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Foyer de Covid

Des agriculteurs et une société espagnole assignés


AFP le 24/06/2020 à 10:18

Après l'apparition de plus de 250 cas de Covid-19, neuf exploitations agricoles des Bouches-du-Rhône et une société d'intérim espagnole se sont vu reprocher mardi devant le tribunal l'absence de mesures de protection suffisantes contre le coronavirus pour leurs saisonniers étrangers.

« On ne demande pas la lune, mais de faire en sorte de limiter la propagation du Covid », a plaidé Vincent Schneegans, l’avocat du syndicat CFDT, à l’origine de l’assignation en référé devant le tribunal de Tarascon (Bouches-du-Rhône). Au cours des trois dernières semaines, 258 cas positifs ont été détectés parmi des ouvriers détachés, pour la plupart originaires d’Amérique du Sud et d’Afrique, venus ramasser fruits et légumes dans le département des Bouches-du-Rhône, dans le sud de la France, selon des chiffres de l’Agence régionale de santé. Le plus grand nombre de cas « ont été trouvés dans les lieux d’hébergement de Terra Fecundis », avait précisé une femme médecin de l’ARS vendredi, en référence à cette société d’intérim espagnole qui fournit des travailleurs détachés aux agriculteurs français. Le syndicat a demandé aux juges d’enjoindre aux exploitants de procéder à une évaluation des risques et à la mise en œuvre de procédures de protection –désinfection des outils, fourniture de gel hydroalcoolique et de masques– sous peine d’astreinte de 5.000 euros par jour de retard.

« On a besoin de cette population car elle est corvéable à merci », selon le syndicat, mais étant « dans une détresse physique et morale », elle « n’a pas pu faire valoir ses droits » et bénéficier des mesures de protection sanitaires contre l’épidémie.

À lire aussi : En Provence – Précautions renforcées pour les ouvriers agricoles détachés face au Covid-19

Dans son assignation, la CFDT a rappelé que les autorités françaises ont mis en demeure une exploitation de fermer des bungalows insalubres abritant des saisonniers. Un arrêté de la préfecture a aussi exigé qu’un logement pour travailleurs détachés soit raccordé à l’eau potable. « On dit « vous êtes des meurtriers, des esclavagistes », sans aucune preuve! », s’est insurgé Me Fabrice Baboin, avocat d’une des sociétés agricoles assignées. « Ils gagnent bien leur vie, vivent dans des conditions tout à fait normales. Ce qu’on veut, c’est mettre fin au détachement, mais si vous mettez fin au détachement, vous mettez fin à l’agriculture française ! », a poursuivi l’avocat.

Avec un chiffre d’affaires de 72 millions d’euros en 2018, dont 50 millions réalisés en France, la société espagnole Terra Fecundis détache environ 4 500 travailleurs dans l’agriculture, souligne la CFDT dans son assignation.

Dans le système du détachement, autorisé par l’Union européenne, les travailleurs doivent être payés au salaire minimum français, mais les charges sociales sont en revanche acquittées en Espagne, où elles sont moins élevées qu’en France. « Nous avons respecté nos obligations. Nous sommes respectueux de nos salariés. Il est inadmissible de nous faire passer pour des esclavagistes », a tancé Me Alexandre Jammet, avocat d’une autre société agricole. « Terra Fecundis c’est le diable en personne, on est sali presque quotidiennement », a de son côté déploré l’avocate de la société espagnole, Me Caroline Petroni, déplorant un « acharnement ». Des demandes en nullité ont été formulées par les entreprises agricoles, ainsi que des indemnités pour le préjudice qu’elles estiment subir en étant « traînées dans la boue ».