Sarobe Farm — Espagne

S’installer en lait avec 90 vaches sur 23 ha : le pari fou d’Alejandra et Manuel


TNC le 31/05/2024 à 04:59
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(© TNC)

Au Pays basque espagnol, le terrain est cher et escarpé. Plutôt que d’attendre de trouver de la surface pour s’installer, Alejandra Aja et Manuel Gutierrez ont fait le pari de créer leur exploitation de toutes pièces. C’est ainsi qu’est née une stabulation cinq étoiles pour vaches hautes productrices.

Manuel et Alejandra sont de vrais globe-trotters de l’agriculture. Il a travaillé au Canada. Elle a fait le tour des élevages laitiers européens. Mais après avoir eu la bougeotte, le couple a décidé de revenir au pays pour enfin « avoir son chez-soi », confie l’agricultrice.

Problème : les associés n’ont pas d’élevage sur lequel s’installer. Ils ont toutefois une carte à jouer avec 23 ha en propriété dans la famille d’Alejandra. C’est peu, mais ça se tente dans un pays ou l’autonomie alimentaire n’est pas monnaie courante. « Le prix des terres avoisine les 30 000 € de l’hectare dans la région, c’est très compliqué d’avoir accès au foncier », souffle l’éleveuse. « Notre famille nous prenait un petit peu pour des fous, mais pour nous, s’installer, c’était une manière de se poser ».

700 000 € d’investissement

Mais l’investissement n’est pas des moindres. Compter 700 000 €, subventionné à hauteur de 40 % pour une stabulation avec vue imprenable sur les vallons du Pays basque. Sortie de terre en 2020, elle comprend deux robots de traite pour actuellement 90 vaches laitières.

Partis de zéro, les éleveurs ont pu concevoir le bâtiment comme bon leur semble. Ouverte sur trois faces, dont une dotée d’un filet brise-vent, la stabulation est conçue pour affronter les étés chauds : « jusqu’à 40°C parfois ». Elle est dotée d’un système de ventilation et brumisation. « Les deux éléments sont couplés, et se mettent en route grâce à des capteurs d’ambiance ».

Question aménagement, les éleveurs ont opté pour des logettes sur sable. Les vaches laitières sont réparties de part et d’autre de la stabulation, avec un robot dans chaque travée. Actuellement, les primipares sont séparées des multipares, une manière de limiter la concurrence à l’auge.

Une ration à 8,30 € par vache et par jour

Mais l’affouragement compte parmi les principales problématiques de l’exploitation. Pour la ration, pas question de compter sur un aliment tout fait. « Nous voulions savoir ce que nous donnions aux vaches », tranche Alejandra. Et c’est Manuel qui s’y colle. La vingtaine d’hectares de cultures est exploitée en maïs, ainsi qu’en herbe. « Nous avons récolté dans les 650 tonnes d’ensilage de maïs l’année dernière (MB) », explique l’éleveur. Pour compléter, le couple achète des bottes de luzerne déshydratée, ainsi que du foin, et le concentré. « Nous produisons à peu près 60 % des fourrages ».

Seul avantage : avec 23 ha de culture, pas besoin d’avoir beaucoup de matériel en propriété. L’intégralité des travaux est sous-traitée. Le principal investissement a résidé en un bol mélangeur pour la distribution de la ration.

Et la production fourragère est un choix payant. « Une ration complète reviendrait à 1 ou 2 euros plus cher par vache et par jour. Actuellement, la ration nous coûte 8,30 €. Si nous l’achetions toute faite, on serait dans les 10 € », estime Alejandra.

Compter alors 8 kg d’ensilage de maïs, 6 kg de luzerne, 2,5 kg d’enrubannage ou de foin et 1 kg de paille pour l’affouragement, complété par 8 kg de concentré, ainsi que 5 kg au robot. « On est sur des rations assez riches, avec 45 % de concentré, mais c’est la norme en Espagne », commente l’éleveuse. Une ration qui permet d’avoir des vaches en moyenne à 41 l. « Nous produisons 3 800 l de lait par jour ».

Les éleveurs bénéficiaient en avril d’un prix du lait de 510 €/1 000 l (en prix de base). Un prix qui leur permet de faire vivre leur structure, à condition de chercher un haut niveau de productivité pour valoriser au mieux le fourrage acheté.