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Financement

L’investissement citoyen au secours de l’installation


TNC le 28/03/2023 à 09:21

6 500 projets soutenus en huit ans, avec des impacts positifs sur l'environnement et la vie locale, des citoyens contents d'aider les agriculteurs et inversement : « le financement participatif est devenu un outil crédible dans le microcosme agricole », afin de faciliter l'installation notamment, insiste Florian Breton, fondateur de Miimosa. Et depuis 2,5 ans, Fermes en vie veut favoriser la transmission des exploitations via l'épargne solidaire, complète Simon Bestel, cofondateur de cette foncière.

Le financement participatif en agriculture est désormais bien connu et de plus en plus utilisé par les agriculteurs. En particulier laplateforme Miimosa, la première à avoir vu le jour il y a huit ans. C’est « devenu un outil crédible dans le microcosme agricole », s’est félicité son fondateur Florian Breton au salon de l’agriculture 2023,lors d’une conférence sur « les moyens de financement dans le domaine agricole », chiffres à l’appui : 6 500 projets ont été accompagnés et 4 M€ collectés, « un record pour du crowdfunding thématique », fait-il remarquer. Autre argument : « Au début, des Nima (non issus du monde agricole) surtout nous sollicitaient, maintenant une personne sur deux vient du milieu. »

Complémentaire de l’emprunt bancaire.

Ce qui explique d’ailleurs les évolutions apportées depuis la création. D’abord sous forme de dons avec contreparties, puis depuis 2018 de prêts participatifs, les montants financés, de 3 000-30 000 € au départ, peuvent atteindre 200 000 €. Dernière nouveauté en date, lancée en janvier 2022 : le fonds de dette privée Miimosa Transition, grâce auquel « on a pu lever 200 000 € en seulement 8 h pour Poiscaille.fr, version marine du panier de légumes », explique-t-il. « Les sommes récoltées peuvent monter jusqu’à 20 M€. » « Ces solutions sont complémentaires mais ne se substituent pas à l’emprunt bancaire. L’un des avantages est qu’elles sont plus rapides à mettre en œuvre », souligne Florian Breton. Et pour les citoyens, le rendement de l’investissement citoyen est de 4 à 7 %, bien au-dessus du livret A actuellement. 

« Rapprocher agriculteurs et investisseurs »

L’idée de départ de Florian Breton, petit-fils de viticulteur (ayant donc « une sensibilité pour ce secteur », comme il le précise, même s’il est diplômé d’une école de commerce et travaillé d’abord dans les médias) était « de faire évoluer le financement en agriculture, pour faciliter l’installation des agriculteurs notamment, en rapprochant les porteurs de projets des investisseurs ». L’objectif est donc atteint : ces derniers sont « fiers d’aider des exploitants agricoles, pour leur permettre de concrétiser des initiatives qui ont du sens, avec plusieurs impacts positifs sur l’environnement (telle que la réduction de l’empreinte carbone, plusieurs producteurs inscrits sur la plateforme sont d’ailleurs engagés dans la démarche Les 2 pieds sur terre), comme sur le plan économique (relocalisation des productions entre autres).

Un investissement sécurisé, qui a du sens.

Et inversement, « cela donne confiance aux agriculteurs de se sentir ainsi soutenus ». Ils sont ainsi en relation avec les consommateurs. « Beaucoup font de la transformation et de la vente directe. En sollicitant un financement participatif, ils communiquent sur leur exploitation et se font connaître. Cela leur apporte de la notoriété et une clientèle potentielle, à partir de la base de données que constituent les épargnants, à peu près 300 en moyenne à chaque fois sachant que derrière chacun de ces contacts, il peut y avoir possiblement deux futurs clients », détaille le fondateur de Miimosa. Au-delà, le crowdfunding donne la possibilité de « travailler l’acceptabilité sociale et locale de certains projets », autour de la méthanisation par exemple. 

« Partenaires des acteurs historiques du secteur »

Simon Bestel, lui, avait « envie que le monde agricole retrouve un peu de valeur ajoutée pour ses productions et puisse s’impliquer dans la transition agroécologique ». Le meilleur moment pour cela, selon lui : l’installation où « l’on peut faire modifier plus facilement le système existant sur la ferme et intégrer ces évolutions dans les investissements », argumente-t-il. D’où l’importance d’un accompagnement financier pour favoriser ces changements, surtout vu « le coût des transmissions d’exploitations » aujourd’hui. Alors l’ingénieur en agronomie, après plusieurs années dans de « grosses firmes agroalimentaires », a lancé il y a deux ans et demi l’entreprise à mission Fermes en vie (Feve) et sa foncière solidaire.

Le ticket d’entrée en agriculture : en moyenne 1 M€ pour 100 ha.

Pour que leur cession soit plus facile, cette dernière achète des fermes via l’épargne citoyenne, avec option de rachat au bout de sept ans. Le but : « accélérer la transition agroécologique ». 6 M€ ont d’ores et déjà été récoltés et sept fermes acquises. L’ambition pour 2023 : l’acquisition d’une douzaine d’autres grâce à une levée de 10 M€. Fermes en vie collabore avec les partenaires historiques de l’installation en agriculture : Safer, chambre d’agriculture, lycées agricoles… « Cette collaboration de tous les acteurs est en effet essentielle face à l’enjeu du renouvellement des générations agricoles », appuie le cofondateur. « Le ticket d’entrée en agriculture − en moyenne 1 M€ pour 100 ha, la superficie moyenne des structures achetées par Feve est, elle, de 70 ha − est souvent hors de portée des jeunes, d’autant qu’ils doivent aussi reprendre les bâtiments, le matériel, le cheptel », souligne-il.

« Libérer de la capacité de financement »

Feve « libère de la capacité de financement, par exemple, pour monter un atelier de transformation et/ou de vente directe », poursuit Simon Bestel. Pour les citoyens, « c’est un investissement porteur de sens et sécurisé, sur 7 ans avec un crédit d’impôt, même si la rentabilité n’est pas énorme. Il y a peu de risques que les terres perdent de la valeur, que leur prix baisse », ajoute-t-il. Quant au grand public, il « découvre les problématiques agricoles », d’autant que des événements sont organisés dans les exploitations ainsi transmises pour qu’exploitants et investisseurs « nouent des liens ». Une « communication informelle sur les projets », en évitant toutefois « trop d’intrusion ».

Les terres ne vont pas perdre de valeur.

Résultat : une douzaine de producteurs, des Nima pour les deux tiers, ont pu s’installer, 25 % en maraîchage et pas mal en élevage sur des modèles pâturants, mais peu en grandes cultures « parce que de plus grandes surfaces sont nécessaires ». « Nous accompagnons les candidats à l’installation, nous ne montons pas les projets à leur place. S’ils ne s’impliquent pas suffisamment, s’ils ne maîtrisent pas leur dossier, nous suspendons l’accompagnement car cela pose question quant à leur autonomie et leur capacité de décision une fois installés », indique cependant Simon avant de citer la dernière opération en date, juste avant le salon de l’agriculture : une structure de 200 ha dans les Landes, d’un seul tenant et irrigués en totalité. En réflexion : diversifier les cultures (monoculture de maïs pour l’instant), arrêter le labour et introduire des couverts végétaux pour redonner de la fertilité aux sols et stocker davantage de carbone.