Embaucher un salarié en élevage : quelles questions se poser avant ?
TNC le 13/05/2025 à 05:16
Recruter un salarié commence bien avant de rédiger l’offre d’emploi ! De vos besoins au profil recherché en passant par le type de contrat… il y a de nombreux points auxquels réfléchir pour qu’il vous convienne ainsi qu’à votre exploitation, et que cela se passe bien d’un côté comme de l’autre.
En vidéo et 3 min chrono : les clés pour réussir votre recrutement.
Le plus important, les principales questions à se poser, sur quoi être le plus vigilant, comment être attractif et se différencier, l’influence du comportement de l’employeur… Bruno Chevet, ingénieur du BTPL pour les régions Hauts-de-France Normandie, fait le point au micro de la rédaction à l’issue des Rallyes de l’Ambition, organisés début mars par l’union de coopératives Yséo et Novial SA.
Pourquoi je veux embaucher ?
Voilà sur quoi s’interroger en premier, selon lui. En découlent plusieurs questions :
– Pourquoi je veux recruter un salarié d’élevage, quels sont mes objectifs ? Ce peut être pour réduire l’astreinte quotidienne, pouvoir partir en week-end et/ou en congés, mieux absorber les pics d’activité, saisonniers notamment, ou pour ces trois raisons à la fois. Or ce n’est pas tout à fait la même chose.
– Quelles tâches je vais confier ? La traite, les soins aux animaux ou plutôt les travaux des champs, l’entretien du matériel, l’administratif ? Est-ce que je cherche une personne mono ou multitâche, c’est-à-dire polyvalente ? Pas pareil là encore.
– Pour quel niveau de responsabilité ? Est-ce que je cherche juste un manœuvre, un responsable de troupeau ou un second d’exploitation ? Autrement dit : un exécutant ou quelqu’un qui prend des initiatives ? Différent en effet.
– Quel volume horaire, quelle période ? À 100 % ou temps partiel, toute l’année ou pour les gros chantiers : foins, préparation et semis de maïs, ensilages, vêlages… ? Il faut faire la différence.
« Il faut que lesalariécorresponde à vos besoins, sinon il risque de partir au bout de quelques semaines. La plupart des échecs sont liés à un manque d’anticipation et de préparation », prévient Bruno Chevet.
Quel contrat est le plus adapté ?
Un CDI, un CDD, un contrat saisonnier, un aidé, à temps plein ou partiel ? Les réponses aux questions précédentes, en particulier la première et la dernière vous aiguilleront. Sous-jacent un autre choix : embaucher seul ou à plusieurs éleveurs, en direct ou via un groupement d’employeurs. S’ensuit une réflexion sur le salaire et les avantages proposés (repas, véhicule, logement…).
Quel profil de salarié je recherche ?
Il s’agit de réfléchir aux compétences techniques souhaitées – les savoir-faire tels que la conduite de tracteurs avec attelages, la traite, l’alimentation des vaches, etc. – mais aussi aux qualités humaines, les savoir-être comme la ponctualité, la discrétion, etc. Donc à la formation exigée : agricole ou pas forcément, quels diplômes (CAP, BEP, bac, BTS, certificat de spécialisation…). Et si vous préférez une personne expérimentée à un débutant, ou si cela vous est égal.
Quel employeur je suis ?
Au cœur du sujet : le mode de management. Est-il directif, délégatif, participatif, persuasif ? Un manager directif par exemple, et un salarié agricole peu qualifié et expérimenté, vont bien ensemble. « S’il délègue facilement en revanche, mieux vaut quelqu’un de compétent, confirmé, motivé, sur qui le chef d’exploitation peut se reposer et qui peut prendre les décisions afin de résoudre un problème : la responsabilité est partagée. L’esprit d’initiative du salarié est mis en avant, de même que le droit à l’erreur », explique l’ingénieur du BTPL.
Apprendre à se connaître.
Le management participatif lui permet encore plus de décider, et l’associe aux débriefings et recherche de solutions. « Enfin, lorsqu’il est persuasif, il lui laisse davantage d’autonomie et stimule sa motivation. » « Si vous êtes directif et que la personne embauchée a besoin d’être autonome, vos rapports pourraient vite se tendre », illustre Bruno Chevet.

Comment rédiger fiche de poste et offre d’emploi ?
Maintenant seulement, une fois que vous avez toutes ces réponses, vous pouvez rédiger la fiche de poste, mais pas directement l’annonce. Profil du salarié (niveau de qualification, compétences…), périodes et temps de travail, type de contrat, tâches, responsabilités, attentes de l’employeur, description détaillée du poste, conditions de travail… elle doit être précise et spécifier les différents points évoqués ci-dessus.
Quant à l’annonce, il va falloir « vendre le poste, donner envie de travailler dans votre exploitation, et avec vous », d’autant qu’il y a beaucoup d’offres. Bruno Chevet conseille de « sortir des sentiers battus » et de l’accompagner d’une vidéo « mettant en valeur la structure », sans cacher les contraintes, mieux vaut être transparent. Le salarié pourra se faire une idée plus facilement et se projeter. « Le cadre de travail est un critère important pour les candidats », insiste-t-il. À savoir : doivent figurer obligatoirement dans l’offre d’emploi l’intitulé de la fonction, le contrat, l’expérience requise, les coordonnées et conditions pour postuler, toutes mentions discriminantes étant interdites.
Comment mener l’entretien d’embauche ?
