Accéder au contenu principal
Soutiens à l'agriculture

Trois agences de l’ONU appellent à les « réorienter »


AFP le 14/09/2021 à 18:11

Trois agences de l'ONU ont lancé mardi un pavé dans la mare des soutiens à l'agriculture, estimant qu'ils engendrent trop souvent des effets « dommageables » pour l'environnement ou la santé et appelant à les « réorienter » afin de les rendre plus efficaces et plus justes.

À quelques jours du Sommet mondial des systèmes alimentaires organisé par l’ONU à New York le 23 septembre, la FAO (agriculture et alimentation), le PNUD (développement) et le PNUE (environnement) publient un rapport qui porte un jugement sévère sur l’impact des soutiens aux agriculteurs dans le monde.

Intitulé « Une opportunité de plusieurs milliards de dollars », il estime que le soutien aux agriculteurs représente au total 540 milliards de dollars par an en moyenne ces dernières années. Et que sur ce montant, environ 470 milliards de dollars – soit 87 % – génèrent « des distorsions de prix et sont dommageables pour l’environnement et socialement ».

Le rapport pointe particulièrement du doigt les soutiens par les prix (294 milliards de dollars par an) via des droits de douane, des subventions à l’exportation, des quotas à l’importation, des prix plafond ou plancher. « Cela entraîne des distorsions de prix » et fausse la concurrence, souligne Marco Sanchez, économiste à la FAO et l’un des auteurs du rapport, interrogé par l’AFP. « Cela nuit à l’efficacité ! ».

« Améliorer nutrition, production, environnement, et la vie »

Les aides budgétaires aux agriculteurs, qui se montent à 245 milliards de dollars par an, peuvent de leur côté avoir « un impact négatif sur l’environnement » lorsqu’elles sont liées à une production ou à un intrant en particulier (aides couplées, NDLR), poursuit l’économiste. Cela peut entraîner une « utilisation massive de produits chimiques, un appauvrissement des ressources naturelles et le développement de la monoculture ». Ces aides sont également susceptibles de nuire à l’équilibre nutritionnel des populations en favorisant la consommation de denrées de base (sucre etc.) au détriment des fruits et légumes, fait-il valoir.

Seuls les 110 milliards de dollars de dépenses bénéficiant collectivement au secteur sous la forme de services généraux (infrastructures, recherche et développement etc.) sont jugés vraiment vertueux par les auteurs du rapport. Celui-ci vise à déclencher « une prise de conscience des gouvernements du monde entier », estime Qu Dongyu, le directeur général de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture). Les pays doivent « repenser les régimes de soutien à l’agriculture afin de les rendre aptes à transformer nos systèmes agroalimentaires » en vue de quatre objectifs : « une meilleure nutrition, une meilleure production, un meilleur environnement et une vie meilleure », ajoute-t-il.

Procéder par étapes

Les trois agences préconisent une démarche en six étapes pour parvenir à réformer progressivement ces soutiens. La réorientation des aides devra se faire de façon « transparente », être basée « sur des preuves » et être adaptée à la situation des différents pays, souligne le rapport. En passant à des soutiens à l’agriculture « plus respectueux pour la nature, plus équitables et plus efficaces, nous pouvons améliorer les moyens de subsistance tout en réduisant les émissions polluantes, en protégeant les écosystèmes et en réduisant l’utilisation de produits agrochimiques », estime Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE.

Les soutiens publics à l’agriculture sont l’objet de critiques récurrentes. En juin, l’OCDE avait déploré dans un rapport que cette manne soit mal orientée. L’Organisation de coopération et de développement économiques souhaite que l’accent soit davantage mis sur l’innovation pour gagner en productivité et en respect de l’environnement. « Mais là, c’est la première fois, dans une période récente, que trois agences de l’ONU portent d’une seule voix ce message avec des preuves détaillées et de nouvelles données », assure Marco Sanchez.

Il espère que la démarche en six étapes proposée pour réorienter ces soutiens « sera reprise par certains pays ». « Dans l’ensemble, la réaffectation des soutiens agricoles est une occasion unique de transformer les systèmes alimentaires, mais cela ne se fera pas sans un soutien fort des gouvernements et une action urgente lors des prochains événements internationaux », à commencer par le Sommet sur les systèmes alimentaires, fait-il valoir.