Sécheresse

La recharge des nappes phréatiques retardée, 2024 déjà compromise ?


AFP le 12/10/2023 à 16:05
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La recharge des nappes pourrait intervenir plus tardivement cette année et impacter la situation de l'année 2024. (© inkflo de Pixabay)

Les nappes phréatiques françaises, en souffrance depuis plusieurs mois, continuent de pâtir de l'inhabituelle chaleur automnale et de pluies insuffisantes : leur période de recharge, qui traditionnellement débute en septembre, est retardée et reste encore « très incertaine » pour octobre, suscitant déjà des inquiétudes pour 2024.

Au 1er octobre, 66 % des nappes métropolitaines étaient encore sous les normales, une situation légèrement plus dégradée qu’à la fin août (62 % sous les normales), a annoncé jeudi le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), chargé de la surveillance des principales réserves d’eau potable métropolitaine.

« Les orages de mi-septembre ont été peu efficaces pour la recharge des nappes » et par conséquent « la situation se dégrade entre août et septembre », indique l’organisme public, notant que 18 % de ses points d’observation restent à des niveaux très bas.

Néanmoins « la situation est globalement plus favorable que celle observée l’année dernière, en septembre 2022, où 74 % des niveaux étaient mesurés sous les normales », souligne le BRGM dans son bulletin mensuel.

Période charnière

La situation est toutefois plus contrastée. Les pluies tombées par endroits au printemps et cet été ont permis de recharger en partie certaines nappes. C’est le cas sur certaines parties du littoral, de la Seine-Maritime au Pas-de-Calais ou de la façade Atlantique.

En Charente, dans le Massif Central et le sud-est, les pluies survenues mi-septembre n’ont en revanche pas eu un impact visible sur les nappes, en raison d’une faible infiltration et d’une végétation encore très active qui a absorbé la majorité de l’eau écoulée.

Mais la majeure partie du territoire reste confrontée à des niveaux de nappes préoccupants, notamment autour du pourtour méditerranéen, dans le couloir Rhône-Saône et sur le sud de l’Alsace.

Selon le ministère de la Transition écologique, 83 départements sont actuellement en situation de sécheresse et ont pris des mesures de restriction des usages de l’eau. « Cette situation doit appeler chacun à la vigilance et la poursuite des efforts » notamment en matière de sobriété, souligne le ministre Christophe Béchu dans un communiqué.

La situation est d’autant plus inquiétante que l’automne est une « période charnière ». Septembre marque en effet habituellement le début de la reprise de la recharge, avec la survenue des premières précipitations importantes et la chute des températures.

Mais cette année, « la part des pluies infiltrées en profondeur reste faible en raison de précipitations insuffisantes et d’épisodes orageux localisés et intenses favorisant le ruissellement. De plus la végétation est encore active, du fait de températures élevées, et consomme une partie de l’eau infiltrée », souligne le BRGM.

Résultat : 70% des nappes continuent de se vider et seules 12 % sont en hausse en septembre.

« Ce n’est pas normal. D’habitude, on a davantage de niveaux en hausse à cette période », a souligné Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM lors d’un point téléphonique. « Mais ces dernières années, il pleut de moins en moins en début d’automne ».

Déficits qui s’accumulent

Selon Météo-France, ce premier mois de l’automne météorologique a été le mois de septembre le plus chaud jamais mesuré en France, poursuivant une série de presque deux ans au-dessus des normales de saison.

Sur la métropole, septembre 2023 s’est terminé « entre 3,5 et 3,6°C » au-dessus de la période de référence 1991-2020, « avec une température moyenne de 21,5°C » environ, avait annoncé le prévisionniste national le 29 septembre.

Et en octobre, cette chaleur inhabituelle et « exceptionnelle » s’est poursuivie, avec la barre des 30 degrés régulièrement franchie sur les 10 premiers jours du mois. Sans compter que « depuis le début du mois, il n’a quasiment pas plu » après un déficit de précipitations en moyenne de 20 % en septembre, favorisant une « tendance à l’assèchement » des sols, ajoute jeudi Météo-France.

« Les températures douces risquent de repousser la mise en dormance de la végétation » et par conséquent la recharge des nappes, estime le BRGM. « Le début de la période de recharge reste donc très incertain pour le mois d’octobre », conclut l’organisme. Or ce sont de ces niveaux de recharge automnaux et hivernaux que dépendra la situation de l’an prochain.

« Il existe de fortes incertitudes et nous ne sommes guère optimistes », a déclaré Mme Bault. « Depuis près de cinq ans, on a perdu entre 15 jours et trois semaines de recharge, qui se voit par ailleurs raccourcie par des printemps de plus en plus précoces », ajoute l’hydrogéologue qui craint de voir la situation de déficit des nappes « passer de conjoncturelle à structurelle ».

« Sur les nappes affichant des niveaux très bas à l’étiage », période où les niveaux sont les plus bas avant l’entame de la recharge, comme celles de la Sundgau en Alsace et du couloir Rhône-Saône, « il semble très peu probable de compenser les déficits accumulés depuis plusieurs années et de retrouver des niveaux au-dessus des normales en 2024 », avertit le BRGM.