Vœux de l’AGPB

Les céréaliers prêts « à descendre dans la rue » face aux surtranspositions


TNC le 18/01/2024 à 10:12
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effet ciseau pour les céréaliers en 2023 (© © TNC)

Malgré les rendements corrects, les revenus des céréaliers sont au plus bas en raison de la hausse des charges, et l’année 2024 ne s’annonce pas forcément meilleure compte tenu des aléas climatiques qui ont perturbé les semis de blé. Dans ce contexte, la réglementation qui ajoute des difficultés « franco-françaises » à l’activité agricole s’avère d’autant plus inacceptable pour l’AGPB, qui appelle à manifester.

« L’effet ciseau, on est en plein dedans », pour Philippe Heusèle, secrétaire général de l’AGPB. Les rendements corrects, malgré un été climatiquement compliqué en 2023, n’ont pas permis de compenser la forte hausse des coûts de production. Les coûts d’intermédiation, notamment, sont grimpés en flèche, rendant le prix au départ de la ferme « largement en dessous des coûts de production », explique le céréalier.

Leffet ciseau pour les céréaliers en 2023 (© AGPB)

Au final, seuls 10 % des producteurs de l’Otex 15 (qui englobe les producteurs de grandes cultures sans les cultures spécialisées) « ont un revenu confortable », « 90 % vont ramer » et surtout un tiers ont des revenus négatifs, indique l’AGPB, chiffres à l’appui.

Résultat courant par actif non salarié des céréaliers (© Agreste/Rica, traitement Arvalis)

Environ 500 000 ha de blé tendre vont manquer

Et l’année 2024 ne commence pas sous les meilleurs auspices, les pluies et inondations de la fin d’année ayant eu des répercussions sur les cultures et sur les semis. Difficile, pour Eric Thirouin, de donner une estimation précise, mais l’on peut compter aujourd’hui « entre 10 et 20 % de surfaces non semées » ou qui ne donneront rien car semées dans de trop mauvaises conditions, soit 500 000 hectares de blé tendre en moins par rapport à la moyenne, indique le président de l’AGPB.

Cette situation engendre deux inconnues : sur les semences supplémentaires (probablement orge ou maïs) qui seront nécessaires au printemps sur les parcelles non semées en hiver, mais aussi sur la récolte, compte tenu aussi des conditions de désherbage dégradées, dans un contexte de disparition des solutions phytosanitaires.

Ecophyto : une logique de « machine à baffes »

C’est bien là l’un des principaux sujets de colère des céréaliers, car si le président de la République a promis « de ne pas mettre les agriculteurs dans une impasse », force est de constater que, dans les faits, les interdictions de molécules se suivent sans solution alternative pour les producteurs. Le président de l’AGPB s’agace surtout des surtranspositions françaises, à l’image de la feuille de route Ecophyto 2030 et de l’indicateur choisi, le Nodu (nombre de doses unités), qui mesure le nombre de traitements ou passages réalisés sans prendre en compte la concentration du produit utilisé. Il serait plus cohérent, souligne l’AGPB, de mesurer le risque associé à la quantité de substance utilisée. Car forcément, moins les solutions sont efficaces, plus les passages seront fréquents, faisant augmenter le Nodu. « C’est une logique de machine à baffes », dénonce Eric Thirouin.

Ce dernier entend « appeler les céréaliers à descendre dans la rue pour demander de la cohérence entre le discours du président de la République et la réalité des faits ». Le plan Ecophyto n’est en effet pas le seul exemple de surtransposition : le président de l’AGPB évoque ainsi la BCAE 2 de la Pac et le zonage des tourbières et zones humides.

« Dans les autres États membres, ce zonage impacte 0,3 % de la surface agricole utile. En France, ce qui est sur la table concernerait 29 % de la SAU. On est 100 fois plus surtransposés ! », dénonce-t-il. La faute notamment aux « zones humides probables » qui, dans les faits, engloberaient l’essentiel des plaines…

Élections européennes, Pac et place de l’Ukraine

Enfin, l’AGPB se prépare également à interroger les candidats aux élections européennes autour de plusieurs enjeux : la compétitivité au regard de la durabilité de l’agriculture, le rôle de l’innovation, le budget de la Pac, mais aussi l’intégration de l’Ukraine. Poids lourd de la production céréalière, le pays peut représenter une « opportunité » pour l’Union européenne, notamment pour peser face à la puissance céréalière russe, à condition que la politique agricole européenne soit réellement commune, avec les mêmes règles pour tous. « Sinon, ce sera une catastrophe pour nos agricultures européennes », redoute Philippe Heusèle. Le prochain congrès du syndicat se tiendra d’ailleurs à Strasbourg fin mai, en lien avec les enjeux européens.