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Nouveau « plan loup »

Les éleveurs exigent « le droit de se défendre »


AFP le 02/06/2023 à 14:20
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La prédation continue d'augmenter, notamment sur les bovins. (©Pixel-mixer/Pixabay)

Le loup, une menace vitale pour l'élevage français ? Pendant que le gouvernement met la dernière main à son « plan loup » pour les cinq années à venir, les éleveurs fourbissent leurs arguments pour arracher le « droit de se défendre » face au prédateur.

Alors qu’arrive bientôt à expiration le plan national d’action 2018-2023 sur le loup et que les grandes lignes du suivant (2024-2029) doivent être dévoilées à l’automne, la filière élevage entend obtenir un maximum de concessions dans ce dossier complexe et politiquement ultrasensible.

Réunie en de solennelles « assises de la prédation » dans les Hautes-Alpes, un département particulièrement touché par la problématique lupine, la profession, emmenée par la FNSEA et la Fédération nationale ovine, monte au créneau sur tous les tableaux. Son principal argument : le précédent plan est un franc succès pour le loup, devenu selon eux le « roi des alpages », mais un échec patent pour l’élevage et le pastoralisme, qu’il était pourtant censé préserver.

Canis lupus aurait ainsi porté atteinte à plus de 12 000 bêtes en 2022, soit plus du double par rapport à 2012, malgré les mesures de protection introduites parallèlement. Et la tendance reste à la hausse sur le début 2023.

Les effectifs de loups ont été évalués à l’hiver 2021-2022 à entre 826 et 1 016, des chiffres qui laissent les éleveurs sceptiques, certains n’hésitant pas à parler de « plusieurs milliers » de loups. Le prochain « comptage » de canidés, en réalité une évaluation réalisée à partir d’indices (traces, hurlements etc.), est attendu le 3 juillet.

Parmi la longue liste de revendications, souvent techniques, discutées par les quelque 150 participants aux « assises », figurent en bonne place le « droit de se défendre » face au prédateur, actuellement strictement encadré, la déresponsabilisation des éleveurs lors des incidents survenus avec les chiens de protection, ou encore le déclassement du loup en tant qu’espèce protégée dans la convention de Berne.

« Preuves d’amour »

Beaucoup d’entre eux insistent sur « l’urgence » d’agir face à la « détresse » des éleveurs et le risque que les jeunes se détournent de la profession. « Le plan loup ne peut pas être un plan de désespérance. Il y a un mal-être des éleveurs », affirme Arnaud Rousseau, le nouveau président de la FNSEA, alors que le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, intervenant en visioconférence, vient de l’assurer de son soutien. Plus direct, un éleveur réclame « des preuves d’amour » : « J’ai une proposition, laissez-nous tirer du loup ! ».

Seule voix discordante, Jean-David Abel, un représentant de France Nature Environnement invité par les organisateurs, tente de faire valoir que « le loup est là et qu’on va vivre avec ». D’autres pays proches, où contrairement à la France, le loup n’avait jamais complètement disparu, ont opté avec succès pour une logique de « coexistence », pointe-t-il. Dans l’assistance, la réponse est glaciale : « Arrête tes âneries ! » « Force est de constater qu’en 2022 et début 2023 la prédation continue d’augmenter », notamment sur les bovins, admet de son côté le préfet référent national sur la politique du loup, Jean-Paul Celet. Pour autant, les arbitrages du futur plan loup « ne sont pas faits », prévient-il.

« Ce qui se dessine c’est bien le renforcement des moyens de protection » (chiens de protection, clôtures électrifiées, aide aux bergers), souligne-t-il, ainsi qu’une « simplification » du protocole de tirs de défense. En revanche, un passage à une logique de « régulation » de l’espèce, comme le réclament les éleveurs, n’est pas à l’ordre du jour, fait-il savoir.

Couillard absente

La secrétaire d’État à l’Écologie Bérangère Couillard et Fabienne Buccio, préfète coordinatrice nationale du plan loup, initialement annoncées à la conférence, étaient finalement absentes, au grand dam des organisateurs qui disent y voir un symptôme de « désengagement (…) depuis des années sur le sujet des prédateurs ».

« L’abandon systématique des producteurs au profit des loups reste aujourd’hui incompréhensible au regard de l’objectif de souveraineté alimentaire qui est fixé », ont-ils accusé. Jean-Pierre Imbert, propriétaire d’une exploitation à Saint-Véran (Hautes-Alpes), a subi des attaques de loups dès 1997 et estime avoir perdu ainsi plus de 500 brebis et une cinquantaine de chèvres. « On n’avance pas », lâche-t-il, fataliste, en marge des débats. « On est dans une fuite en avant et c’est l’éleveur qui passe pour le méchant ».