Accéder au contenu principal
Académie d'Agriculture de France

Le Percheron


Jean-Michel BESANCENOT, membre de l'Académie d'Agriculture de France le 29/04/2024 à 12:29
AAF

(©Académie d'agriculture de France)

Avec sa force, son élégance, ses allures appréciées, le cheval percheron a conquis le monde pour ses aptitudes à l'attelage. Si "l'épopée percheronne" est derrière nous, le Percheron est aujourd'hui la troisième race française de trait par ses effectifs, et la race de trait la plus réputée dans le monde... N'entendons-nous pas souvent "Percheron" comme synonyme de "cheval de trait" ?

Effectifs

La race percheronne compte aujourd’hui en France 1 469 juments qui ont produit 903 poulains en 2022 (Figure 1) ; elle est devancée sur le plan des effectifs de chevaux de trait par les races Comtoise et Bretonne. Les éleveurs qui adhérent à la Société hippique percheronne (SHP) sont au nombre de 450 répartis pour 50 % en Pays de la Loire, Normandie et Auvergne-Rhône-Alpes. Les agriculteurs-éleveurs ne représentent plus que 20 % des adhérents face aux 80 % de passionnés, souvent double-actifs.

La SHP a été créée en 1883, suivie un an après par l’ouverture du stud-book de la race. En 1966, les races voisines Traits du Maine, Augerons, Berrichons et Nivernais ont rejoint « la maison-mère ».

Figure 1 – Jument et son poulain

La race percheronne est présente sur tous les continents avec des stud-books ou associations d’éleveurs aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni (Figure 2) et en Argentine, ainsi qu’avec des extensions du stud-book percheron français dans plusieurs pays européens, notamment en Europe centrale. Il n’existe pas de chiffres précis récents sur les effectifs. En 2009 on évoque 20 000 percherons dont le plus grand nombre se trouverait aux États-Unis ; viennent ensuite la France, devant le Canada, le Japon, l’Australie, l’Afrique du Sud et l’Allemagne.

Figure 2 – Percherons anglais au labour

Origine et histoire

On suppose des origines arabes à la race percheronne : l’armée battue à Poitiers en 732 aurait abandonné une partie de sa cavalerie dans la grande région, des origines européennes ne seraient pas non plus étrangères à la race. Il faut attendre le début du XIXe siècle pour voir apparaître le mot Percheron comme dénominateur commun aux chevaux dédiés à la traction et originaire de la petite région du Nord de la Loire, entre Île-de-France et Normandie : le Perche aux bons chevaux, avec ses pâturages renommés, de la vallée de l’Huisne

Le savoir-faire des éleveurs et leur travail de sélection ont su répondre aux besoins des utilisateurs qui recherchaient un cheval d’attelage fort tout en restant rapide, tant pour les transports routiers que pour les travaux agricoles. C’est ce type de cheval qui a conquis les Américains engagés dans la conquête agricole de l’Ouest : il fallait de gros moyens de traction pour une agriculture qui se mécanisait mais sans être encore motorisée ! Dans « L’Épopée percheronne », Jean-Léo Dugast rapporte que des milliers de chevaux quittèrent le Perche pour les États-Unis, depuis la seconde moitié du XIXe siècle jusqu’au début du XXe .

En 1910 plus de 3 000 Percherons prirent le rail puis la mer pour rejoindre l’Amérique. Le marché outre-Atlantique reposait sur quelques acheteurs américains amoureux du Percheron pour ses qualités : les Dunham, Ellwood, Singmaster et d’autres, « qui ont fait pleuvoir des dollars sur le Perche ! » (Figure 3). Rosa Bonheur, avec ses peintures, a été une excellente ambassadrice de la race aux États-Unis, au point que sa représentation du Marché aux chevaux figurait dans toutes les bonnes écuries !

Figure 3 – Brillant, importé en 1881 par Durham (journal américain d’époque)

La France aussi avait besoin des Percherons, pour les transports urbains qui se développaient, mais aussi pour les travaux agricoles qui appelaient de gros moyens de traction. En 1894, 15 000 Percherons tiraient les omnibus parisiens et sur les 3 millions de chevaux que la France comptait, le Percheron tenait une place de choix dans les plaines de Beauce et de Brie notamment où les attelages de « Percherons noirs entiers » faisaient la fierté tant des propriétaires que de leurs charretiers.


La machine à vapeur puis le moteur à explosion auront raison de la traction animale, qui s’éteindra lentement, d’abord en ville puis dans les champs, jusque dans les années 1950, que ce soit d’ailleurs pour les chevaux comme pour les bovins de trait. L’orientation viande allait-elle sauver nos races de trait ? Elle n’a pas empêché la chute, mais a permis (grâce notamment aux Haras nationaux, maintenant disparus) la sauvegarde de nos races. Face à de nouveaux besoins, le Percheron a su réagir en allégeant la race, notamment par l’infusion de sang américain avec l’arrivée
en France en 1993 de l’étalon Silver Shadows Sheik.

