Fraude à la viande chevaline

Les papiers des bêtes d’une ferme-laboratoire étaient falsifiés


AFP le 11/01/2023 à 09:35

« J'ai fauté, on a joué avec les papiers » : Patrick Rochette, grossiste en viande, a admis mardi devant le tribunal correctionnel de Marseille avoir introduit dans la filière alimentaire humaine des chevaux réformés d'une ferme-laboratoire de Sanofi-Pasteur, en falsifiant leurs documents.

« Toute la vie, ça a été galère avec les papiers », a tenté de se justifier, face aux questions de la présidente, Céline Ballerini, le principal des 25 prévenus jugés pendant trois semaines, depuis lundi, dans ce vaste procès de fraude à la viande chevaline. Dans le carnet de traitements médicamenteux des chevaux, Patrick Rochette, 68 ans, remplaçait par un feuillet vierge le feuillet initial, portant la mention « définitivement écarté de la consommation humaine ».

Cheveux blancs abondants, un air un peu fataliste sur le visage, le prévenu a avoué avoir fait abattre à Narbonne (Aude) au moins une trentaine de chevaux de la ferme-laboratoire d’Alba-la-Romaine (Ardèche) du géant pharmaceutique français. Des chevaux réformés après avoir servi durant plusieurs années à la fabrication de sérums antirabiques ou antivenimeux.

À l’audience, Me Xavier Vahramian, avocat du laboratoire, qui s’est constitué partie civile, rappelle que ces chevaux portaient sur la croupe la marque « S » du laboratoire, au fer, mais aussi des nodules et des kystes à l’encolure, liés aux injections répétées. Autant de stigmates qui les rendaient très identifiables. « Moi, bien sûr, je connaissais, je savais que c’était des chevaux de laboratoire. Mais ça faisait 25 ans que je les voyais passer ces chevaux, ils étaient autorisés. Leur statut a changé », a tenté d’expliquer Patrick Rochette.

En 2004, Sanofi-Pasteur avait en effet décidé d’interdire ces bêtes à la filière d’alimentation humaine, même si une expertise judiciaire a écarté tout risque toxicologique pour les consommateurs. « J’ai cru comprendre que ça a été interdit par principe, mais jamais dans ma tête j’ai pensé empoisonner quelqu’un », s’est-il défendu en réponse aux questionnements du tribunal.

« J’ai dit n’importe quoi »

Fabrice Daniel, agriculteur et commerçant de chevaux dans le Gard, qui vendait à Patrick Rochette ces chevaux rachetés 10 euros pièce à Sanofi après leur réforme, a assuré lui ne pas savoir que les animaux finissaient en boucherie. « Rochette ne m’a jamais dit que c’était pour l’abattage. Je n’aurais jamais pensé que ces chevaux allaient être abattus, sinon j’aurais réagi, j’aurais au minimum averti Sanofi », a soutenu M. Daniel.

« Est-ce qu’on peut raisonnablement penser que Fabrice Daniel ignorait la destination des chevaux ? », demande Mme Ballerini à Patrick Rochette. En guise de réponse, le chevillard narbonnais se racle la gorge… En garde à vue, M. Daniel avait reconnu savoir que Patrick Rochette faisait disparaître la mention d’interdiction d’abattage des factures et des passeports des animaux. « J’ai dit n’importe quoi, les gendarmes voulaient me faire craquer », a-t-il assuré mardi.

Concernant Patrick Rochette, de nombreuses écoutes téléphoniques prouvent en tous cas ses manœuvres pour contourner la réglementation : « Ces juments, si elles n’ont pas de papier, je peux m’arranger pour l’exportation », indique-t-il ainsi à un correspondant dans une discussion. Excellent connaisseur d’une réglementation qui se mettait en place au début des années 2010, Patrick Rochette proposait fréquemment à ses interlocuteurs de « se débrouiller », disant connaître des abattoirs « moins regardants », moins pointilleux sur les contrôles.

Un mois avant son interpellation, en décembre 2013, il se vantait encore au téléphone  : « J’ai trouvé un abattoir qui va tout nous tuer ». À cette époque, face à un durcissement des contrôles à l’abattoir de Narbonne, Patrick Rochette semblait recentrer son activité pour des abattages en Espagne, à Gerone ou Barcelone, ou en Italie.