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Conseils de jeunes éleveurs/OPA

Salarié avant de s’installer pour « découvrir, tester, gagner en assurance »


TNC le 29/11/2022 à 05:12
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Le salariat permet de tester ses motivations et son projet. (©AdobeStock)

Acquérir de l'expérience sur le terrain, prendre le temps de mûrir et préparer son projet, découvrir différents systèmes et façons de faire... être salarié quelque temps en élevage, avant de devenir soi-même éleveur, est bénéfique à plus d'un titre. Un point sur lequel Julien et Didier, deux jeunes installés, ainsi que les organisations professionnelles agricoles, sont unanimes.

Julien(1) n’a que 23 ans lorsqu’il s’installe en 2015 dans le Maine-et-Loire, près de Cholet. Auparavant, il a quand même été un an salarié sur la ferme de ses parents (qu’il n’a pas reprise) et dans une ETA. Même s’il est du milieu et de formation agricoles, cette expérience lui a permis de parfaire son « apprentissage » du métier et de « découvrir d’autres exploitations et pratiques ».

(1) Julien, jeune producteur de lait, était invité avec Didier, autre jeune éleveur et différentes OPA (Anefa, FNGEAR, Solutis Emploi…) à une conférence sur l’installation à l’espace Jeunes au Space 2022.

Mais aussi « d’effectuer sereinement son parcours d’installation en agriculture », et d’avoir le temps de « chercher une structure » qui lui convienne. En outre, il a pu construire son projet avec sa famille (conjoint(e), même s’il exerce une autre profession, et enfants) qui doit, car cela conditionne la réussite future, « partager les décisions prises : géographique, manière de travailler, etc. »

Mieux cerner ce qu’on veut faire, et trouver la ferme qui convient le mieux.

Une fois l’exploitation trouvée, 12 mois plus tard, Julien en prenait les rênes. Aujourd’hui, il élève 55 vaches laitières, des Jersiaises, sur 75 ha. « Ça ne sert à rien de se mettre la pression et de vouloir s’installer trop vite », souligne Marylène Thomas, responsable territoriale au sein du groupement d’employeurs morbihanais Solutis Emploi.

« Vous êtes jeunes, prenez le temps de mûrir votre réflexion, de découvrir, tester, vous former, pour mieux savoir ce que vous voulez et ce que vous ne voulez pas pour votre futur métier ! », renchérit, s’adressant aux futurs éleveurs, Sophie Jamois, coordinatrice responsable de développement à la FNGEAR(Fédération nationale des groupements d’employeurs agricoles et ruraux).

Apprendre le métier, construire son projet…

Dans cette optique, le salariat en élevage ne peut être que bénéfique. D’autant qu’il y a de la demande ! « Nous recherchons de la main-d’œuvre en permanence, à temps partiel ou partagé, pour répondre aux besoins des agriculteurs adhérents », acquiesce Marylène Thomas. Elle-même a été salariée agricole avant de rejoindre Solutis Emploi et peut-être un jour reprendre une ferme. « Accompagner les exploitants est très enrichissant également », fait-elle valoir.

Revenant sur l’intérêt d’être salarié agricole avant de s’installer, Valérie Heyser, directrice − déléguée départementale de l’Anefa d’Ille-et-Vilaine, met en avant « le large panel d’entreprises et de contrats proposés, l’occasion de tester différents outils, méthodes et organisations du travail. Et de pouvoir ainsi mettre en place ce qui semble le plus adapté à la future exploitation ».

Voir différents systèmes, organisations du travail, équipements.

Avant de prendre la suite de son père en 2019, à 33 ans, Didier a ainsi été embauché dans une coopérative et une Cuma, puis salarié sur l’exploitation familiale pendant cinq ans. Plutôt que de s’associer avec lui quelques années, il a préféré attendre son départ en retraite, en préparant en parallèle son installation. « Le plus important, ce ne sont pas les démarches, c’est la réflexion en amont. S’installer n’est qu’une étape, insiste-t-il. Le salariat peut aider en développant l’ouverture d’esprit. » Résultat : on s’approprie plus facilement son projet pour en maîtriser le moindre chiffre. 

