Une abstention critiquée de tous bords
TNC le 17/10/2023 à 12:30
Pour des raisons diamétralement opposées, certains acteurs du monde agricole ont vivement contesté l’abstention de la France lors du vote à l’initiative de la commission européenne sur la reconduction de l’usage du glyphosate pour dix années supplémentaires et fustigé le « manque d’ambition » de l’exécutif.
En faisant le choix de l’abstention, la France a fait pencher la balance en faveur d’un second vote au mois de novembre, en comité d’appel, sur la reconduction pour dix ans du glyphosate. Fondamentalement opposés sur l’issue de ce vote, l’AGPB et la Confédération paysanne dénoncent néanmoins cette position et exhortent l’exécutif à « prendre ses responsabilités ».
Un abandon des agriculteurs, selon l’AGPB
« La France renvoie la balle à Bruxelles et s’épargne ainsi une décision franche et claire. Une position qui abandonne, une fois de plus, les agriculteurs en rase campagne faute de courage et de vision politique claire. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et assumer des décisions franches ! » rétorque Eric Thirouin, président de l’AGPB.
Les céréaliers, convaincus du bien-fondé du vote du renouvellement du glyphosate sur la base de la proposition de la commission européenne, ont affiché leur détermination à convaincre l’exécutif de se rallier à ce projet. « Faute de majorité qualifiée, un second vote aura lieu au mois de novembre : plus que jamais, nous poursuivrons notre mobilisation pour convaincre et remettre le bon sens au centre de la réflexion gouvernementale », annonce l’association des producteurs de blé.
La Conf’ regrette le manque d’ambition du gouvernement
« La France s’est abstenue. Cette position est un recul par rapport à l’interdiction décidée par le Président Emmanuel Macron lors de son premier mandat. Reste que la France peut encore faire preuve d’ambition et se prononcer contre le renouvellement lors du deuxième vote annoncé pour la mi-novembre », défend la Confédération paysanne.
La position du syndicat est sans ambiguïté sur le sujet. Elle dénonce le recours au glyphosate, « substance classée en 2015 comme cancérogène probable par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé et symbole du développement de l’agriculture industrielle et de l’élimination des paysans ».
Le prolongement de l’usage de cet herbicide nuirait par ailleurs au développement des alternatives, d’après l’organisation syndicale, tout en conditionnant le développement des « OGM, anciens comme nouveaux, dont la majeure partie est créée pour résister aux herbicides. »
Les motifs de l’abstention
« Nous avons choisi de nous abstenir. La proposition de la Commission européenne ne convient pas à la France. Pas parce que nous sommes hostiles au glyphosate sur le fond, ce n’est pas le cas, mais parce qu’elle ne correspond pas à la trajectoire de réduction des usages que nous avons engagée depuis 2017. La Commission européenne propose une reconduction des homologations du produit sans imposer de réelles restrictions, cela ne nous satisfait pas », s’était expliqué Marc Fesneau, au sujet de l’abstention de la France.
Le ministre de l’agriculture défend une position intermédiaire en refusant de valider une proposition de la commission non conforme aux usages en vigueur en France, où l’usage de glyphosate a été réduit de 27 % en 2022, par 2015-2017, tout en reconnaissant la nécessité de l’usage de la molécule en l’absence d’alternatives dans le cas des zones montagneuses ou de l’agriculture de conservation des sols.
Un projet de résolution porté par trois groupes du Parlement européen sera débattu en commission environnement avant le second vote en comité d’appel. Le parti socialiste, les écologistes et le groupe de la gauche au Parlement européen exigent le retrait de la proposition de renouvellement du glyphosate, dont les effets des traces dans l’organisme ne seraient pas suffisamment documentés et ne respecteraient « ni le principe de précaution ni les critères d’approbation posés dans la législation européenne », selon les propos rapportés par nos confrères de Contexte. L’arbitrage sur le renouvellement du glyphosate doit intervenir d’ici le 14 décembre, la veille de l’expiration de l’autorisation de la molécule.