El Haya Matienzo — Espagne

50 ha pour 200 vaches laitières : à la découverte d’un élevage espagnol hors-sol


TNC le 27/05/2024 à 17:49
Horssol2

(© TNC)

En Espagne, productions fourragères et animales sont parfois dissociées. Chez Vincente Arbisua, éleveur de montagne, les 50 ha de prairies sont uniquement dédiés à l’alimentation des génisses et des taries. Pour la ration des vaches laitières, l’éleveur achète un aliment complet.

Avec 350 animaux, pour 50 ha de prairie, l’exploitation El Haya Matienzo est loin d’être autonome en fourrage. Si le chargement peut surprendre les éleveurs français, ce type d’exploitation est légion en Espagne.

Nichée dans les vallons du Pays basque espagnol, la ferme n’a pas grand-chose de commun avec nos systèmes de montagne. L’herbe produite est uniquement dédiée à l’alimentation des génisses et des taries, en fauche ou en pâturage.

Du lait de montagne avec une ration base maïs

Pour la ration des 200 vaches laitières, c’est une coopérative qui fournit l’aliment. Au menu : le traditionnel combo maïs – correcteur azoté. Compter 35 % d’ensilage de maïs, 19 % de luzerne, 35 % de concentré, ainsi que de la paille et de la mélasse pour compléter le tout. Chaque jour, les vaches ont 38 kg de ce mélange. Il permet de maintenir un niveau d’étable élevé, avec des vaches en moyenne à 40 l de lait par jour.

« Dans la région, les terres sont rares et chères. Les parcelles sont pentues et pas forcément mécanisables », détaille Vincente Arbisua, agriculteur sur l’exploitation. Si vous l’interrogez sur le prix du foncier, il vous répondra que les transactions sont si rares qu’il est même difficile d’établir un prix. « L’exploitation est née de la mutualisation de plusieurs troupeaux, aujourd’hui, elle fait vivre quatre familles. Si nous nous étions limités à notre capacité de production fourragère, nous ne serions plus là aujourd’hui », tranche l’éleveur, qui travaille avec deux associés et un salarié. « En France, il y a plus de place pour s’étendre. Ici ça n’est pas possible, voire pas rentable ».

Le foncier est une grande problématique en Espagne. Les parcellaires sont rarement remembrés, et divisés au fil des générations pour assurer le partage entre héritiers. Ainsi, la production animale est parfois dissociée de la production fourragère.

Un aliment à 300 €/t

Mais la coopérative qui fabrique l’aliment est plus qu’un simple marchand de fourrage. C’est elle qui formule la ration, fait le mélange, et vient la distribuer sur la ferme à l’aide d’un camion désileur. Elle assure également un suivi technique sur la ferme. « Près de 2 000 vaches de la vallée sont affouragées par la coopérative », estime Vincente. Seul bémol : impossible de choisir le menu. « Les techniciens de la coop passent régulièrement sur la ferme pour s’informer du niveau de production, mais nous n’avons pas la main sur la formulation ».

La coopérative vient distribuer l’aliment tous les jours

Le service tout compris revient à 300 € la tonne d’aliment. Si cela peut sembler élevé, l’éleveur réalise des économies sur ses charges de mécanisation. Les travaux sur les quelque 25 ha de surface mécanisables sont délégués. « Nous n’avons pas la surface pour amortir du matériel. S’équiper coûterait dans les 150 € par vache et par mois, ça n’est pas rentable », estime Vincente.

Pas question pour autant de parler d’intégration. La coopérative qui fournit l’aliment, et la laiterie sont deux organismes différents, et l’éleveur reste en proie à la volatilité des marchés. Le prix du lait actuel semble toutefois combler ses attentes. « Les primes qualité et lait de montagne nous permettent de monter à 540 €/1 000 l actuellement », détaille Vincente, avant de tempérer « mais il y a eu des saisons moins rentables ».

Se concentrer sur la zootechnie

Ce fonctionnement permet aux éleveurs de se concentrer pleinement sur les performances zootechniques du troupeau. Les agriculteurs cherchent à avoir une bonne génétique, qui valorise le mieux possible la ration achetée, et travaillent sur le renouvellement. L’objectif : ne pas élever plus d’animaux qu’il n’en faut. Ainsi, toutes les génisses vêlent à deux ans, et le taux de renouvellement avoisine les 20 %. Les vaches font en moyenne un peu plus de trois lactations. Vincente utilise également de la semence sexée pour le renouvellement du troupeau.

Ne pas gérer l’affouragement, c’est également une astreinte en moins. A quatre sur l’exploitation avec un salarié, l’organisation autour de l’élevage permet aux partenaires de travailler un week-end sur deux, et de bénéficier de 15 jours de congé par an. En général, les exploitants travaillent de 5 h 45 à 13 h, et reviennent sur la structure l’après-midi de 15 h à 20 h. Avec peu de cultures à gérer, les associés de la structure dédient l’intégralité de leur temps aux activités d’élevage.