Manger des légumes, un jeu d’enfant ?
AFP le 30/09/2023 à 11:05
Entre les rangées d'ordinateurs d'un laboratoire de l'Inrae, une dizaine d'enfants courent joyeusement d'un stand à l'autre : ils participent à une « chasse au trésor aux légumineuses » organisée par des chercheuses à Dijon.
« C’est quoi une légumineuse ? » demande Justine Dahmani. « Des choux ou des poires ! », « tous les légumes », tentent de répondre les enfants, âgés entre 6 et 7 ans, venus ce mercredi découvrir le jeu mis au point dans le cadre du projet « Chouette cantine ».
Lancé en 2021 dans les cantines des 38 écoles élémentaires de la ville, le programme auquel participe l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) vise à initier les enfants au plaisir de manger sain, bon et durable.
« Avec 8,5 millions d’enfants qui y mangent chaque semaine, l’alimentation scolaire est un formidable levier pour l’éducation au goût », explique Sophie Nicklaus, directrice de recherche au Centre des sciences du goût et de l’alimentation de l’Inrae de Dijon.
Si « les menus non végétariens et végétariens ont la même qualité nutritionnelle, les menus végétariens émettent plus de deux fois moins de gaz à effet de serre », expose-t-elle. Mais sont-ils appréciés par les enfants ? Pour le savoir, l’équipe a installé jusqu’en juin 2024 des bornes de vote, avec des smileys de couleur, dans chaque cantine.
« On a un taux de réponse de 45 % chaque jour. Sur un an, on a eu 200 000 votes, c’est un jeu de données fiable qui nous permet d’affirmer qu’il n’y a pas de différence d’appréciation entre les plats végétariens et les autres », explique Lucile Marty, qui étudie les changements de comportements alimentaires en lien avec la transition écologique.
Sans surprise, les tortellinis trois fromages rencontrent plus de succès que le chou braisé ou les salsifis à la crème, mais l’aversion pour les légumes n’est pas une fatalité : « on est équipés pour apprendre à aimer tout ce qu’on nous propose », assure Lucile Marty.
Notion de plaisir
D’où l’idée de « Chouette cantine » : un kit d’outils à destination des animateurs périscolaires et cuisiniers pour améliorer les connaissances des enfants autour de certains aliments (légumineuses, choux) et introduire une notion de plaisir, avec des jeux ou des ateliers de cuisine.
Si la « chasse au trésor aux légumineuses », un jeu autour des cinq sens permettant de manipuler lentilles et pois cassés n’a pas eu beaucoup d’effets sur la note des plats aux bornes de vote, les enfants ont semblé apprécier les moelleux pois chiches-citron ou encore les gâteaux chocolat-haricot.
La clé du succès d’un repas végétarien ? Ne pas l’étiqueter comme tel, confie Sophie Nicklaus. A Dijon, « on peut avoir, un, deux, trois ou quatre menus sans viande par semaine. On fait de la cuisine, on teste des recettes », détaille Fabrice Châtel, directeur général délégué à la Transition écologique de la Ville.
La municipalité, qui s’est engagée dans un vaste programme d’amélioration alimentaire, a ouvert avant l’été une légumerie, atelier où sont lavés et découpés des légumes approvisionnant la cuisine centrale des cantines. « L’idée c’est d’introduire des changements dans les pratiques agricoles, qu’elles soient plus favorables du point de vue environnemental et dans l’assiette », détaille Fabrice Châtel.
« On est passé de 15 % de légumes locaux en juin à 95 % en septembre, 100 % bio. On retricote le lien entre la cuisine centrale et les producteurs locaux », se félicite-t-il.
Si le modèle économique de la légumerie n’est pas encore stabilisé, Fabrice Châtel espère qu’à terme l’atelier puisse fournir d’autres cuisines centrales: CHU, cantines des collèges…, tout en assurant des débouchés aux agriculteurs de la région. « Cela parait anecdotique mais c’est extrêmement important, ça permet de se reconnecter aux producteurs locaux et de raconter une histoire autour de l’alimentation », estime Sophie Nicklaus.
Un contexte d’autant plus important que la dimension psycho-sociale et les croyances autour d’un aliment jouent sur son appréciation, abonde Lucile Marty, dont les travaux ont montré que les enfants associant plutôt l’alimentation au plaisir font les choix de meilleure qualité nutritionnelle.