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Accord UE/Mercosur

Panique dans le bifteck français devant la perspective d’un accord


AFP le 23/05/2019 à 10:28

Panique dans le bifteck français : les propos de la Commissaire européenne Cecilia Malmström assurant que l'UE et les pays du Mercosur se « rapprochent » d'un accord de libéralisation commerciale ont déclenché mercredi la colère des éleveurs français.

L’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) se « rapprochent » d’un accord et espèrent y parvenir avant la fin du mandat de la Commission actuelle, a affirmé mercredi Cécilia Malmström à Paris. « À la veille des élections européennes, faut-il rappeler les conséquences catastrophiques qu’aurait un tel accord sur l’agriculture européenne et française ? » s’est immédiatement insurgé le premier syndicat agricole FNSEA dans un communiqué. « Le Brésil et l’Argentine, où les modèles de production sont soumis à des normes environnementales, sociales et phytosanitaires, bien inférieures à celles en vigueur en France, bénéficient de coûts de production ultra-compétitifs », ajoute t-il. Pour l’organisation de producteurs, les filières françaises déjà en difficulté « ne survivront pas longtemps face à des importations massives de sucre, de viande bovine, de volaille ou de maïs en provenance de ces pays ». Cécilia Malmström n’a pas écarté la possibilité que les discussions en cours passent du niveau des négociateurs à celui des politiques en juillet. « C’est possible », a-t-elle affirmé. La Fédération nationale bovine (FNB) qui représente les 82 000 éleveurs bovins français est très inquiète car l’accord en discussions prévoit de permettre aux quatre pays du Mercosur d’exporter 99.000 tonnes de viande bovine en Europe sans droit de douane chaque année. Or, les exigences sanitaires de la viande de ces pays ne sont pas à la hauteur des normes européennes, disent-ils, en dénonçant l’utilisation d’antibiotiques comme activateurs de croissance et de produits anti-microbiens interdits en Europe, ainsi que l’absence de toute traçabilité individuelle des animaux dans les abattoirs brésiliens notamment.

Baisse historique du cheptel

« Nous voulons alerter les futurs députés européens issus des urnes de l’élection de dimanche : sous aucun pretexte, cet accord ne doit être accepté », ajoute Bruno Dufayet, président de la FNB, lors d’une conférence de presse à Paris mercredi. Les éleveurs dénoncent aussi un « double langage » du gouvernement français, accusé de « faire semblant » de bloquer l’accord de libre échange. Officiellement, la position du ministre de l’agriculture et du gouvernement français est « claire » a souligné Bruno Dufayet, lui-même éleveur de vaches Salers dans les prairies du Massif Central « la France dit qu’elle ne signera pas d’accord qui remette en cause ses standards sanitaires, alimentaires et environnementaux », dit-il. Mais derrière ce « discours de façade » destiné à rassurer les consommateurs avant les élections européennes, en réalité il y a une « dualité » entre « ce que la France dit à Paris et ce qu’elle dit à Bruxelles où elle accepte de fait un accord », a affirmé Bruno Dufayet, précisant se baser sur différentes sources proches des négociations.

Selon la FNB, la viande en tant que marchandise « sensible » devrait être « retirée » purement et simplement de tous les accords de libéralisation commerciale en cours de négociation par l’UE. Le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay disposent déjà de la possibilité d’exporter 270 000 tonnes de viande de bœuf en Europe, a-t-il fait valoir. En France, on trouve cette viande à bas coût dans la restauration hors domicile, comme les restaurants sur les aires d’autoroute, ou dans les plats préparés à base de viande de l’industrie agroalimentaire, selon la FNB. Les éleveurs sont d’autant plus tristes et en colère que leur secteur traverse une crise historique liée à de nombreux facteurs : la sécheresse de l’été dernier et les relations tendues avec l’industrie agroalimentaire et la grande distribution qui ne les paient pas pour qu’ils puissent couvrir leurs couts de revient. « Entre juin 2016 et septembre 2019, nous aurons eu une décapitalisation historique de notre secteur, avec 8 à 10 % du cheptel en moins » ce qui n’est jamais arrivé, a dit Bruno Dufayet. « Nos élevages bovins génèrent très peu de revenus (17 000 euros net en moyenne en 2017), certains sont en faillite, d’autres abandonnent l’élevage avant les ennuis financiers et le phénomène touche toute la France alors que notre modèle basé sur des exploitations familiales, et l’élevage extensif herbager est vertueux sur le plan environnemental face aux usines à viande latino-américaines » a-t-il dit.

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