« En 2025, avoir des fermes non rentables, ce n’est pas normal »

Comment se portent les filières d’élevage ? Quels seront leurs enjeux demain ? Tandis qu’Anne-Marie Quéméner, commissaire générale du Space, présente les grands thèmes de cette édition 2025, Sébastien Abis, directeur du club Demeter, dresse le portrait de l’agriculture d’aujourd’hui.

C’est à l’Assemblée nationale que les équipes organisatrices du Space nous ont donné rendez-vous ce mardi 20 mai 2025 pour nous présenter le programme de la 39e édition du salon de l’élevage qui aura lieu les 16, 17 et 18 septembre prochains à Rennes. Un lieu emblématique qui n’a pas été choisi au hasard : « c’est ici que se dessinent les contours de l’agriculture de demain », explique Anne-Marie Quéméner, commissaire générale du Space. Et Sébastien Abis, directeur du club Demeter*, invité de l’évènement, appuie : « Les questions agricoles sont stratégiques puisqu’elles concernent tout le monde. Malheureusement aujourd’hui, une minorité de citoyens a encore un lien à la terre. Pourtant, l’agriculture nous produit l’essentiel pour vivre, on ne doit jamais l’oublier. »

Une filière qui va de l’avant

« En Europe, l’agriculture va de l’avant sur les questions écologiques, sanitaires, avec une diversité de l’offre. Et les volumes de production restent très importants », assure Sébastien Abis avant de compléter : « Attention, ça ne veut pas dire qu’il n’y a aucun problème. On a de grandes interrogations sur le renouvellement des générations, le revenu des agriculteurs, et on observe une crise des 3 « C » dans beaucoup de pays : cohérence (notamment des normes et des relations internationales parfois compliquées), confiance (dans le secteur et ses produits), et constance (beaucoup de réformes et changements réglementaires qui se sont télescopés avec les transformations mondiales, la volatilité des cours et la météo). On fait surtout face à de l’inconstance, ce qui challenge le métier et les agriculteurs n’ont pas besoin qu’on en rajoute ! »

Le défi aujourd’hui n’est pas de produire plus mais de produire avec régularité et constance.

Il complète : « Le plus gros enjeu pour les agriculteurs, c’est de bien vivre de leur métier. Et pas seulement « dignement » comme on l’entend parfois. » Un terme qui sonne presque comme une insulte pour l’expert en sécurité alimentaire : « Les agriculteurs devraient plutôt très bien gagner leur vie. En 2025, ce n’est pas acceptable d’avoir encore des exploitations non profitables ! » Et si le profit est le premier pilier de la durabilité des exploitations pour Sébastien Abis, celui-ci parle également de « dérisquer les activités », de soutenabilité sociale, de diversification (pour dérisquer notamment, mais aussi créer de la valeur ajoutée) et de transmissibilité des outils de production.

S’appuyer sur l’innovation et l’IA

Pas de modèle précis à suivre en revanche : « Chaque agriculteur doit être libre de développer ses propres solutions, combiner les savoirs, choisir ses investissements… » Et pour cela, il s’appuie de plus en plus sur l’intelligence artificielle, comme nous tous à l’ère du numérique, mais bien sûr avec « le bon sens paysan ». D’ailleurs le Space a choisi comme thème de cette édition 2025 l’intelligence « agricole ». Anne-Marie Quéméner explique : « L’IA est déjà très présente dans le quotidien des agriculteurs, et même plus présente dans certaines filières d’élevage que dans les autres secteurs. » Et c’est une bonne chose : « les outils de l’IA peuvent soulager le travail de l’éleveur, améliorer la performance globale d’une exploitation et rendre le métier plus attractif. »

De nombreuses solutions seront donc présentées sur l’Espace pour demain du Space, ainsi qu’au concours Innov’Space qui fête cette année ses 30 ans. D’ailleurs, les délégations étrangères en sont friandes : « La dimension internationale du salon est fondamentale, ça fait partie de l’ADN du Space. Chaque année, on met en place un programme « top acheteurs » pour faire venir les plus gros investisseurs étrangers et leur faire découvrir le savoir-faire français. »