Bovins lait et viande

Être éleveur fait-il toujours rêver les jeunes ?


TNC le 27/02/2024 à 06:30
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Et vous, qu'en pensez-vous ? Exprimez-vous en commentaires. (© Iakov Filimonov, Adobe Stock)

Six jeunes éleveurs ou étudiants en productions animales répondent à la question.

« Être éleveur fait-il rêver les jeunes ? » : cette interrogation est légitime vu les difficultés du secteur depuis des années, et la colère actuelle des agriculteurs à l’origine des manifestations agricoles de début 2024. Pas assez de revenu et de reconnaissance, trop de travail, de charges, de normes, de paperasse, de critiques… comment en effet susciter des vocations ?

Déjà qu’il est difficile de garder les producteurs en place. En 13 ans, les Pays de la Loire par exemple, où se tient chaque année Tech’Elevage, ont perdu 8 000 emplois dans la filière et 10 000 chef(fe)s d’exploitation, la tendance étant similaire un peu partout en France. Et si l’on questionnait les principaux interessés, les jeunes éleveurs ou étudiants dans ce domaine ?

Six ont été interrogés, sur leurs aspirations et leurs craintes, lors d’une table ronde sur le salon : Rodolphe, installé en 2019 à 21 ans en bovins viande et volailles (après un bac pro CGEA); Virginie, en 2022 à 29 ans en vaches laitières et porcs (sa formation : un bac techno, un BTS Acse en apprentissage et une licence pro productions animales) ; puis Théotim et Antonin en BTS Acse, Clara en BTS PA et Clément en Bac pro CGEA. Tous passionnés d’élevage.

Ce qui plaît dans le métier d’éleveur ?

« Le contact avec les bêtes », répondent-ils d’une même voix. Comme avec « la nature », ajoutent certains, le « travail en extérieur » étant aussi mis en avant. Virginie aime particulièrement la production laitière et « voir les vaches dehors ». Quant à Antonin, il ne s’imagine pas « travailler autrement qu’avec le vivant ».

Pour Rodolphe, « faire naître et élever un animal est un défi à relever » en raison « des embûches » que l’on peut rencontrer, les maladies notamment. Un défi stimulant car « quand il y a un résultat au bout, on est satisfait et prêt à recommencer », explique-t-il. Antonin, lui, évoque « l’entretien du patrimoine paysager » et en particulier celui du « bocage », qui lui sont chers, autant que la place que les bovins allaitants y occupent.

Faire naître et élever un animal, un défi à relever.

Plusieurs d’entre eux apprécient la liberté dont les éleveurs disposent : « liberté d’organisation », mais aussi de « décision concernant les productions, les pratiques », complète Virginie, etc. « Pouvoir adapter mon temps de travail, mes horaires », détaille Rodolphe, qui est lui aussi heureux d’être son « propre patron ». « Se sentir libre dans ce qu’on fait », résume Clément. « Malgré les réglementations » à respecter, rappelle Virginie. « Produire de la qualité » revient également à trois reprises.

Clara se destine plutôt à accompagner les producteurs, mais ses motivations rejoignent celles déjà citées : en exerçant le métier de conseillère, elle espère « les aider à élever leurs animaux, à réussir à produire ce qu’ils ont envie de produire, à réaliser des projets qui fonctionnent bien ». Ce qui motive Théotim, pourtant encore en étude, est relativement technique : « la génétique, l’optimisation des rations, de la production, la gestion des stocks. » L’absence de routine lui convient. « Jamais deux années ne se ressemblent ! », lance-t-il.

Rebutés par charge de travail et astreintes ?

Les contraintes du travail en élevage ne gênent pas Rodolphe « du moment que les résultats technico-économiques suivent ». Il ne nie pas devoir être sur le pont, tous les jours, « pour soigner les bêtes ou simplement vérifier que tout va bien », ni la fatigue le soir. « Ne pas être pas en couple » est plus simple, reconnaît-il, puisque « personne ne m’attend ».

Le jeune homme insiste  : il importe de dégager du temps pour soi, pour ses autres passions. « Cela permet de s’évader. Même si le métier plaît, on a besoin s’ouvrir à autre chose, de se libérer de la pression. » Alors il prend une heure, chaque mercredi matin, pour un cours d’accordéon.

Après le départ en retraite de son frère, le père de Théotim a arrêté le lait et réorienté l’exploitation vers les cultures, en introduisant des productions spécialisées telles que le tournesol, les haricots verts… pour réduire la charge de travail. Le lycéen, au départ intéressé que par l’atelier laitier, a « découvert un autre univers passionnant et moins prenant, avec un meilleur équilibre vie pro/vie perso ».

Il n’abandonne pas pour autant ses premières amours. « Remettre de l’élevage dès l’installation serait trop compliqué, mais pourquoi pas plus tard si une opportunité de reprise se présente, avec des bâtiments adaptés. Ça me plairait vraiment ! » 

Quelle vision de l’avenir ?

L’image négative de l’élevage, que montrent en particulier les médias, préoccupe les jeunes. « Ce dénigrement est facile et pas représentatif de la majorité des éleveurs », déplore Clément qui y a été confronté, pas personnellement mais de près, L214 ayant sévi chez l’un de ses voisins.

Il reste néanmoins positif : « Faut se protéger, ne pas se démotiver, s’en servir pour avancer et grandir. » Antonin est sur la même longueur d’onde, malgré la situation de l’agriculture, « triste dans son ensemble ». « Des exploitants essaient de se battre, c’est motivant ! », s’exclame-t-il.

Voir le contexte comme autant de challenge.

Il revient sur les critiques de la société et le rôle des réseaux sociaux pour les contrer, grâce aux « agri-influenceurs » qui servent de role models, car « on ne peut pas toujours faire venir du public sur les exploitations ». Essayer de combattre l’agribashing, de limiter le réchauffement climatique est plutôt de nature à stimuler Virginie. Il s’agit de « trouver comment s’adapter aux changements », même si cela implique « beaucoup d’essais et des déceptions ».

Et Clara de conclure, toujours en lien avec son regard de technicienne : « Le climat, la réduction des intrants… il faut voir le contexte comme autant de challenges techniques. » Pour elle, « travailler en élevage a du sens ». Alors, c’est certain, être éleveur attire toujours les jeunes, à défaut peut-être de les faire rêver. Ils ont plein d’idées en tête, de défis à relever, et n’ont pas tant que ça peur de l’avenir.