose des recommandations internationales et fixe des LMR destinées à servir de références en cas de différend commercial entre états.

Conformité des denrées commercialisées

Afin de vérifier si les denrées commercialisées pour l’alimentation des hommes et des animaux respectent bien les LMR, des programmes de contrôle sont déployés chaque année, tant au niveau français qu’européen.

Par ailleurs, des analyses aléatoires sont conduites par les services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) du Ministère de l’économie, des finances et de la relance, sur des échantillons de denrées collectées sur les étals ou les rayons de magasins.

Ces procédures, ainsi que les résultats de ces études de surveillance, font l’objet de la fiche 08.02.Q06 : “Que sait-on des résidus de pesticides dans l’alimentation ?”.

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