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Marché des céréales

Le retour des « risques » ukrainien et climatique fait remonter les prix


AFP le 07/06/2023 à 18:07
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Les cours ont surtout réagi ces derniers jours face aux risques climatiques. (©The Digital Artist/Pixabay)

Les cours des céréales sont remontés ces derniers jours, reflet de l'inquiétude des marchés mondiaux face à un temps sec dans le nord de l'Europe et aux Etats-Unis en période de croissance des cultures, et face à l'intensification des combats en Ukraine.

Est-ce la fin de la spirale baissière observée depuis des semaines pour le blé, le maïs et les oléagineux (soja, colza) ? Orientés à la hausse face aux « risques climatiques », les marchés, notamment européen, prennent aussi en compte l’augmentation du « risque géopolitique, avec l’intensification des combats en Ukraine », relève Sébastien Poncelet, du cabinet Agritel.

Deux événements majeurs retiennent l’attention des opérateurs : la destruction mardi du barrage de Kakhovka, dans le sud de l’Ukraine, dont s’accusent mutuellement Kiev et Moscou : les inondations affecteraient des dizaines de milliers d’hectares, dont des terres agricoles, selon le ministère ukrainien de l’Agriculture.

Et les déclarations du ministère russe de la défense mercredi : la Russie accuse l’Ukraine d’avoir fait exploser, lundi, dans la région de Kharkiv (nord-est), un pipeline reliant la ville russe de Togliatti au port ukrainien d’Odessa pour l’exportation d’ammoniac, désactivé depuis février 2022 mais dont Moscou espérait la remise en route.

Avant la guerre, ce pipeline permettait à la Russie d’exporter annuellement plus de 2,5 millions de tonnes d’ammoniac, ingrédient principal des engrais azotés, essentiellement à destination de l’Union européenne. Moscou a plusieurs fois affirmé que le renouvellement de l’accord céréalier de la mer Noire, signé en juillet 2022 et qui a permis d’exporter plus de 31 millions de tonnes de grains d’Ukraine, ne serait reconduit que si des progrès étaient réalisés en faveur de ses propres exportations de céréales et d’engrais.

« La remise en fonction du pipeline d’ammoniac faisait partie des conditions russes pour une prolongation de l’accord de la mer Noire. Sa destruction pourrait enterrer le projet de l’ONU, qui tentait d’obtenir sa réouverture » à la demande de la Russie, et plaidait pour une « extension » de l’accord à d’autres ports ukrainiens, à la demande de Kiev, a déclaré à l’AFP Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.

Affirmant que seul Kiev avait un « intérêt » au sabotage du pipeline, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a accusé l’Ukraine d’avoir « porté un coup dur aux efforts de l’ONU dans la lutte contre la faim », mercredi lors d’un briefing. Toutefois, pour Damien Vercambre, il était « encore trop tôt » mercredi après-midi pour évaluer les conséquences de ces derniers événements sur les cours, qui ont surtout réagi à la météo, moteur de la hausse des derniers jours.

« Besoin de pluie »

Le blé d’hiver américain a repris près de 10 % depuis mercredi dernier, tandis que sur Euronext, la céréale du pain a pris 4,3 % en cinq jours, en clôturant mardi à 230,25 euros la tonne pour une livraison en septembre.

Le maïs est aussi remonté à 226 euros la tonne pour livraison en août sur le marché européen. Aux États-Unis, la détérioration de l’état des cultures pour le grain jaune a aussi pesé en faveur d’une remontée des cours – avec une proportion de maïs estimé en état « moyen » à « très mauvais » passé de 31 à 36 % selon le dernier rapport hebdomadaire du ministère américain de l’agriculture (USDA).

« On entre dans la phase de croissance (du maïs et du soja) et chaque semaine devient un peu plus importante » que la précédente, a expliqué Jason Britt de Central State Commodities, même si ces cultures ne seront pas récoltées avant le début de l’automne et « peuvent se remettre si elles reçoivent assez de pluie ».

Dans la « Corn Belt », « environ 40 % des zones clés ont besoin de pluie tout de suite », affirme Don Roose, de US Commodities, jugeant que les prévisions de rendement optimistes de l’USDA « vont être difficiles à tenir ».

Autre facteur de soutien des cours : les prévisions de production en baisse de l’Australie, sous la menace du phénomène El Niño, avec une estimation pour 2023-24 de 26,2 millions de tonnes de blé (contre 39,2 millions estimés en 2022-23).

Ces facteurs de hausse sont toutefois tempérés pour le blé par la pression qu’exercent « les prix bas toujours pratiqués par la Russie », qui ont fait revenir certains acheteurs comme l’Arabie saoudite et l’Egypte, a noté Sébastien Poncelet.