Au Salon de l’agriculture, l’ail dans tous ses états


AFP le 27/02/2025 à 11:15

Nature ou fumé, nu ou en chemise, l'ail, atout de la gastronomie française, est aussi une culture essentielle à la vie des terroirs, pour les producteurs venus du Sud vanter leur or blanc, rose ou violet au Salon de l'agriculture.

« En France, on a 2 500 à 3 000 producteurs, sur environ 4 000 hectares pour 30 000 tonnes produites par an », explique Christiane Pieters, présidente de l’interprofession Aniail et productrice dans le Gers. C’est peu face à l’Espagne, premier producteur européen avec ses 230 000 tonnes annuelles, rien en comparaison des 17 millions de tonnes d’ail chinois.

Cette petite production subvient à 55 % aux besoins des consommateurs français – qui en mangent en moyenne 450 grammes par an – et le pays importe le reste. « On se connaît tous, des producteurs de semences aux metteurs en marché (…). On est à la fois concurrents et solidaires, l’ail c’est un petit monde, (…) qui a du goût », dit la présidente.

Pour raconter « la magie de l’ail », que l’on plante en octobre-novembre et qu’on récolte en juin, elle est venue avec trois producteurs, de la Drôme, du Vaucluse et du Tarn, aussi gourmands que passionnés. Sur la table, l’ail est dans tous ses états : une tige encore verte dont le bulbe n’est pas développé, une tresse séchée d’ail blanc, une grappe de violet de Piolenc, des aulx marinés, croquants ou façon pickles…

Le parfum puissant du condiment relève une soupe à l’ail rose de Lautrec, une lamelle translucide réveille une tranche de saumon, une gousse caramélisée sublime un riz. « L’ail, c’est la production française la plus labellisée, c’est une qualité garantie, une reconnaissance auprès des consommateurs et un revenu pour les agriculteurs », explique Benjamin Favalier, 30 ans, héritier de quatre générations de maraîchers à Mornas (Vaucluse).

La production française la plus labellisée

Sa production, en cours de reconnaissance comme appellation protégée « ail violet de Piolenc », tire son goût d’un mélange « d’alluvions, de soleil et de mistral ». Un cocktail unique, comme l’est celui de l’ail rose de Lautrec (Label Rouge) de Gaël Bardou dans le Tarn : « C’est un produit avec une forte identité territoriale. Le défendre, c’est permettre à des petites et moyennes exploitations de rester viables, à des jeunes de s’installer et de maintenir un territoire vivant ».

Car s’il est complexe à produire, demande beaucoup de main d’œuvre au moment de la récolte et pour le tressage ou assemblage des têtes, un temps de séchage pour la plupart des variétés …, il est une culture « rentable » : « l’ail représente en moyenne 10 à 15 % des surfaces mais jusqu’à un tiers du chiffre d’affaires des exploitations » dans le Sud-Ouest, souligne Christiane Pieters.

Dans la Drôme, Stéphane Boutarin, 49 ans, consacre 10 de ses 68 hectares à la production d’ail : il s’est spécialisé dans l’ail noir, obtenu après « une cuisson à basse température pendant 30 jours » qui permet la « caramélisation des sucs », donne un « petit goût de réglisse », une « note torréfiée », une « saveur umami » pouvant se marier avec un dessert au chocolat.

« Pyramide de Khéops »

Le climat est le principal défi auquel font face les producteurs – l’ail n’aime pas trop l’humidité mais a quand même besoin d’un peu d’eau – et « une trop grande quantité perdue » faute de transformation certaines années. « Quand on récolte en condition humide, on a beaucoup d’ail qui éclate au séchage : c’est la même qualité mais ce n’est pas commercialisable », explique Christiane Pieters.

La filière aimerait que les mauvaises années, avec beaucoup d’ail cassé, l’industrie transforme plus d’ail français, au lieu de s’approvisionner à l’étranger. « L’ail chinois est quatre fois moins cher que le français, mais il en faut six fois plus pour parvenir au même goût », affirme Gaël Bardou.

Christiane Pieters voudrait voir rajeunir les mangeurs d’ail, aujourd’hui surtout des « seniors », qui connaissent bien ses vertus – notamment pour la circulation sanguine – et cela depuis « des millénaires ». Elle raconte que, selon Hérodote, « privés de leur ration d’ail, les ouvriers qui construisaient la pyramide de Khéops avaient cessé le travail ».