De gauche à droite, lors de la table ronde évoquée à l’Espace jeunes au Space 2022, Didier et Julien, jeunes éleveurs et les OPA suivantes : Anefa 35, Solutis Emploi, chambre d’agriculture. (©TNC)

… Se l’approprier jusqu’au moindre chiffre

Le principal facteur de « viabilité » justement : « des investissements bien réfléchis dès le départ », pointe Julien. « Certes la conjoncture n’est pas favorable, il faut en tenir compte mais ne pas trop avoir peur non plus, sinon on ne fait jamais rien. On n’entreprend pas sans risque », poursuit-il, en réponse à de futurs éleveurs, faisant part de leurs inquiétudes sur le prix du lait. Quand un autre se demande si la filière aura suffisamment de repreneurs, vu le vieillissement des chefs d’exploitation et les nombreuses cessions laitières qui se profilent.

Ne pas trop avoir peur de la conjoncture, même si elle n’est pas favorable.

« Au moins, ils auront plus d’opportunités pour s’installer et de choix », rétorque Didier. « Par rapport à 7 ans en arrière, c’est très net », appuie Julien. Des candidats à la reprise, il en existe, ajoute la chambre d’agriculture, même si l’on observe un décalage entre l’offre et la demande, avec beaucoup de grandes exploitations à transmettre en lait et, en face, de souhait d’autres productions sur de plus petites surfaces. 

Parmi les préoccupations majeures pour ceux qui aimeraient devenir éleveurs : le foncier, sans surprise. « Comment faire le poids face aux velléités d’agrandissement de certains exploitants ? », s’inquiètent plusieurs d’entre eux. « Des règles sont édictées dans le schéma des structures, avec priorité donnée aux jeunes agriculteurs », rappellent les organisations professionnelles. Didier les rassure également : « Parfois, on n’obtient pas toutes les terres souhaitées au moment de l’installation, mais des opportunités foncières peuvent se présenter par la suite. »

Réfléchir à la charge de travail

Au niveau financier et charge de travail, Julien se souvient malgré tout avoir eu quelques craintes. Grâce au salariat, « j’ai pris de l’assurance et ma passion pour l’élevage s’est renforcée », reconnaît-il. Même si je suis seul sur la ferme, j’arrive à prendre une semaine de vacances par an et un week-end par trimestre. Et au mois de décembre, je passe à une traite par jour. Être son propre patron offre une souplesse appréciable dans la gestion du temps de travail. » « Je prends un week-end sur cinq et deux semaines de congés par an, il ne faut pas avoir honte de le dire », témoigne de son côté Didier.

« Dans les dossiers d’installation agricole, il faudrait prévoir une enveloppe financière pour le remplacement, conseille Marylène Thomas. Quand on vient de s’installer, un peu de temps libre aide facilite la prise de recul. » « On ne sait jamais ce qu’il peut arriver, même quand on est jeune. Mieux vaut être prévoyant », complète Sophie Jamois. 

Prendre des vacances et ne pas avoir honte de dire !

Autre appréhension pour beaucoup de jeunes : l’agribashing. Ce à quoi Didier répond : « tous les métiers font l’objet de critiques, sur les réseaux sociaux en particulier. Si vous faites bien votre boulot, il faut essayer de passer outre et les retourner à l’avantage de l’agriculture. » Pour « surmonter les difficultés », il prône notamment les groupes d’échange, l’engagement professionnel, le collectif .

Enfin, certains futurs installés s’interrogent sur la possibilité de changer de métier en cours de carrière, comme dans les autres secteurs : « Les agriculteurs aussi peuvent en avoir envie, pas forcément parce qu’ils sont en difficulté, mais le poids des investissements et les mentalités rendent les reconversions professionnelles plus difficiles. » « Mon quotidien est tellement diversifié que je ne pense pas me reconvertir un jour », juge pour sa part Didier.

« Nous accompagnons aussi les personnes qui veulent quitter l’agriculture, indique l’Anefa. Les agriculteurs ont le droit de tenter, de ne pas réussir, de recommencer autre part ou différemment, de faire autre chose. Dès que cela ne va pas, ils doivent alerter leurs partenaires. Des solutions sont là, telles que la formation, l’accompagnement technique, humain, etc., et sont accessibles tout au long de la vie professionnelle. Et les projets peuvent aussi évoluer. »