À La Réunion, Macron promet un dispositif d’urgence, les agriculteurs sceptiques
AFP le 23/04/2025 à 11:30
« Rien de neuf », « pas grand-chose », « toujours pas satisfaits » : les réactions syndicales sont unanimes après la visite d'Emmanuel Macron à La Réunion. Le chef de l'État, venu constater les dégâts après le cyclone Garance, a promis un dispositif d'urgence, sans convaincre les représentants agricoles.
Première étape de la journée présidentielle mardi sur l’île de l’océan Indien : l’usine sucrière de Bois Rouge, à Saint-André, pour une séquence dédiée à l’agriculture et à la souveraineté alimentaire. En la matière, La Réunion est un bon élève de l’outre-mer. L’autosuffisance atteint 70 %, notamment pour les fruits et les légumes, avec des taux proches des 100 % pour les œufs ou la volaille.
Mais l’île a souffert des effets cumulés du cyclone Belal en janvier 2024, suivi d’une sécheresse persistante une bonne partie de l’année. Le cyclone Garance, qui a fait cinq morts, a signé le coup de grâce en février : selon les premiers bilans, Garance a causé près de250 millions d’euros de dégâtsà La Réunion, dont 150 millions pour le secteur agricole.
C’est peu dire que les représentants agricoles attendaient beaucoup du passage du chef de l’Etat. En particulier la filière canne-sucre-rhum, cœur de la puissance agricole réunionnaise, avec près de 3 400 exploitations et plus de 50 % de la surface agricole utile qui lui est dédiée, selon les chiffres de l’Etat.
« Nous avons eu Belal, la sécheresse, Garance. Notre agriculture est à terre. On ne veut pas passer notre temps à taper sur l’Etat, mais on a besoin d’un signal fort ! », insiste face au chef de l’Etat le président (FDSEA) de la chambre d’agriculture réunionnaise, Olivier Fontaine.
Au côté de la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, Emmanuel Macron répond en annonçant la mise en place « d’ici à juin » d’un « dispositif d’urgence » pour venir en aide aux agriculteurs sous l’autorité du préfet de l’île, Patrice Latron.
Le chef de l’Etat a également confirmé son intention de rehausser l’aide ponctuelle pour les planteurs de canne, à hauteur « d’environ 1 000 euros par hectare » dans les zones les plus affectées, en particulier le nord et l’est de l’île.
Une aide qui se superpose aux dispositifs déjà évoqués début avril par le ministre des Outre-mer Manuel Valls, qui avait annoncé un soutien allant de 385 à 765 euros par hectare pour les exploitants impactés par Garance.
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— Élysée (@Elysee) April 22, 2025
Le compte n’y est pas
Ces aides d’urgence doivent soutenir la relance de la production agricole. Pour accompagner et « structurer » les filières, Emmanuel Macron avance une autre enveloppe : 244 millions d’euros d’aide pour La Réunion, dont 145 qui vont à la filière canne-sucre, selon le chef de l’Etat. « Il y a un effort qui est fait », insiste-t-il.
Mais pour les syndicats agricoles, le compte n’y est pas. « Il n’y a rien de neuf, loin s’en faut ! », regrette auprès de l’AFP Guillaume Sellier, le dirigeant des Jeunes agriculteurs (JA) réunionnais.
L’enveloppe de 244 millions d’euros « provient des aides qui nous sont dues sur une année », ajoute-t-il : « Certes, le versement va être anticipé, mais il n’y a pas grand-chose en termes d’annonces nouvelles et concrètes ».
Interrogé par l’AFP, Olivier Fontaine se dit, pour sa part, « toujours pas satisfait » après le passage du chef de l’Etat : « Le monde agricole est toujours mitigé et un peu en colère ».
Même constat du côté des industriels. Florent Thibault, directeur agricole du sucrier Tereos, le propriétaire de l’usine de Bois Rouge, regrette que « l’Etat n’est pas en mode urgence ».
« Nous ne travaillons pas assez bien avec le ministère de l’agriculture. La question est de savoir comment rebâtir durablement la filière canne pour qu’on puisse se relever structurellement », estime-t-il, craignant que les agriculteurs n’aient « pas de trésorerie » dès 2026 sans un soutien rapide de l’Etat.
La filière canne demande une aide spécifique de 80 millions d’euros, répartie à parts quasi-égales entre planteurs et industriels, pour compenser Garance et une saison 2024 catastrophique.
Le président de la République a par ailleurs promis la tenue d’une table ronde avec tous les acteurs des filières agricoles pour discuter des problématiques de ce secteur. « Nous resterons force de propositions. Le président nous a compris, nous espérons qu’il sera suivi par le gouvernement », espère Olivier Fontaine.