Début de l’examen du projet de loi pour avancer les négociations commerciales
AFP le 09/10/2023 à 18:23
L'Assemblée nationale a commencé lundi l'examen du projet de loi devant avancer les négociations commerciales entre grands industriels et supermarchés, afin de faire baisser les prix en rayons mais avec un résultat non garanti.
C’est une « solution d’urgence » face à une « situation d’urgence », a souligné la ministre chargée des PME et du Commerce Olivia Grégoire en début de séance. Pour « protéger le pouvoir d’achat des Français », cette avancée de six semaines de la date butoir des négociations commerciales au 15 janvier plutôt qu’au 1er mars, doit permettre « d’anticiper les baisses de tarifs liées à la diminution du coût des matières premières », a-t-elle déclaré.
La ministre a plaidé pour une réflexion plus large. « Nous allons lancer une mission gouvernementale transpartisane pour réfléchir à la réforme du cadre global des négociations commerciales » , a-t-elle annoncé.
Pour la quatrième fois en cinq ans, le Parlement va se pencher sur la législation encadrant ces négociations commerciales. Tournant chaque année à la foire d’empoigne, elles permettent au terme de plusieurs semaines d’âpres discussions de fixer les conditions (prix d’achat, place en rayon, calendrier promotionnel…) auxquelles les E. Leclerc, Carrefour, Intermarché ou Système U vont s’approvisionner pour l’ensemble de l’année auprès de leurs fournisseurs.
Guerre des prix
Une majorité des produits vendus dans les supermarchés sont concernés par ces négociations annuelles : les produits de marques dites nationales, telles que Danone, Nutella, Nescafé ou Cochonou. Ces produits représentent par exemple les deux tiers des ventes de Carrefour.
Les précédentes lois sur le sujet, Egalim 1 (2018) et 2 (2021), et Descrozaille plus récemment, avaient pour objectif d’une part d’empêcher que les producteurs agricoles ne fassent les frais de la guerre des prix, et d’autre part de renforcer le poids des industriels face à la grande distribution.
Mais l’inflation alimentaire s’est imposée comme un sujet majeur en France, surtout depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le gouvernement avait pressé mi-2022 toutes les entreprises de renégocier à la hausse en cours d’année pour mieux rémunérer des industriels confrontés à la hausse de leurs coûts.
En 2023, il est intervenu cette fois pour demander la répercussion à la baisse d’un certain nombre de prix de gros, sans que cela ne se traduise par des baisses de prix sensibles en rayons. D’où la volonté d’avancer d’un mois et demi le calendrier de 2024, dans l’espoir de voir des réductions de prix plus vite en rayons. Le gouvernement avait annoncé vouloir n’avancer le calendrier que pour les 75 plus gros industriels.
Demandes à la hausse
Toutefois, l’Ilec qui porte la voix de ces géants, a déjà averti que l’issue des négociations serait « contrastée », certains marchés de gros continuant « à augmenter », expliquait fin septembre son directeur général Richard Panquiault.
Thierry Cotillard, patron du groupement Intermarché/Les Mousquetaires, a confié ses doutes sur la capacité des distributeurs à obtenir des diminutions de prix. Il a même évoqué dimanche la possibilité d’une hausse des prix « entre 0 et 4 % ».
En outre le traitement différencié des plus gros industriels est problématique pour certains. « Les multinationales vont cannibaliser les budgets de la grande distribution et préempter une grande partie du linéaire disponible », craint le président de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France, Léonard Prunier, qui demande que les petits passent avant les gros. Le gouvernement pourrait d’ailleurs soutenir des amendements en ce sens.
Les entreprises de tailles petites, moyennes et intermédiaires, ont demandé »la suppression des seuils de mise en place des négociations commerciales (150 millions de chiffre d’affaires) » qui doit, dans le texte examiné par l’Assemblée, permettre de faire la différence entre gros et moins gros industriels.
La date-butoir des négociations fait aussi débat. Et certains plaident pour pouvoir négocier toute l’année. L’inflation alimentaire donne toutefois des signes de décélération. Certains prix commencent même à baisser, dans des proportions toutefois bien moindres que les hausses des deux dernières années. Industriels comme supermarchés estiment de toute façon très improbable un retour aux prix de 2019.