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Agroalimentaire

Après la crise, la Grèce apprend à exporter


AFP le 25/10/2018 à 12:44

Jusqu'en 2015, Giorgios Chalvatzis, 42 ans, était banquier dans le nord de la Grèce. Aujourd'hui, il exporte de l'huile d'olive extra vierge dans le monde entier : « C'est 5 % de stress, au lieu de 95 % pendant la crise. Mon ancienne vie ne me manque pas du tout ».

Au Salon international de l’alimentation (Sial) de Villepinte, près de Paris, 280 exposants grecs comme Giorgios Chalvatzis ont proposé leurs produits cette semaine à des acheteurs de toute la planète. Presque un doublement de la présence hellénique en quatre ans, soulignent les organisateurs du salon, puisqu’ils étaient 150 en 2014. « Depuis la crise, la Grèce a bien su rebondir dans le secteur agroalimentaire », constate Nicolas Trentesaux, directeur du Sial.

Cette année, les entreprises grecques se situaient dans les 10 nationalités les plus représentées du salon, derrière la Chine, et devant l’Allemagne. Une petite révolution commerciale pour un pays à forte tradition agricole, qui s’est longtemps contenté de vendre en vrac ses olives, pistaches ou oranges comme des matières premières agricoles, expédiées par camion-citerne, sans création de valeur ajoutée. Encore aujourd’hui, le troisième producteur mondial d’huile d’olive exporte 70 % de sa production en vrac. Pour Alessandro Toso, directeur de la société britannique Tradefinance Solutions (TFS), qui aide les PME du sud de l’Europe à financer leurs exportations, « les Grecs vendent depuis des générations des produits agricoles de qualité supérieure aux Italiens, aux Espagnols, aux Allemands ou aux Français » qui, eux, savent tirer profit de la qualité et empocher les marges. La crise, qui a failli couler le pays entre 2010 et aujourd’hui, a fait changer les mentalités. « Beaucoup se sont dit qu’ils devaient vendre correctement leurs produits s’ils voulaient survivre », dit à l’AFP une responsable d’exportation.

Projet de création d’une AOP

« La jeune génération a réalisé qu’il fallait construire des marques, et être en mesure d’accorder des conditions de paiement professionnelles à des clients étrangers », résume Alessandro Toso. « Nous assurons le risque client, et lorsque nous sommes sûrs que le client honorera sa commande dans les deux à trois mois dont il dispose, nous avançons l’argent de la commande au producteur, travail que les banques locales ne font pas », explique l’homme d’affaires. Selon lui, « dans certains villages grecs, on trouve encore des anciens qui pensent qu’un bon client est quelqu’un qui règle sa commande en espèces au comptant ». « Ils ne se rendent pas compte qu’ils se font traiter comme des esclaves, avec des tarifs très bas », ajoute Alessandro Toso.

Message bien reçu par Giorgios Chalvatzis, qui a créé sa société et sa marque d’huile d’olive avec ses indemnités de départ. Cet ancien chef d’une succursale bancaire a déniché ses premiers clients « au Canada et en Suisse », via les réseaux sociaux. Quelques stands plus loin, Ioannis Kampouris, directeur d’écoles privées, a diversifié ses revenus en créant il y a cinq ans la marque E-LA-WON, mot qui veut dire huile d’olive en linéaire B, une forme archaïque de grec ancien utilisée à Mycènes.

Dans les groupes installés comme Minerva, l’une des marques les plus vendues en Grèce, c’est la chute violente de la consommation intérieure qui a obligé la société à se tourner vers l’export. « Nous revenons au salon pour la première fois depuis 2012 », explique Vassilis Xarchas, gestionnaire de compte international chez Minerva. Pas facile pour tout le monde néanmoins. Une responsable export se plaint de « la bureaucratie ». « Un ami a voulu se lancer dans le commerce international d’huile d’olive, il lui a fallu une semaine pour créer une société en Espagne, quatre mois en Grèce, et il pense déjà à fermer du côté grec, car les impôts sont trop lourds », raconte-t-elle. Pour Vassilis Kokkalis, secrétaire d’État au développement rural et à l’agroalimentaire, l’une des solutions pour mieux valoriser les exportations passera par la reconnaissance d’Appellations d’origine protégée (AOP). « Nous préparons les dossiers » pour Bruxelles, a-t-il dit à l’AFP. En attendant, le Sial a reconnu l’inventivité agroalimentaire grecque. Outre un poulet au sélénium, permettant de lutter contre le vieillissement – car nourri à l’huile d’olive – sélectionné dans les produits de l’année, le grand prix du Salon 2018 a été décerné à un kéfir d’eau de fruits, une boisson fermentée très tendance.