Étude : les organisations du travail multiples ne favorisent pas l’installation


TNC le 27/02/2025 à 14:20
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Entreprise individuelle, sociétés diverses, structure ayant recours au salariat ou externalisant certaines tâches... Depuis plusieurs années, les collectifs de travail agricoles se transforment. (© your123, Fotolia)

C'est ce que révèle une étude de l'université de Caen Normandie sur le renouvellement des actifs agricoles, dévoilée en amont du Salon de l'agriculture. Elle pointe aussi des différences régionales significatives sur la composition de la main-d'œuvre.

« Cette étude sur le renouvellement des actifs agricoles (1), réalisée par Michaël Bermond, chercheur à l’UMR « espace et sociétés »,  analyse les dynamiques générationnelles et les transformations des formes d’organisation du travail dans le secteur agricole », explique l’université de Caen Normandie dans un communiqué. Le principal constat est malheureusement bien connu : « près de 50 % des exploitants agricoles partiront à la retraite d’ici 2030, mettant en péril la pérennité de nombreuses exploitations si des mesures concrètes ne sont pas prises dès maintenant. »

Il faut dire que l’analyse s’appuie sur le dernier recensement agricole de 2020 : chute en dix ans du nombre de fermes de 490 000 à 389 000 (- 20 %), de chefs d’exploitation et co-exploitants de 603 000 à 496 000 (- 18 %), avec une population agricole vieillissante, en particulier chez les personnes travaillant seules, « ce qui rend cette catégorie particulièrement vulnérable en termes de renouvellement ». D’où les 53 % de producteurs et productrices en âge de prendre leur retraite d’ici 2030, dont on ne cesse d’entendre parler.

(1) Baptisée « Formes d’organisation du travail et renouvellement des actifs agricoles en France métropolitaine », elle a été menée avec le CNRS. Elle a été présentée au colloque Sfer les 6 et 7 juin derniers.

« Crise sans précédent de la main-d’œuvre »

Ces chiffres « mettent en lumière l’urgence du renouvellement des actifs pour rééquilibrer ces tendances et éviter un manque d’agriculteurs » qui pourrait entraîner « une crise sans précédent de la main-d’œuvre agricole ». Au contraire, cette dernière doit être « dynamique et diversifiée ». Or, nul ne l’ignore non plus, le coût d’entrée élévé dans la profession est un frein majeur à l’installation en agriculture. C’est pourquoi « une réorganisation urgente des collectifs de travail s’impose », estime le rapport. D’autant que, depuis plusieurs années, ces derniers se transforment, se diversifient : entreprise individuelle, sociétés diverses, structure ayant recours au salariat ou à l’externalisation de certaines tâches.

Une réorganisation urgente des collectifs de travail s’impose.

Désormais, l’activité agricole n’est plus exercée par un exploitant unique effectuant tous les travaux. « Elle constitue un système complexe d’opérations accomplies par divers tiers, salariés ou prestataires, ce qui modifie les modalités de renouvellement des agriculteurs. » Un renouvellement qui « ne se pose plus aujourd’hui dans les mêmes termes que par le passé », pointe l’étude selon laquelle, cette diversification « se traduit même par une difficulté à attirer de nouveaux entrants dans la profession pour remplacer les départs »​​. Un résultat plus surprenant que les précédents.

Des différences géographiques

De même, cette analyse propose « une lecture géographique » à partir du recensement agricole. En cela, « elle apporte un éclairage nouveau sur les perspectives de renouvellement selon les types d’organisation du travail et leur répartition géographique ». « Des différences significatives » s’observent en fonction des régions. Entre autres : les producteurs installés en individuel sont sur-représentés dans les zones méridionales, la vallée du Rhône et le Sud-Ouest excepté les territoires les plus proches du littoral. En résultent des problématiques de cession d’exploitations sans salarié.

(© Carte des problématiques de renouvellement des générations agricoles)

En Bretagne, dans les Pays de la Loire et l’Est, on note une sur-représentation des sociétés familiales sans salarié, dans un environnement où le salariatse développe au sein des structures familiales les plus jeunes. Les départs de couples d’exploitants sont nombreux. Dans le Centre de la France, ce sont ceux d’associés familiaux, n’ayant pas de salarié agricole, qui sont sensiblement sur-représentés. En cas de recours plus marqué à de la main-d’œuvre externe, « une culture RH serait à acquérir ».

« Adapter les stratégies de renouvellement aux spécificités régionales »

En Île-de-France et dans les départements autour, l’est du Centre-Val de Loire et le nord de Nouvelle-Aquitaine, il y a une sur-représentation, plus ou moins sensible, des sociétés unipersonnelles ou conjugales, sans ou avec peu de salariés. L’enjeu ici est de déléguer/externaliser le travail agricole. Conclusion de ces observations : « nous devons adapter les stratégies de renouvellement aux spécificités régionales »​​.

Développer les sociétés, le salariat, l’externalisation

Les pistes envisagées dans le rapport pour renouveler les actifs agricoles sont, de nouveau, plus classiques. Premier levier évoqué : « des aides financières, des formations adaptées et un accompagnement personnalisé » pour les futurs installés en agriculture, en mettant peut-être davantage l’accent sur les reprises de fermes sous statut individuel. Les fins de carrières doivent, elles aussi, être accompagnées de manière personnalisée, afin de mieux « préparer la transmission de l’exploitation » à un tiers comme familiale.

Il s’agit également de « promouvoir le salariat agricole », en veillant en parallèle à ce que « les conditions de travail soient plus attractives » et en « formant les employeurs à la gestion des ressources humaines ». Il importe, par ailleurs, « d’encourager la création et le développement des sociétés agricoles pour mutualiser les ressources, partager les responsabilités et faciliter le remplacement des associés partant à la retraite ». De même que l’externalisation de certains travaux, notamment pour les entreprises qui ne peuvent pas ou ont du mal à recruter. Enfin, il convient de favoriser « l’accompagnement et l’innovation concernant l’organisation du travail ». Tout ceci « invite donc à repenser les politiques publiques », conclut le communiqué.