La réforme des retraites agricoles en 4 min chrono !
TNC le 13/03/2024 à 04:46
Bientôt retraités, mais un peu perdus avec la réforme des retraites ? Pour vous, agriculteurs, vous vous demandez ce qu’elle implique comme changements. Et vous souhaiteriez des explications simples et claires par rapport à celles que vous avez pu avoir parfois. Cet article est fait pour vous.
À l’œuvre depuis moins de six mois, la réforme des retraites n’est sans doute pas complètement limpide pour beaucoup d’entre vous, agriculteurs bientôt retraités, et même ceux qui le sont depuis son entrée en vigueur, le 1er septembre 2023. Elle génère pas mal d’interrogations, débats voire inquiétudes car vous ne maîtrisez pas encore tous les points qu’elle comporte et l’ensemble des implications pour les exploitants agricoles. Nathalie Rivière, conseillère protection sociale à la MSA Auvergne, rencontrée au dernier Sommet de l’élevage, dissèque de façon simple, rapide et concrète les éléments clés et les principales évolutions.
Âge légal et nombre de trimestres
La première et ça tout le monde l’a bien compris : l’allongement progressif de l’âge légal de départ et du nombre de trimestres de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Concrètement, les personnes nées après le 1er septembre 1961 voient l’âge légal – 62 ans jusqu’alors – augmenter de trois mois par année de naissance, pour atteindre 64 ans à partir du 1er janvier 1968. « Quelqu’un né le 1er octobre 1961 pourra faire valoir ses droits à partir de 62 ans et trois mois, avec 169 trimestres au lieu de 168 », illustre Nathalie Rivière. L’âge d’annulation de la décote, c’est-à-dire permettant de toucher la retraite à taux plein même lorsqu’on n’a pas le nombre de trimestres exigés, reste lui à 67 ans.
Autrement dit, de manière synthétique et peut-être plus explicite, grâce au tableau ci-dessous, présenté lors de la conférence au salon sur le sujet :
Année de naissance |
Âge légal de départ |
Durée d’assurance en trimestres |
01/01/1961 au 31/08/1961 |
62 ans |
168 |
01/09/1961 au 31/12/1961 |
62 ans et 3 mois |
169 |
1962 |
62 ans et 6 mois |
169 |
1963 |
62 ans et 9 mois |
170 |
1964 |
63 ans |
171 |
1965 |
63 ans et 3 mois |
172 |
1966 |
63 ans et 6 mois |
172 |
1967 |
62 ans et 9 mois |
172 |
1968 et au-delà |
64 ans |
172 |
Source : Ordre des experts-comptables d’Auvergne-Rhône-Alpes
Retraite anticipée pour carrière longue
Le dispositif « retraite anticipée pour carrière longue » (RACP) existe toujours. Les âges de départ anticipé et la durée de cotisation requise ont été adaptés au relèvement progressif de l’âge légal et de la durée d’assurance pour prétendre au taux plein, sachant qu’on peut avancer la date prévue de 2 ans maximum.
La nouveauté : les trimestres, validés au titre de l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et/ou aidants (AVA), sont désormais pris en compte, dans la limite de quatre au total sans répartition fixée entre l’AVPF et l’AVA (deux pour chaque par exemple). Signalons l’existence, désormais, de « quatre bornes d’âge pour pouvoir être bénéficiaire, au lieu de deux (18 et 20 ans) : si on a commencé à travailler avant 16, 18, 20 ou 21 ans », ajoute Nathalie Rivière. Comptent également les versements pour la retraite (VPLR), durant les années civiles où l’assuré était en apprentissage, pour les contrats conclus entre le 1er juillet 1972 et le 31 décembre 2013.
À savoir, concernant la clause de sauvegarde : si leur date de naissance se situe entre le 01/09/1961 et le 31/12/1963, et s’ils sont éligibles au RACP avant la mise en place de la réforme au 1er septembre 2023, les assurés peuvent prendre leur retraite anticipée à compter de cette date, « dans les conditions d’ouverture de droits applicables auparavant », précise l’Ordre des experts-comptables d’Auvergne-Rhône-Alpes au cours de la conférence.
