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Congrès des céréaliers de la CR

Nicolas Jacquet : « La France et l’Europe n’ont aucune stratégie agricole »


TNC le 10/01/2019 à 19:30
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L’OPG, la section regroupant les céréaliers de la Coordination rurale, est rebaptisée « France grandes cultures ». Ses adhérents étaient réunis en congrès jeudi 10 janvier 2018 au Futuroscope, près de Poitiers. Nicolas Jacquet, le président de France grandes cultures, y a dénoncé l’absence de politique française et européenne en faveur de l'agriculture.

À quelques jours des élections des chambres d’agriculture, les céréaliers de la Coordination rurale étaient réunis en congrès au Futuroscope, près de Poitiers (Vienne), jeudi 10 janvier 2019. États généraux, politique agricole européenne, organisation de la filière : pour Nicolas Jacquet, le président de France grandes cultures, le nouveau nom de l’OPG, tout est à revoir. Interview.

TNC : Pourquoi avez-vous rebaptisé l’OPG (Organisation des producteurs de grains) en « France grandes cultures » ?

Nicolas Jacquet (NJ) : Sur le plan interne, les producteurs de betteraves de la Coordination rurale étaient jusqu’à présent réunis dans une section de la CR. Ils se sentaient à l’écart alors qu’ils sont aussi producteurs de céréales. France Grandes cultures réunit donc désormais producteurs de céréales et de betteraves. Par ailleurs, ce nouveau périmètre de France grandes cultures sera en correspondance avec le regroupement, prévu d’ici l’été 2019, des différents conseils spécialisés de Franceagrimer pour les céréales et les oléoprotéagineux.

TNC : Quel bilan faites-vous des États généraux de l’alimentation et de la loi qui en découle ?

NJ : Il semble difficile d’appliquer au secteur des grandes cultures la volonté présidentielle d’une construction des prix en marche avant. Des légumes transformés à la viande bovine, tous les prix des produits agricoles sont sous influence plus ou moins forte du cours du blé. Si on ne fait pas remonter le prix des céréales, les États généraux seront un échec puisque toutes les autres productions dépendent de ce prix. Et force est de constater que les représentants majoritaires de la filière sont totalement opposés à cette application, alors que, depuis six ans, il n’y a pas de revenu chez les producteurs de grandes cultures.

TNC : Pourquoi dénoncez-vous aussi la vocation exportatrice de la filière céréalière ?

NJ : La France et l’Europe n’ont aucune stratégie agricole claire, et encore moins pour le secteur céréalier. De nombreuses organisations mettent en avant les exportations françaises et européennes de céréales. Mais, quand l’Europe exporte 22 Mt de blé, elle importe dans le même temps plus de 20 Mt de maïs. Et surtout, à quel prix exportons-nous ?! Le prix du blé a été divisé par trois en monnaie constante depuis 30 ans. Si nous exportions correctement nos céréales, ce serait d’une valeur de trois Airbus par semaine, et non d’un seul.

TNC : que défendez-vous donc ?

NJ : Comme l’a expliqué Frédéric Courleux (directeur des études du think tank Agriculture stratégie, ndlr) à notre congrès, le libre-échange, c’est fini partout dans le monde sauf en Europe. Aux États-Unis, au Brésil, en Russie, en Chine ou en Inde, les dirigeants ont des politiques fortes pour défendre leurs agriculteurs. En Europe, nous sommes les derniers « oui-oui » à croire au libre-échange et à laisser nos frontières ouvertes. Nous défendons la mise en place d’une vraie politique agricole européenne et d’une vraie stratégie agricole française. Quand j’entends Emmanuel Macron dire qu’il faudrait une armée européenne, je lui réponds qu’il faudrait qu’on ait d’abord une véritable politique et une vraie stratégie agricole.

TNC : Vous appelez, dans ce contexte, à revoir l’organisation française du secteur des grandes cultures. Pouvez-vous en dire plus ?

NJ : Chez nos principaux concurrents mondiaux, les organisations pilotent une même stratégie pour l’ensemble des trois cultures principales que sont le blé, le maïs et le soja/colza. En Europe et en France, tout est séparé : les interprofessions, les instituts techniques, les conseils spécialisés, etc. Alors que nous avons les mêmes agriculteurs et les mêmes collecteurs. Cette segmentation crée même de la concurrence au niveau national. Pour définir une stratégie claire pour le secteur des grandes cultures, il faut d’abord revoir cette organisation.

TNC : En mars 2018, les céréaliers de la CR manifestaient devant le siège d’Intercéréales, pour réclamer plusieurs sièges au sein de l’interprofession. Qu’en est-il aujourd’hui ?

NJ : Nous disposons d’un siège à Intercéréales depuis octobre 2018 alors que nous en voulions deux. Nous sommes en phase d’observation. Deux choses m’ont particulièrement frappées : D’abord, Intercéréales est une interprofession qui fonctionne quasiment sans producteurs. Les producteurs sont absents des réunions. Deuxièmement, j’ai été choqué de voir qu’Intercéréales se paie les services d’un avocat avec les CVO des producteurs pour savoir comment contourner les règles issues de la loi Alimentation et des États généraux sur le dossier des indicateurs de production. C’est totalement aberrant.

TNC : À quelques jours des élections des chambres d’agriculture, quels sont vos arguments pour appeler les agriculteurs au « changement » ?

NJ : Si cela va si mal pour les agriculteurs en général et les producteurs de grandes cultures en particulier, si les producteurs ne peuvent pas vendre librement leurs céréales à un voisin éleveur, c’est parce que nous avons l’AGPB qui bloque tout changement. L’AGPB préfère défendre l’exportation vers les pays tiers qui ne rapporte rien aux céréaliers. Voter pour la FNSEA, c’est se tirer une balle dans le pied. Je dis aux agriculteurs : « Si vous voulez vraiment un syndicat qui vous défende, votez Coordination rurale, la première alternative pour prendre la majorité à la FNSEA.