Place ensuite au tri des candidatures à partir des CV et lettres de motivation. « Attention, toutes ne sont pas représentatives, ne vous laissez pas influencer par les stéréotypes, ils ne reflètent pas toujours la personnalité des postulants », recommande-t-il encore. Et s’ils se présentaient, eux aussi, en vidéo en complément de ces documents papiers ? Avant même de les rencontrer, vous pourriez observer leur façon d’être et leur manière de s’exprimer, ce qui pourrait vous aider dans votre sélection.
Vous pouvez passer désormais à l’entretien d’embauche : il s’agit d’adopter une posture d’écoute, verbale et non verbale (gestes, comportements, silences accompagnant la parole), et d’exposer clairement vos objectifs, le fonctionnement de la structure, les missions du futur salarié, etc. Une rencontre avec les autres membres du collectif de travail et une visite de la ferme sont indispensables.
Comment accueillir et mettre en route le salarié ?
Le jour de son arrivée, vous devez « vous rendre disponible au moins une matinée » pour l’accueillir avec une présentation en détail de l’exploitation, son environnement, les équipements, pratiques, consignes, risques… Puis l’encadrer au début : « montrer d’abord le travail à effectuer, avant de le réaliser avec le salarié, de le laisser faire en l’observant, et enfin seul en vérifiant de moins en moins derrière et en ne restant plus systématiquement à proximité. »
Jusqu’à une certaine autonomie décisionnelle, tout en faisant des points réguliers sur ce qui est acquis et les marges de progrès. « Il ne suffit pas dire « c’est bien ou ce n’est pas bien ». Dans un cas comme dans l’autre, il faut comprendre pourquoi, au cours d’un réel échange planifié, et pas entre deux portes. Et ne surtout pas attendre que cela dégénère. » La communication est primordiale : elle soit être positive, pointer les forces devant les éléments à améliorer, offrir la possibilité à tous de s’exprimer sur ce qui fonctionne et va moins bien, voire pas du tout.
Prendre le temps de former et d’accompagner.
« Vous devez vous préoccuper du bien-être de vos salariés. » Le spécialiste de la gestion des relations humaines invite d’ailleurs, même si le secteur agricole est plus habitué à l’oral, à écrire le plus possible les consignes, le mode de fonctionnement des outils, les protocoles, etc. « Tout le monde peut s’y référer, même vous. En plus d’éviter les pertes de temps et les conflits, une bonne part des écrits peuvent rester en permanence sur la structure et bénéficier aux salariés suivants. »
En résumé : vous fixez définir un cadre de travail clair (horaires, plannings intégrant les week-ends et les congés, tâches à réaliser, responsabilités, limites), « pour recadrer si nécessaire », et des objectifs (« smart » : spécifiques, mesurables, acceptables, réalistes, temporels) qui le sont tout autant. Quant aux réunions, le lieu, le moment et le rythme doivent être adaptés, et il doit y avoir un ordre du jour, un animateur, une durée définie et une conclusion.
Comment fidéliser ?
En tant qu’employeur, vous êtes obligé de mener un entretien professionnel au minimum tous les deux ans, axé sur la formation qui doit être accessible tout au long de la carrière et permettre des évolutions professionnelles. L’entretien annuel d’évaluation, lui, est facultatif mais il sert à dresser un bilan d’activité, à mettre en place des actions correctives et à prévoir d’éventuels projets. Y sont entre autres passées en revue la charge et l’organisation du travail, l’équilibre vie pro/perso.
Pour savoir comment garder ses salariés, surtout s’ils sont bons, appuyons-nous sur les résultats d’une enquête sur leur vision du métier. Les principaux avantages qu’ils reconnaissent : l’expérience acquise, la diversité des tâches, l’autonomie d’organisation, la technicité, la convivialité, le salaire fixe, la charge mentale moindre par rapport aux éleveurs.
Et côté inconvénients : le manque de considération, l’image dévalorisée, le cantonnement aux tâches pénibles, répétitives ou subalternes, peu de délégation, une faible écoute et sollicitation d’avis, des relations parfois difficiles avec l’employeur, une rémunération basse sans trop de perspectives d’évolution, le poids des astreintes (horaires, week-ends).
D’où les leviers de fidélisation suivants : partager plus équitablement les tâches et les astreintes, faire plus confiance, mieux communiquer, mettre en valeur les réussites, impliquer davantage dans l’entreprise, améliorer le salaire. Mettre en place une prime d’objectif, par exemple, permet de jouer sur ces deux derniers tableaux. « Le cadre et les conditions de travail (sanitaires et locaux propres et agréables pour les pauses et repas, etc.) et les moments conviviaux (déjeuners ensemble, sorties, etc.) importent aujourd’hui plus encore que la rémunération », fait remarquer Bruno Chevet.
S’adapter l’un à l’autre.
Avant de conclure : « Le management commence en amont du recrutement. Les salariés qui se plient sans broncher aux directives de leur patron, c’est fini ! Vous devez en avoir conscience, vous remettre en cause parfois et faire des efforts en matière de gestion des ressources humaines, pour vous adapter à vos employés. Mais à eux aussi de faire une partie du chemin. Des compromis doivent être trouvés pour répondre aux besoins et intérêts de chacun. »
D’autant que les temps ont changé aussi sur la durée en poste : en agriculture comme ailleurs, les salariés ne restent plus 10-15 ans. « Il faut également aimer travailler en binôme ou en équipe, accepter les critiques constructives et justifiées, ainsi que les différences qui sont autant de source de complémentarité », ajoute l’ingénieur du BTPL Sachant que rien n’est figé, le temps et l’expérience vous aideront à façonner vos qualités managériales et votre organisation.