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Diversification

Implanter et récolter du miscanthus bio


TNC le 14/02/2023 à 18:03
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Contrairement à la conduite en conventionnel, l'implantation du miscanthus bio nécessite de nombreux passages. (©TNC)

À ne pas confondre avec le bambou, le miscanthus est une espèce non invasive et stérile implantée dans un premier temps pour lutter contre l’érosion des sols, mais qui trouve aujourd’hui ses débouchés dans l’horticulture, l’élevage et le chauffage.

Le miscanthus giganteus est une culture intéressante pour les agriculteurs à la recherche de diversification. Si les éleveurs sont les principaux intéressés par l’utilisation en litière, le miscanthus a d’autres atouts : intérêts en zones touchées par l’érosion ou avec des enjeux de qualité de l’eau, ramène de la biodiversité et des auxiliaires de culture, stocke du carbone… Et c’est une culture qui se conduit tout à fait en agriculture biologique.

Les deux premières années sont cruciales

L’implantation du miscanthus est la partie la plus chronophage de la culture : elle se fait à la main (l’opérateur est sur une machine mais il place les rhizomes à la main sur un tapis), à raison de 20 000 rhizomes/ha disposés avec un écart de 50 cm entre les pieds et 1 m entre chaque rang. « Il faut compter environ 3 200 €/ha pour l’implantation, détaille Marion Boucher, conseillère de la chambre d’agriculture de Normandie, en incluant l’achat des rhizomes, la location de la planteuse et le travail du sol. »

On l’implante à partir de fin avril jusque début juin selon les zones (lorsque le risque de gelées est écarté) sur une terre fine (labour + passage de herse rotative), comme pour une culture de printemps (à noter : le miscanthus n’aime pas les sols hydromorphes).

« Il met du temps à sortir de terre et la pousse est assez hétérogène, il ne faut pas s’inquiéter », rassure la conseillère de la chambre. « L’entretien est en revanche primordial car la concurrence est très importante les deux premières années. Et ce sont elles qui déterminent la réussite du miscanthus pour les 20 ans à venir ! » En bio donc, il faudra user de plusieurs passages : des faux-semis avant l’implantation, passage de herse étrille tous les 10 à 15 jours jusqu’à 2,5 mois environ, puis 2 à 3 passages de bineuse quand les rangs seront formés et jusqu’à 4 mois.

« On effectue un broyage la première année (plutôt en février) pour faire un mulch au sol et on pourra compter sur une première récolte (partielle) l’année d’après. Le miscanthus atteindra ses rendements optimums en 5e année (11 t MS/ha de moyenne) et persistera jusqu’à 20-25 ans. » La récolte (en ensilage) peut se faire à partir de fin mars (viser 15 à 20 % d’humidité pour une bonne conservation). Marion Boucher reprend : « C’est une culture autonome qui ne nécessite pas d’apport de fond, mais on conseille un apport d’effluents tous les 3 à 4 ans après la récolte car elle exporte quand même de la potasse et du phosphore. »

Attention : le miscanthus implanté sur de grandes parcelles constitue un véritable refuge pour le gros gibier. Et les dégâts se font bien souvent dans les champs voisins. « Certains l’implantent en bandes avec des zones herbagères entre deux pour pouvoir chasser dans les parcelles », explique la conseillère de la chambre.

Quels débouchés pour le miscanthus ?

En grandes cultures, la rentabilité du miscanthus est estimée entre 5 et 7 ans. « C’est un placement d’argent et c’est d’autant plus intéressant quand les cours de l’énergie montent », témoigne Jean-Jacques Pinguet, agriculteur en Seine-Maritime. Il en a implanté 5 ha il y a un peu plus de 10 ans. Son objectif à l’époque : l’utiliser en litière pour ses vaches. « J’étais en logettes, j’ai remplacé la paille sur les tapis par du miscanthus et j’en étais content. »

Jean-Jacques Pinguet a investi 30 000 € dans sa chaudière biomasse alimentée par le miscanthus qu’il produit. (©TNC)

Aujourd’hui proche de la retraite, il n’engraisse plus que quelques animaux qui sont en litière accumulée paille + miscanthus. Il l’utilise donc surtout en chauffage après avoir investi dans une chaudière biomasse (initialement prévue pour y passer du bois déchiqueté et à laquelle il a simplement fallu rajouter un tuyau pour le retour de fumée afin d’y incorporer le miscanthus). « Pour 150 m 2 de chauffage + l’eau chaude, j’en consomme 50 ares/an environ. Je considère que 3 t de miscanthus valent 1 000 litres de fioul. C’est économique ! »

Si l’ancien éleveur a investi pas moins de 30 000 € dans sa chaudière, celle-ci est rentabilisée en moins de 10 ans par rapport à une chaudière au fioul. Un intérêt à étudier de plus près pour les polyculteurs qui auraient des bâtiments à chauffer, notamment des éleveurs de volailles ou de porcs. « C’est l’occasion de partir sur des ressources renouvelables », encourage Marion Boucher.

Car en effet, les débouchés sont à trouver, voire quasiment à créer en miscanthus : « Que ce soit en horticulture ou en chauffage, les agriculteurs ont je pense une carte à jouer auprès des collectivités afin de nouer des partenariats. Certains producteurs pratiquent aussi l’échange vrac/sacs avec des entreprises comme Novabiom et revendent leur miscanthus ensaché en direct aux particuliers pour le paillage horticole ou pour de la litière pour chevaux. »

Le miscanthus dans la nouvelle Pac : Malheureusement pour les producteurs, le miscanthus est considéré dans la nouvelle Pac comme une culture annuelle et ne compte plus comme une culture improductive (anciennement SIE). Il ne ramène donc pas de paiement vert. Autre chose à avoir en tête : le miscanthus ne bénéficie pas d’aides à la conversion bio.