Accéder au contenu principal
Point de vue d'Académiciens

Aliments dits « ultra-transformés » et santé : que faut-il en penser ?


Section 8 de l'Académie d'agriculture de France le 23/07/2019 à 19:35
AAF

Au cours des derniers mois, plusieurs médias - et quelques scientifiques - ont critiqué une nouvelle catégorie d'aliments, dits "ultra-transformés". Leur consommation serait "associée" - pour les plus prudents - ou serait "responsable", le plus souvent, d'une kyrielle d'effets défavorables à la santé, parmi lesquels l'obésité, le cancer, les maladies cardiovasculaires ou la dépression, pour n'en citer que quelques-uns. Que dit la science à ce sujet et qu'en est-il de ce nouveau bouc-émissaire ? Le point de vue d'Académiciens.

Différentes classifications des aliments reposant sur leur qualité nutritionnelle, leur origine ou leur mode de production ont été proposées, telles que la classification NOVA, qui range les aliments en fonction de leur degré de transformation. Aucune validation sérieuse de cette classification n’a été effectuée, celle-ci semblant avoir été conçue sans véritable base scientifique et avec de nombreux partis pris. Pourtant, cette classification est abondamment reprise par de nombreux chercheurs pour rechercher des associations entre la consommation d’aliments dits « ultra-transformés » et de multiples effets sur la santé.

« Leur profil nutritionnel est moins intéressant »

La transformation des matières premières modifie leur structure physico-chimique et les aliments transformés présentent des caractéristiques structurales qui peuvent varier en fonction des procédés mis en oeuvre. C’est l’effet « matrice », qui explique par exemple que la cuisson des tomates favorise l’absorption intestinale des caroténoïdes (mais détruit en même temps certaines vitamines), ou bien que l’extrusion des céréales augmente la réponse glycémique. On voit sur ces deux exemples que l’effet matrice peut avoir des conséquences favorables (meilleur apport de micro-nutriments) ou défavorables (moindre apport de vitamines ou pic de glycémie post-prandiale accru).

La très grande variabilité des associations entre procédés et matières premières aboutit à un grand nombre de matrices alimentaires différentes. Chaque cas est particulier et nécessite une analyse et une réflexion distinctes.

« Leur teneur est élevée en composés néoformés, additifs et contaminants divers »

Un autre reproche que font certains aux aliments « ultra-transformés » est leur teneur en ingrédients particuliers, en composés néoformés, additifs et contaminants divers. Même si ces ingrédients ne paraissent pas « naturels » au consommateur, qui ne les utilise pas pour cuisiner, ils sont issus de matières premières de qualité alimentaire. A ce jour, il n’a pas été rapporté d’éléments scientifiques solides quant à leurs effets néfastes sur la santé. La réglementation européenne n’autorise la mise sur le marché de « nouveaux ingrédients, nouveaux aliments » qu’à la condition que les experts de l’European Food Safety Authority (EFSA) aient conclu à leur innocuité au vu d’un dossier scientifique complet.

Les processus de transformation sont généralement des procédés simples et la présence des composés indésirables n’est pas l’apanage des produits « ultra-transformés ». Ce n’est pas un point de différenciation net entre les aliments « ultra-transformés » et les autres.

Les additifs alimentaires, quant à eux, ont fait l’objet d’évaluations toxicologiques poussées : l’EFSA a opéré ces dernières années une réévaluation systématique de ceux-ci et a confirmé la sécurité de leur emploi raisonné, tout en recommandant au décideur (la Commission européenne) quelques restrictions d’utilisation ou des améliorations des méthodes de dosage et d’évaluation des expositions réelles. Si on peut admettre que la totalité des additifs aujourd’hui utilisés dans l’industrie n’est sans doute pas indispensable, certains s’imposent pour assurer, par exemple, la conservation sans risque microbiologique de différents produits.

Enfin, les contaminants (résidus de pesticides, d’antibiotiques, métaux lourds, mycotoxines, migrants d’emballage…), lorsqu’ils sont présents, proviennent essentiellement des matières premières et ne sont donc pas liés aux étapes de transformation. Leur présence dans tout type d’aliment est bien sûr à minimiser, ce qui est facilité par des mesures de gestion du risque et des limites réglementaires.

Nota Bene : Les « Points de vue d’Académiciens sur… » sont des publications de l’Académie d’agriculture de France qui engagent exclusivement la responsabilité des signataires.

(©Académie d’agriculture de France)

https://www.academie-agriculture.fr/

Pour approfondir le sujet consultez aussi