Guerre en Ukraine : « s’adapter aux flux de colza » qui arrivent de l’Est
TNC le 04/12/2023 à 10:30
Production, flux d’importation lié à la guerre en Ukraine, déploiement du Green deal et de la planification écologique : Benjamin Lammert, président de la Fop et de Terres univia, revient sur l’année 2023 pour la filière oléoprotéagineuse française et anticipe 2024.
« Il y a un choc majeur sur les marchés européens avec la guerre en Ukraine : un choc sur les prix mais aussi un choc sur les flux de matière », rapporte Benjamin Lammert, président de la Fédération des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (Fop) et de l’interprofession Terres univia, interviewé le 30 novembre à l’occasion des rencontres Oléopro.
Il explicite cette « inversion des flux » constatée en 2023 : alors que le Nord-est de la France avait « traditionnellement l’habitude d’exporter du colza vers l’Allemagne via la Moselle et via le Rhin », il voit désormais arriver du colza depuis l’Allemagne, « poussé par des colzas d’origine ukrainienne qui déstabilisent complètement les marchés et les flux logistiques ».
Comment faire face à cette « réalité inédite », qui va « avoir un impact sur les flux de matière et sur les prix » ? « Il va falloir s’y adapter », reprend Benjamin Lammert : « on cherche à contrôler et comprendre ce qui se passe, et surtout à pouvoir transformer un maximum des graines (en tourteaux, en huile, en biocarburants) pour qu’elles ne viennent pas peser sur le marché », cela grâce aux outils industriels présents sur le territoire français qui « permettent d’absorber une grande partie de ces productions ».
Du point de vue de la production, le président de la Fop dresse par ailleurs un bilan « plutôt mitigé » de l’année 2023 pour les oléoprotéagineux : de « bons rendements », de « bons résultats » et « des prix relativement élevés » pour le tournesol ; des soucis en colza en raison des prix des engrais, « très élevés à l’achat ».
Côté protéagineux, malgré « des conditions d’implantation plutôt bonnes », la situation s’est « dégradée dans beaucoup d’endroits en France » et les rendements sont « parfois très décevants chez certains producteurs ».
Les surfaces de soja se sont stabilisées, mais on note « des baisses de rendements très fortes dans certaines régions, notamment du Sud-ouest », en raison d’attaques de ravageurs d’une ampleur inédite.
Le représentant de la filière revient aussi sur une année 2023 « très forte en termes d’agenda européen », avec la concrétisation du Green deal et son objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Cela « augure d’une année 2024 très lourde en termes d’adaptation réglementaire » : « les objectifs très ambitieux du Green deal seront très compliqués à atteindre » et il faudra « plus de pragmatisme pour pouvoir mettre en œuvre ces politiques de manière raisonnable et atteignable pour les agriculteurs ».
Quant à la planification écologique lancée par le gouvernement français, il plaide là aussi pour le pragmatisme : la filière « s’inscrit pleinement dans l’anticipation de l’avenir et dans une vision de planification, maintenant il faut voir ce qu’on met dedans ».
De préciser : « Les aspects de décarbonation, de souveraineté en protéines, de souveraineté énergétique, de transition écologique, d’impact sur la réduction des produits phytosanitaires ne peuvent pas être traités en silo. On souhaite mettre en place avec les pouvoirs publics un contrat de filière qui reprenne ces éléments et, surtout, leur donne de la cohérence et puisse les rendre opérationnels ».
Les rencontres Oléopro se tenaient à Montrouge (92) le 29 novembre. L’occasion pour les quatre piliers de la filière oléoprotéagineuse – la Fop, Terres univia, l’institut technique Terres inovia et le groupe industriel Avril – de réunir ses acteurs et partenaires autour du thème « Europe, international : quels défis pour la filière des huiles et protéines végétales ? ».