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Procès Castel Viandes

La défense blâme des « confusions considérables » lors de l’enquête


AFP le 06/05/2022 à 10:04

Près de dix ans après l'ouverture de l'enquête, la société Castel Viandes, son PDG et deux cadres sont jugés à Nantes jusqu'à vendredi pour tromperie et mise sur le marché de produits préjudiciables à la santé.

L’information judiciaire avait été ouverte en 2013 à la suite d’accusations portées par un ex-salarié licencié cinq ans plus tôt, qui affirmait que le groupe pratiquait à l’époque la « remballe », recyclage de viande avariée issue d’invendus.

A l’issue de l’enquête, le groupe basé à Châteaubriant (Loire-Atlantique), son PDG Joseph Viol ainsi que deux cadres, Michelle Perron et Denis Leclerc, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour « tromperie sur la qualité d’une marchandise », « mise sur le marché de produits d’origine animale préjudiciables à la santé » et « entrave » à des contrôles sanitaires entre 2010 et 2013.

Lors de l’audience, la présidente a longuement examiné les 23 chefs de prévention et interrogé les trois prévenus sur les dépassements supposés de date limite de consommation et de taux de matière grasse dans certains produits.

« Le taux de matière grasse était plus élevé dans certains lots, moins dans d’autres. Mais la règlementation donne une moyenne sur la production journalière. Globalement, nous étions dans les clous », a assuré Michelle Perron, chemisier fleuri et veste beige.

Alors qu’il leur est reproché de ne pas avoir rappelé des lots de viande hachée impropres à la consommation, les trois prévenus ont assuré, pièces à l’appui, avoir retiré de la vente les « mêlées » concernées.

A l’issue de l’interrogatoire, le conseil de Denis Leclerc, Me Louis-Georges Barret, s’est réjoui d’une « audience utile » qui a permis de « mettre au jour » les « confusions considérables faites au cours de l’enquête ».

« L’enquête a été menée à charge. Aujourd’hui, chaque fait reproché s’effondre », a-t-il affirmé à l’AFP. « Je ne vois pas comment une condamnation pourrait être prononcée. »

« Calomnie »

Les avocats de la défense rejettent en bloc l’ensemble des chefs de prévention et les allégations de Pierre Hinard, l’ancien directeur qualité de Castel Viandes.

« Pierre Hinard n’est pas un lanceur d’alerte. Je suis désolé pour son ego », a lancé lors de l’audience Me Benoît Chabert, conseil de Castel Viandes et de son PDG, soutenant que l’ex-salarié n’avait porté ses accusations que par « vengeance personnelle » à la suite de son licenciement.

L’avocat avait contesté à l’ouverture de l’audience sa constitution de partie civile, sur laquelle le tribunal statuera à l’issue du procès.

D’après son avocate, l’ancienne députée européenne écologiste Eva Joly, Pierre Hinard avait confronté ses employeurs au sujet de la remballe dès décembre 2008, peu avant son licenciement.

« Depuis 2006, il voyait des situations qui auraient mérité d’être dénoncées. Mais il tenait à son emploi et savait que ceux qui s’opposent chez Castel Viandes se font licencier. Jusqu’à ce que le directeur fasse venir un samedi des salariés pour qu’ils procèdent à la découpe d’une viande qui était dégoutante », a affirmé Me Joly.

Lors de sa plaidoirie, elle a évoqué un dossier « brûlant d’actualité » au moment où « des industriels aussi peu respecteux que Castel Viandes ont empoisonné nos enfants », faisant référence au scandale de la contamination à la bactérie E.coli par des pizzas de la marque Buitoni.

Pour son client, qui a expliqué à la barre souffrir de « dénigrement et calomnie permanents depuis 13 ans », elle a réclamé 80 000 euros de dommages et intérêts.

Toujours du côté des parties civiles, alors que l’avocate de l’UFC Que choisir a réclamé 300 000 euros de dommages et intérêts, le conseil d’Interbev (association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes) s’en est rapporté à la justice sans formuler de demande. Le procès doit se poursuivre vendredi.