« La liquidation de la retraite se fera alors sur la base du taux plein. En revanche, le calcul sera affecté d’une proratisation tenant compte de l’accélération du rythme d’augmentation de la durée d’assurance exigée pour obtenir le taux plein. Cette disposition est ouverte uniquement sur demande de l’assuré. Pour ceux nés après le 1er janvier 1964, déposant une demande de RACP prenant effet à compter du 1er septembre 2023, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale de 2023 ne prévoit pas de clause de sauvegarde. »
Pour bien comprendre, voir ce tableau récapitulatif :
Année de naissance |
Âge de départ anticipé |
Durée d’assurance en trimestres |
01/09/1961 au 31/12/1961 |
60 ans |
169 trimestres (168 si clause de sauvegarde) |
1962 |
60 ans |
169 trimestres (168 si clause de sauvegarde) |
01/01/1963 au 31/08/1963 |
60 ans |
170 trimestres (168 si clause de sauvegarde) |
01/09/1963 au 31/12/1963 |
59 ans 16 ans 60 ans 18 ans 60 ans, 3 mois 20 ans |
170 trimestres (168 si clause de sauvegarde) |
1964 |
58 ans 16 ans 60 ans 18 ans 60 ans, 6 mois 20 ans |
171 trimestres |
1965 |
58 ans 16 ans 60 ans 18 ans 60 ans, mois 20 ans 63 ans 21 ans |
172 trimestres |
1966 |
58 ans 16 ans 60 ans 18 ans 61 ans 20 ans 63 ans 21 ans |
172 trimestres |
Source : Ordre des experts-comptables d’Auvergne-Rhône-Alpes
En cas d’invalidité, incapacité permanente, handicap, inaptitude
« Pas de changement si invalidité, inaptitude ou allocation adulte handicapé (sans respect de durée cotisée): l’âge est toujours de 62 ans », explique Nathalie Rivière.
Concernant l’incapacité permanente (rente AT/MP), c’est maintenant une question de taux. « Si est supérieur à 20 %, l’agriculteur peut faire valoir ses droits dès 60 ans, indique-t-elle. En dessous (entre 10 et 19 %, ndlr), seule une anticipation de 2 ans par rapport à l’âge légal est possible », avec accord de la Commission pluridisciplinaire.
Ce qui signifie concrètement, comme le résume le tableau suivant :
Année de naissance |
Âge de départ |
01/09/1961 au 31/12/1961 |
60 ans et 3 mois |
1962 |
60 ans et 6 mois |
1963 |
60 ans et 9 mois |
1964 |
61 ans |
1965 |
61 ans et 3 mois |
1966 |
61 ans et 6 mois |
1967 |
61 ans et 9 mois |
1968 et plus |
62 ans |
Source : Ordre des experts-comptables d’Auvergne-Rhône-Alpes
Pour ce qui est du handicap, l’âge minimal de départ demeure 55 ans, « sous condition de durée cotisée, à la place des trimestres validés, et de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) avec des modalités allégées, indique l’Ordre des experts-comptables Aura. Sous décision de la commission handicap gérée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), le seuil d’éligibilité peut être abaissé de 80 à 50 %, avec une validation rétroactive de trimestres en situation de handicap. »
Retraite progressive
Elle peut s’envisager 2 ans avant l’âge légal dès lors 150 trimestres ont été cotisés. Celui-ci suit l’accroissement instauré par la réforme, comme le détaille ce tableau :
Année de naissance |
Âge de départ |
01/09/1961 au 31/12/1961 |
60 ans et 3 mois |
1962 |
60 ans et 6 mois |
1963 |
60 ans et 9 mois |
1964 |
61 an |
1965 |
61 ans et 3 mois |
1966 |
61 ans et 6 mois |
1967 |
61 ans et 9 mois |
1968 et plus |
62 ans |
Source : Ordre des experts-comptables d’Auvergne-Rhône-Alpes
Pension de retraite
