L’élevage perd plus de femmes que d’hommes
TNC le 08/03/2024 à 07:17
Une population agricole qui se masculinise, de moins en moins de filles d'exploitant(e)s qui choisissent le métier de leurs parents, des productrices plus âgées que les producteurs, davantage d'installations féminines... Ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes est l'occasion de partager quelques chiffres sur les agricultrices, et les éleveuses en particulier, issus d'un webinaire du Gis Avenir Élevage, dont certains sont peu souvent évoqués.
Près de 60 000 cheffes d’exploitation
Selon les statistiques MSA les plus récentes (2022), sur 118 841 actives non-salariées agricoles toutes filières confondues, animales et végétales, 14 987 sont conjointes collaboratrices et 103 854 cheffes d’exploitations ou coexploitantes. 86 % de la population agricole féminine a donc le statut de cheffe d’exploitation, contre 98 % chez les hommes.
L’élevage, plus spécifiquement, regroupe 12 000 conjointes collaboratrices et 59 000 cheffes d’exploitation. 45 % des fermes de ce secteur comptent au moins une cheffe d’exploitation ou une coexploitante.
55 % des femmes en agriculture travaillent en productions animales sur la période 2019-2022, 15 % en bovins lait et 11 % en bovins viande. 28, 5 % des non-salariés agricoles en élevage sont des femmes, soit un point de plus qu’en agriculture en général.
Un exode agricole féminin
Si la part de cheffes d’exploitation progresse dans le secteur agricole, de 8 % en 1970 à 24 % en 2022, le pourcentage total de femmes a, lui, baissé nettement en quatre décennies : elles représentaient 38 % des 1,7 million de producteurs en activité au début des années 1980 contre 25 % des 400 000 qui subsistent aujourd’hui, d’après l’Insee. Autrement dit par Christophe Perrot, du service économie et territoire de l’idele : « En 40 ans, nous avons perdu 70 % des agriculteurs et 80 % des agricultrices. »
« Un exode agricole féminin, puisque la population agricole diminue et qu’il y a de plus en plus d’hommes », pointe-t-il, reprenant les mots de la sociologue Alice Barthez, alors que, dans le même temps, le salariat s’est féminisé (10 % en 1970 versus 26 % en 2010) avec davantage de précarité cependant pour les femmes.
En d’autres termes : dans les années 80, 1 femme active sur 14 était agricultrice (1 homme sur 13) ; actuellement, ce n’est plus que 1 femme sur 121 (1 homme sur 45) et même 1 femme sur 275 pour les moins de 40 ans (1 homme sur 80). L’illustration chiffrée que « les jeunes actives s’éloignent de plus en plus du métier d’agricultrice », appuie Christophe Perrot.

Crise des vocations chez les filles d’exploitant(e)s
Autre donnée intéressante de l’Insee, aussi rarement évoquée : à 37 % en 1977, le pourcentage de fils d’agriculteurs devenus agriculteurs se stabilise depuis les années 90 autour de 25-30 % contrairement à celui des filles, d’exploitants comme d’exploitantes, exerçant le métier de leurs parents, qui a chuté de 40 % en 1977 à 5-7 % en 2020.
« Cet exode féminin, poursuit l’expert, est très marqué en élevage, laitier particulièrement. En 1980, la part de femmes y était élevée par rapport aux autres filières et maintenant, c’est l’inverse : depuis 2019, le nombre d’éleveuses de vaches laitières a diminué de 14 % et celui de bovins mixtes de 17 %.
Double déséquilibre démographique
En regardant la pyramide des âges des éleveurs et des éleveuses du recensement agricole Agreste de 2020, on remarque « un double déséquilibre démographique en défaveur des jeunes et des femmes ». Sur l’ensemble des productions, elles sont plus âgées que leurs homologues masculins. Ainsi, 51 % des cheffes d’exploitation ont plus de 55 ans et 32 % plus de 60 ans, comparé à 41 et 23 %. En outre, seuls 19 % des éleveurs de moins de 40 ans sont des femmes.
À noter : les femmes privilégient les secteurs qui se renouvellent et avec davantage d’installations hors cadre familial, comme les ovins et les caprins. Sachant que, quel que soit l’atelier, il y a plus d’installées HCF que d’installés, surtout chez les plus jeunes, à part en bovins et ovins viande. Les éleveuses sont plus attirées par les petites fermes, en Gaec et en agriculture biologique, avec transformation et/ou en circuits courts. La production bovine allaitante les tente peu.
Plus de femmes chez les jeunes installés
Enfin, la proportion de femmes est plus importante chez les jeunes qui s’installent qu’ensuite : + 10 % (+ 8 % en vaches laitières et + 11 % en allaitantes) (source MSA et SPIE-BDNI). « Un appel d’air lié à la transparence, depuis 2014, des Gaec entre époux, analyse le spécialiste.
Ces installations féminines en élevage sont à la fois plus tardives, les carrières plus courtes, donc le turn-over plus rapide. » 40 % se font sans DJA, soit deux fois plus que pour les jeunes éleveurs dans leur ensemble. 44 % des installées n’ont pas de diplôme agricole (contre seulement 15 % des installés).