Les types « trait » et « diligencier »

En fonction de son utilisation, la race percheronne se distingue par deux types de chevaux :

  • l’un, appelé trait mais aussi limonier, orienté vers tous types de travaux, notamment dans les champs et les forêts ;
  • l’autre, plus léger et enlevé, appelé diligencier, destiné à l’attelage de loisir et à l’équitation.

La taille moyenne au garrot est de 1,68 m (dans une fourchette de 1,55 m à 1,85 m) ; le poids moyen va de 500 à 1 200 kg. Les grandes tailles ont la préférence des Français. La robe gris-pommelé est la plus caractéristique et la plus répandue, tandis que la robe noire, plus rare, est recherchée par certains acheteurs, notamment les Allemands. Aux États-Unis, contrairement à la France, on enregistre les robes (rares) rouanne, baie ou alezane. Le Percheron se distingue par son encolure longue et musclée.

Le Percheron aujourd’hui, son utilisation

La stabilité des effectifs, après des années de baisse, est le signe d’un intérêt pour la race percheronne qui reste la troisième race française de trait la plus représentée dans l’hexagone. Attelage pour le travail, le sport, les loisirs, l’équitation, mais aussi la viande, constituent les débouchés pour la race. En 2020, une enquête de la Société des équidés de travail (SFET) portant sur 500 « opérateurs de l’énergie cheval » a fait ressortir une utilisation des chevaux de trait, toute race, de 35 % pour le maraîchage, 27 % pour la viticulture, 15 % pour le travail en forêt, le reste en transports, loisirs et divers.

Initié par la SHPF, officialisé en 2017, le Centre de valorisation du cheval percheron, basé au Haras du Pin, a été repris en 2019 par Traits et ânes de Normandie et renommé Centre de valorisation des équidés normands. Le Centre a pour objectif de préparer pour la vente des chevaux prêts à travailler, notamment Percherons et Cobs ; des chevaux mâles de 2 ans sont achetés par le Centre dans les élevages régionaux, puis revendus dressés à 3 ans. Le prix d’achat en 2023 varie de 2 000 à 4 000 euros pour une revente, et entre 7 000 et 8 000 euros pour un « cheval clef en main ». Les prix ont fortement augmenté face à une demande accrue et à un marché des poulains tiré vers le haut par le Japon. Certains intéressés retiennent d’avance les chevaux.

Environ 20 chevaux sont dressés chaque année par le Centre, auxquels s’ajoutent ceux dressés par les privés. Le Centre démontre, chiffres à l’appui, l’intérêt écologique, voire économique, de l’utilisation du cheval tant dans les champs, vignes et forêts que pour le transport en ville. Son intérêt est cependant combattu par les tenants du moteur et par ceux qui assimilent le travail à de la maltraitance ! Aujourd’hui l’Ademe ne reconnaît pas l’intérêt écologique de l’énergie cheval.

La production laitière

La ferme Chevalait, à Neuville-près-Sées, entretient une écurie de 200 percherons (le plus gros élevage dans cette race en Europe) dont une centaine de juments destinées à la production du lait. Quatre personnes ont en charge l’entretien du cheptel, la reproduction, la traite des juments deux fois par jour durant six mois de lactation, la transformation des produits et leur commercialisation.
Sur les 20 à 25 litres de production journalière d’une jument, 6 à 7 litres partent en laiterie, le reste étant destiné à la nourriture du poulain.
Le lait est pasteurisé et déshydraté pour produire une poudre destinée aux enfants qui supportent difficilement les autres laits.

La Société hippique percheronne française

La SHPF est l’association nationale de la race percheronne fondée en 1883, et agréée par le ministère de l’Agriculture. Cette association est dirigée par un conseil d’administration de 25 membres élus pour 5 ans et représentant les adhérents en fonction de leur nombre dans les régions françaises. Une assemblée générale réunit les adhérents une fois par an.

L’association représente les adhérents auprès des pouvoirs publics et organismes publics et privés. La SHPF organise et oriente la sélection, la diffusion, la commercialisation (vente de chevaux en ligne) et l’utilisation du cheval percheron (conseils personnalisés, informations techniques et sanitaires). Elle tient le livre généalogique (Stud-book) de la race par délégation ministérielle, avec l’appui de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) et son Service d’identification répertoriant les équidés (SIRE). L’association délivre les carnets aux éleveurs.

L’association assure le développement de la race en France et à l’étranger ; elle organise le championnat de France de la race au Haras du Pin, et est partie prenante dans les concours locaux (modèles et allures adultes et poulains, ventes…).

Pour approfondir le sujet consultez aussi