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Bien-être animal

La fin de l’élimination des poussins mâles sera partielle au 1er janvier


AFP le 08/12/2022 à 17:19

Le gouvernement avait promis la « fin de l'élimination » des poussins mâles au 1er janvier. Plus de 10 % d'entre eux continueront tout de même à être éliminés après éclosion, en vertu d'une dérogation, jugée trop large par les associations de défense des animaux.

Près de 50 millions de poules sont élevées chaque année en France pour produire les œufs qui finissent dans nos assiettes ou des préparations industrielles. Ils sont autant de mâles à éclore pour être aussitôt éliminés – principalement par broyage – puisqu’inaptes à l’objectif visé.

Un an après l’Allemagne, la France a décidé de bannir cette pratique à compter du 1er janvier 2023. Les autorités ont imposé aux couvoirs de s’équiper de machines permettant de déterminer le sexe des embryons dans l’œuf – et donc d’éliminer ceux qui contiennent des mâles, plutôt que les poussins eux-mêmes.

Mais une dérogation, encadrée par un arrêté publié jeudi au Journal officiel, a été introduite devant la difficulté de sexer les poules blanches, qui représentent environ 15 % de la production nationale. Cette dérogation permet de continuer à éliminer les « frères » de poules blanches après éclosion, par gazage au CO2, afin qu’ils servent à nourrir d’autres animaux. L’arrêté ne précise aucune limite dans le temps à cette dérogation.

Cela concernera en pratique autour de 5,2 millions de poussins mâles par an, explique à l’AFP Maxime Quentin, directeur adjoint et scientifique de l’Institut technique de l’aviculture (Itavi).

Pour l’association de défense des animaux L214, cette dérogation est une « trahison ». L’organisation a organisé mercredi un rassemblement devant le siège parisien de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), qui dépend du ministère de l’agriculture, en présence d’une quinzaine d’élus, principalement de la France Insoumise ou d’EELV.

« A chaque fois, des exceptions permettent de passer outre la loi votée, avec des petites portes de sortie », a fustigé la cofondatrice de L214 Brigitte Gothière. « C’est terrible parce que ça dévitalise la parole politique auprès du grand public, on voit qu’il y a toujours des stratégies de contournement », a déploré le député EELV Nicolas Thierry.

Technologie « pas fonctionnelle »

« Le ministère s’est engagé à arrêter l’élimination des poussins mâles, pas de 85 % des poussins mâles », tempête Agathe Gignoux, chargée de plaidoyer de l’association de défense des animaux d’élevage CIWF. Le regret est d’autant plus marqué qu’elle considère que « c’est quasiment la seule réforme en faveur du bien-être animal depuis cinq ans ».

CIWF souligne aussi que la mise à mort par gazage est potentiellement douloureuse « même si elle est moins impressionnante que le broyage à vif ». 

Le ministère de l’agriculture et les producteurs d’œufs défendent la dérogation. « La technologie n’est pas fonctionnelle » pour le sexage des poussins blancs, souligne-t-on au cabinet du ministre de l’agriculture Marc Fesneau.

Chez les poules rousses, une technologie récente permet de déceler à travers la coquille la couleur des premières plumes, distincte selon le sexe du futur poussin. Chez les poules blanches, la méthode, basée sur une analyse hormonale, est beaucoup plus coûteuse et jugée trop lente.

Les œufs vendus en magasins sont issus de poules rousses, tandis que les œufs de poules blanches sont destinés à être transformés par l’industrie (ovoproduits).

Le ministère ajoute que l’élimination des mâles, dans la filière des poules blanches, a le mérite de fournir zoos et fauconneries qui ont « besoin » de poussins entiers pour nourrir reptiles et rapaces.

Il y avait aussi un enjeu de concurrence et de compétitivité, souligne le président de l’interprofession de l’œuf CNPO Yves-Marie Beaudet. Le sexage, qui renchérit les œufs, n’est pas généralisé à l’échelle européenne, ce que demande la France. « Dès qu’on pourra faire 100 % (d’ovosexage), on le fera », assure M. Beaudet.

Il affirme qu’il est « hors de question » que les poussins éliminés se retrouvent dans les croquettes des chats et chiens, une crainte soulevée par les associations.

Pour Maxime Quentin, de l’Itavi, cette dérogation était la « solution la plus pragmatique et efficace ». Il la conçoit comme « temporaire en attendant des technologies efficaces et fiables » pour sexer les poussins blancs.