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L’agriculture française dans 20 ans

Les tendances qui feront évoluer un secteur marqué par l’échec du renouvellement


TNC le 17/10/2019 à 17:18
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Selon une enquête réalisée par l’agroéconomiste Jean-Marie Séronie auprès de spécialistes du secteur agricole, parmi les grandes tendances qui marqueront l’évolution de l’agriculture française d’ici 2040 figure l’échec du renouvellement des générations en agriculture. Les trois quarts des spécialistes interrogés estiment que la France comptera moins de 250 000 exploitations dans 20 ans.

Quel sera le paysage agricole français en 2040 ? Quelles sont les grandes tendances qui feront évoluer l’agriculture française ? C’est à ces questions que l’agroéconomiste Jean-Marie Séronie tente de répondre en préparation de son prochain ouvrage, à paraître courant 2020. Rencontré lors de la dernière édition du Space, à Rennes, l’agroéconomiste a questionné des dizaines de spécialistes et observateurs du secteur agricole : des chercheurs de l’Inra, des représentants d’organisations agricoles, des élus, des haut-fonctionnaires, des conseillers économiques ou techniques, des représentants de coopératives ou négoces, etc. Leurs réponses laissent apparaître, selon Jean-Marie Séronie, des tendances de fond significatives.

Quels sont les éléments qui vont dessiner l’agriculture de demain ? « Trois tendances ressortent des réponses des spécialistes interrogés. Il y a d’abord l’évolution de la demande du consommateur », explique Jean-Marie Séronie. La réponse paraît banale aujourd’hui, mais elle aurait été différente il y a dix ans. » Les enjeux de la sécurité sanitaire autour de l’alimentation et le souci de moins consommer de protéines d’origine animale seront, selon les répondants, au cœur de cette demande sociétale.

Bien que l’essor de la production biologique soit de plus en plus d’actualité ces dernières années, l’enjeu de cet essor de l’agriculture biologique « est très peu ressorti ». « C’est logique car ce n’est qu’une réponse à la demande. »

Face à un essor de la demande d’une production agricole locale, « quelle sera l’évolution de la concurrence mondiale et des échanges mondiaux de productions agricoles ? » « C’est l’une des principales questions soulevées », résume l’agroéconomiste.

Sur le plan technique, la place de l’agriculture française sur l’échiquier international dépendra aussi des évolutions techniques qui seront juridiquement possible en France et en Europe. « Quid de la génétique ? Jusqu’où pourrons-nous aller en matière de sélection génétique, en particulier en matière de mutagenèse dirigée ? »

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Le défi climatique sera rapidement un enjeu du passé

Outre ces questions, il y a un sujet qui, à l’horizon 2040, ne ferait même plus débat : l’adaptation au changement climatique. « Cet enjeu n’est pas beaucoup cité par les spécialistes, alors que c’est un sujet majeur aujourd’hui. Dans 20 ans, il est possible qu’il sera intégré déjà comme un acquis ».

Mais alors quel sera le paysage agricole français dans 20 ans ? « Les observateurs voient une agriculture française qui produira davantage qu’aujourd’hui. Elle va augmenter davantage en volume qu’en valeur. »

Autrement dit, la montée en gamme de la production française souhaitée par Emmanuel Macron depuis son arrivée en mai 2017 à l’Elysée, de même que la segmentation des marchés « n’apparaissent pas comme une tendance déterminante et majeure ». « Sur le plan structurel, les filières agricoles pourraient être beaucoup plus dirigées par l’aval, en cohérence avec le rôle plus actif des consommateurs. »

De ces tendances citées par les répondants, il s’en dégage une autre majeure : une baisse très nette du nombre d’exploitations agricoles. « Presque tous les acteurs anticipent une diminution importante du nombre d’exploitations. Un quart des personnes interrogées pensent qu’il y aura, en 2040, moins de 180 000 exploitations, dont moins de 150 000 exploitations à temps plein. »

La moitié des répondants pensent qu’il y en aura entre 180 000 et 250 000. Parmi elles, davantage d’exploitations seraient gérées à temps partiel. Ce mode d’exploitation serait néanmoins compensé partiellement par un recours accru au salariat.

Ainsi, « l’enjeu du renouvellement des générations n’apparaît pas, aux yeux des experts, comme un enjeu de premier ordre. Le nombre de petites exploitations de proximité va certes diminuer, mais leur part dans le nombre total d’exploitations va augmenter, confirmant la multipolarité de l’agriculture française ».