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À l'Aquarium de Paris

Les poissons font pousser des tomates


AFP le 22/08/2019 à 10:16

La maman des poissons elle est bien gentille : à l'Aquarium de Paris, les excréments des gardons, des poissons rouges et des esturgeons nourrissent tomates et poivrons, à la grande surprise des visiteurs.

« Nous avons déjà récolté 2/3 kg de tomates, quelques concombres, pas mal de physalis, 500g de poivrons… et l’offre va devenir plus riche ! », explique à l’AFP Victor Coiffier, biologiste marin à l’origine des premières plantations de tomates il y a quatre mois. « Nos légumes sont très bons, bien meilleurs que ceux des supermarchés », dit-il après avoir dégusté les premières récoltes avec ses collègues. La récolte s’est avérée rapidement fructueuse, car ici, l’eau utilisée pour arroser les cultures est enrichie par un engrais économique et 100 % bio : les déjections des poissons.

« Au début, on avait des doutes mais au final ça a vraiment bien marché », s’enthousiasme le jeune spécialiste d’aquaculture qui s’est inspiré de l’aquaponie, « un mode alternatif de production, intéressant écologiquement ». Les systèmes aquaponiques sont des circuit fermés. Les poissons, via leurs déjections riches en azote, créent de l’engrais pour les plantes. Les plantes absorbent ces nitrates et filtrent l’eau qui revient propre vers les poissons. « Une situation gagnant-gagnant », « une nouvelle approche de production alimentaire durable pour changer le monde », selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Si le potager de l’Aquarium de Paris est purement pédagogique et n’a pas vocation à nourrir le tout Paris ni même à « réduire les coûts du restaurant », ce mode de double production alimentaire (végétaux et poissons) « offre un réel potentiel pour produire des aliments de manière durable à tout moment et en tout lieu », note l’organisation. Tout particulièrement dans les régions où l’eau se fait rare ou quand la qualité des sols se dégrade. L’aquaponie, qui utilise constamment la même eau recyclée, peut réduire jusqu’à 90 % la consommation d’eau par rapport à l’agriculture traditionnelle, tout en offrant un rendement plus élevé de 15 %.

Accoupler les cornichons

« Le système que l’on a mis en place est très simple: c’est juste des tuyaux, une pompe, de l’eau et des poissons», précise Victor Coiffier, qui rêve d’un aquarium rempli de légumes. Pour l’instant, seuls les 20 mètres de bassins dédiés aux poissons de la Seine font pousser des légumes. Face aux visiteurs une centaine de poissons, des petits, des gros, des moustachus, des rouges, des tachetés, virevoltent dans 62 m3 d’eau. Plus haut (il faut lever la tête), des plants de tomates, de poivrons, d’aubergines, des radis… « Comment ça fonctionne ? », « qu’est ce que la pollinisation manuelle », « les poissons font aussi pipi ? », le potager suscite la curiosité des visiteurs qui pour la plupart découvrent ce mode de production. « C’est par la surprise, par l’émerveillement que l’on peut faire germer une conscience écologique », explique Alexandre Dalloni, médiateur scientifique. Selon la FAO, plus de 150 légumes, herbes, fleurs et arbustes ont déjà été cultivé par aquaponie. Un système qui peut aller « du petit appareil posé sur un banc de cuisine » avec poissons rouges et herbes aromatiques à de la production commerciale, note le programme Smartfish de la Commission de l’Océan indien (COI). Même si à l’Aquarium ces 4 mois de culture n’ont pas été sans déconvenue. Les cornichons, par exemple. « Comme ici, il n’y a pas d’insecte, on doit polliniser manuellement. Sur les cucurbitacées, la fleur ne reste ouverte que 24h, si je ne suis pas là pour accoupler la fleur mâle et la fleur femelle, la récolte est fichue… », note Victor Coiffier.