40 ans du Cedapa

« J’ai moins de rendement mais plus de revenu grâce au pâturage »


TNC le 13/12/2023 à 05:01
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Yannis Collet est éleveur laitier à Plumieux (Côtes-d’Armor). (© TNC)

Le Cedapa a fêté ses 40 ans. Une longévité qui donne envie d’aller voir de plus près la manière de travailler de ses adhérents. Rencontre avec Yannis Collet, éleveur laitier à Plumieux (Côtes-d’Armor), membre de l’association depuis 2017.

Sept hectares accessibles de plus. C’est ce qui a amené Yannis Collet, éleveur laitier à Plumieux (Côtes-d’Armor), à remettre en cause sa manière de travailler. Installé en 2006, après son père, sur 48 hectares, il a dans un premier temps continué sur le même mode, avec un système maïs et pâtures.

L’exploitation de Yannis Collet en chiffres

SAU : 56 hectares

Référence : 323 000 litres

47 vaches et la suite

Coût alimentaire : 74,95 € pour 1000 litres

EBE : 361 € pour 1000 litres

Marge sur coût alimentaire : 377 € pour 1000 litres

C’est la possibilité d’agrandir sa SAU avec sept hectares attenant à son bâtiment qui révolutionne sa manière de penser son travail. Avec un impératif : faire avec ce qu’il avait, ne pas réaliser d’investissement excessif et maîtriser ses coûts.

« Mon objectif était d’augmenter la part de pâturage, sans alourdir ma charge de travail, se souvient-il. Mais je ne savais pas très bien comment m’y prendre ». Pour y voir plus clair, il sollicite l’aide du Cedapa. Celui-ci lui propose de faire un tour d’herbe, afin d’estimer les stocks et les possibilités, ainsi qu’un suivi sur un an, pour élaborer un calendrier de pâturage.

Fermer le silo au printemps

Sur le conseil du technicien qui l’a accompagné, Yannis réorganise ses parcelles, amène l’eau et aménage des chemins. Parallèlement, la part d’herbe dans la ration des vaches augmente et celle de maïs diminue. « J’ai monté une grosse marche lorsque j’ai décidé de fermer mon silo au printemps, raconte Yannis. Mais j’ai été rassuré lorsque j’ai vu que ça marchait et qu’il y avait une amélioration d’année en année. Les réunions de groupe ont aussi contribué à me conforter dans ma démarche ».

Six ans plus tard, Yannis est rodé. Les vaches pâturent en paddocks, au fil avant. Pendant les périodes de forte pousse, il débraye des parcelles pour la fauche. Et grâce à une bonne portance des sols dans ses parcelles, les vaches profitent du pâturage jusqu’à décembre.

Une ration avec le plus d’herbe possible

Le fondement de la ration de Yannis Collet est d’accorder la plus grande part possible à l’herbe. Les parcelles sont déprimées à partir du 15 février. Elles entrent à 12 cm et sortent à 5 cm, pour donner de la lumière au trèfle.

Le silo de maïs est en libre-service. Il est fermé dès que la pousse de l’herbe est suffisante, généralement à la mi-mars et jusqu’à début août, même en année sèche. Le pâturage se fait au fil avant, dans des paddocks de quatre à cinq jours. Les vaches entrent dans la parcelle à environ 15 cm de hauteur et sortent à 7-8 cm. Elles ne retournent pas sur les parcelles pâturées après le 15 juillet mais, pour toutes les autres, un retour est possible, selon les circonstances. Chaque parcelle est en revanche laissée au repos sept à huit semaines chaque année.

En août, le silo est rouvert et les vaches consomment en général 5 kg de maïs par jour, avec de l’enrubannage. Elles profitent enfin de la repousse de l’herbe à partir de septembre et jusqu’à décembre. En plein hiver, elles reçoivent une ration moitié maïs – moitié enrubannage. Elles vont pâturer si la portance des sols le permet, parfois juste une heure par jour.

Durant l’hiver, un concentré est distribué : 1,2 kg de correcteur par vache. Pas de VL ni de céréale.

MAEC 28 – 55

Parallèlement à la mise en place de ces modifications, le Cedapa propose à Yannis de se pencher sur les MAEC. « Nous nous sommes rendu compte que j’étais déjà presque dans les clous, se souvient-il. J’ai donc signé une MAEC 28-55. C’est une démarche un peu inquiétante mais une fois que c’est acté, on se rend compte que c’est faisable ».

Si cette évolution a entraîné une baisse de la moyenne de production laitière, ainsi que des rendements en céréales, elle a surtout permis une augmentation du revenu engendré par l’élevage. Autre conséquence : Yannis a pu embaucher. Il y a deux ans, un apprenti est venu le rejoindre sur l’exploitation. « Cela m’a permis de me tester en tant qu’employeur », explique Yannis. L’expérience est concluante. Si bien qu’à la fin du contrat, il enchaîne avec l’embauche d’une autre personne, 20 heures par semaine. « Économiquement, ça passe largement, commente-t-il. Je crée de l’emploi et j’y gagne en qualité de vie ».

Redorer l’image de l’élevage laitier

Aujourd’hui, Yannis est en rythme de croisière avec un système pâturant qui lui convient. « Mon exploitation est cohérente, résiliente et en accord avec mes convictions, explique-t-il. Il va dans le sens de l’agroécologie, qui s’impose. Il ne s’agit pas de faire du volume à tout prix. Je veux montrer qu’il est possible de bien vivre avec un système simple. Je privilégie le bien-être au travail, j’ai envie de montrer qu’il y a des agriculteurs heureux et de redorer notre image ».

Une de ses motivations est désormais d’avoir un outil à transmettre, dans une quinzaine d’années. « Pour moi, il est important d’attirer les jeunes, de leur montrer que ces systèmes simples sont attractifs et plein d’avenir. Et enfin, de les installer dans de bonnes conditions. Ils doivent pouvoir vivre de leur travail », conclut-il.

40 ans d’histoire

Le Cedapa a été fondé en 1982 par André Pochon et six de ses confrères. La création de cette association est l’aboutissement d’un travail de réflexion autour des techniques de production. En élevage laitier, il s’agit de produire le plus possible avec du pâturage sur des prairies à base de trèfle blanc. A cette époque, la tendance était à l’intensification et au maïs ensilage ; la démarche allait donc à contre-courant. Le succès de ce modèle a poussé l’Inra à développer plusieurs programmes de recherche autour des systèmes qui privilégient le pâturage.

L’histoire du Cedapa égrène également des actions militantes pour que les systèmes herbagers puissent percevoir des aides de la Pac au même titre que les autres. L’aboutissement de cette histoire se concrétise dans des MAE spécifiques. Une grande part de son travail consiste aussi à organiser des formations et des voyages d’étude destinés aux agriculteurs et à animer des groupes de travail. Plus généralement, le Cedapa accompagne des agriculteurs qui souhaitent aller vers des systèmes plus herbagers.