La revalorisation des petites pensions fait partie de la réforme des retraites. Cela se traduit par une hausse du montant de la pension majorée de référence (PMR) et des plafonds de ressources pour son attribution, à respectivement 847,57 €/mois (+ 100 €/mois comparé à janvier 2023) et 1 061,08 €/mois, pour les pensions des non-salariés agricoles (NSA) liquidées à compter du 1er septembre 2023. L’Ordre des experts-comptables Aura rappelle : « La majoration potentielle correspond au montant différentiel entre la PMR de l’assuré, au prorata de sa carrière NSA, et la somme des pensions de retraite NSA. »
Majoration pour enfant(s)
Sont octroyés, par enfant, 4 trimestres pour la grossesse et 4 trimestres pour l’éducation, « même s’il décède avant quatre ans alors qu’avant, il fallait l’élever au moins 9 ans au cours des 16 premières années », note Nathalie Rivière. Dans le second cas, un partage peut s’envisager avec le conjoint et doit être demandé avant les trois ans de l’enfant.
Ce qui est nouveau : la suppression de la majoration de durée d’assurance pour enfants (MDAE) et bonification pour enfants pour « les personnes privées de l’exercice de l’autorité parentale ou auxquelles celle-ci a été retirée par décision de justice au cours des quatre premières années de l’enfant ou du juge pénal même après son 4e anniversaire suite à une condamnation pour crimes ou délits commis à l’encontre de l’enfant », (violence, maltraitance) annonce l’Ordre des experts-comptables Aura. « Dans ce cas, les trimestres alloués au parent condamné, dont la pension n’est pas liquidée, sont attribués à l’autre parent, s’il n’a pas fait lui aussi l’objet d’une condamnation. Cette mesure est applicable aux privations et aux retraits prenant effet à compter du 1er septembre 2023. »
Retraite complémentaire
La modification porte ici sur les droits gratuits pour la retraite complémentaire obligatoire (RCO) et le complément différentiel de retraite complémentaire obligatoire (CDRCO) à laquelle ont droit, depuis la réforme, « les agriculteurs remplissant l’une des conditions pour bénéficier du taux plein d’office » et plus seulement ceux ayant une retraite liquidée à taux plein (avec tous les trimestres requis). « Cela s’applique aux entrées en jouissance au 1er septembre 2023 et aux assurés dont les pensions ont pris effet avant cette date. »
Cumul emploi/retraite
Pour rappel, il s’agit de la possibilité de cumuler une pension de retraite complète et des revenus professionnels, et donc de pouvoir poursuivre ou reprendre un emploi rémunéré une fois retraité. « Jusqu’alors, la liquidation d’une première pension cristallisait les avantages vieillesse », appuie l’Ordre des experts-comptables Aura. « Depuis le 1er septembre dernier, l’exercice d’une nouvelle activité – quelle qu’elle soit pour les conjoint(e) s et aides familiaux, hors sol pour les chef (fe) s d’exploitation – ouvre de nouveaux droits à pension », mais une fois seulement. Il faut donc effectuer une 2e demande de retraite à l’arrêt définitif de toute activité professionnelle.
Pension de réversion
« Il y a une incidence sur la pension de réversion du conjoint survivant si l’assuré décédé, né après le 1er septembre 1961, n’avait pas liquidé ses droits à la retraite », pointe l’Ordre des experts-comptables Aura. Elle est alors calculée « à partir du nombre de trimestres requis dans le cadre de la réforme ». S’il est déjà retraité, ses dates de naissance et de départ effectif n’impactent pas.
Vu tout ce qui vient d’être cité, il est vraiment important d’anticiper et préparer sa retraite. L’une des premières choses à faire est de déterminer votre âge de départ. Pour cela, vous pouvez, dès 50 ans, contacter la MSA.